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·¡

CO M

proche , le regret, l'agitation , le rourment , les an–

goitres , s'emparent de

tui :

&

prernicur ratione ani–

mu.s , vincique laboral.

Le peintre qui manqueroit de gottt au poi nt de

prendre l'inllant ou Hercule eíl: encicrement décidé

pour la gloire, abandonneroit tout le fublime de

cctte fable , & (eroir contraint de donner un a

ir

af–

iligé

a

la déetre du plaifir qui auroit perdu fa caufe;

ce qui ell contre fon caraétere. Le choix d'un inftant

inrerdit au peintre tous les avantages des autres.

Lorfque Calehas aura enfoncé le couteau fa cré dans

le fein d'lphigénie , fa mere doit s'évanoiiir; les ef–

forts qu'elle feroir pour arrcter le coup fo nt d'un

in–

íl:ant patré : revenir fur cet inllant d'une minute,

c'ell pécher aulli lourdement que d'anriciper de mille

ans fit r !'a venir.

.

Il y a pourtant des o ccafions

oi1

la préfence d'un

mllanr n'eíl: pas incompatible avec des traces d'un

inllan t paífé: des !armes de douleur couvrent quel–

quefo is un vifage dont la joie commence

~

s'empa–

r er. Un peintre habite faifit un vifage <\ans l'inllant

dt~

patrage de l'ame d'unc pallion

¡\

une

aut.re

, &

fatt un chef-d'reuv re. T elle ell Marie de Medicis

dans la galerie du Luxembourg ; Rubens l'a peinre

de maniere que la joie d'avoir mis au monde un fils'

n'a poinr effitcé l'imprellion des douleurs de l'enfa n–

temenr. De ces deux pallions co ntraires, l'une eíl:

pr.éfente, & l'autre n'eíl pas abfenre.

Comme il ell rare que norre ame foit dans une

a lliete ferme & déterminée , & qu'il s'y fair prefque

roí\jours un combar de différens

intér~ts

oppofés , ce

n'eíl: pas atrez que de favoir rendre une pallion lim–

pie ; rous les inllans délicats font perdus pour celui

q"i ne porte foñ ralent que jufque-la: il ne forrira

de fon pinceau aucune de ces figures qu'on n'a ja–

mais aírez vttes , & dans lefquelles on appers:o ir fans

cetre de nouvelles fin eífes,

a

mefure <¡u'on les conii–

dere

:

fes carafreres fero nr trop décides po:tr donner

ce plaiiir ; ils frappero nt plus au premier coup d'reil,

mais ils rappellero nt moins.

D < l 'unité d'aélion.

C ette uniré tient beaucoup

a

celle de tems : embraífer deux inllans, c'eíl: peindre

a

la fois un

m~

me fair fous deux points de vue diffé–

rens ; fanre moins feniible, mais dans le fond plus

lourde que celle de la dupliciré de fuje r. D eux afrions

ou liécs , OUmeme féparees, peuvent fe pafie r en me–

me terns,dans un meme

Ji

eu ; mais la préfence de deux

irúlans différens implique co ntradifrion dans le me–

me fait; a moins cju 'on ne veuille coniidérer !'un &

l'autre cas comme la rerréfentation de deux afrions

différentes fur une

m~me

toile. Ceux d'e,tre nos

p oeres qui ne fe fenrent pas aífez. de génie pour tirer

cinq aaes

~ntt!reífans

d'un fujet limpie , fondenr plu–

íieurs aél:ions dans une , abondent en épifodes , &

chargent leurs pieces a proportion de leur llériliré.

Les peinrres rombent quelquefois dans le meme dé–

faut. On ne nie point qu'une aél:ion principale n'en

e ntra'ine d'accidentelles ; mais il faut que celles-ci

foient des circonllances efTenriclles

a

la précédenre

:

il

faur qu'il y ait entre elles tant de liaifon & tant de

fuhordination , que le fpeél:a reur ne foit jamais per–

p lexe. Variez. le maíla cre des Innocens en tant de

manieres qu'il vous plaira; mais qu'en c¡uelqu'en–

droit de votre toile queje jette les yeux , ¡e rencon–

tre par-tout ce maífacre; v os épifodes , ou m'atta–

chero nt au fujet , ou m'en écartcront; & le dernier

de ces eifets ell tottjours un v ice. La loi d'unité d'ac–

tion ell encore plus févere pour le peintre que pour

le poete. Un bon tableau ne fournira guere qu'un

fujet', ou meme qu'une

fc~ne

de drame ; & un fcul

drame peut fournir maciere

a

cent tablealL'< diffé–

rens.

D eJ'unité dt lieu.

Cette unité ell plus fuiél:c en un

fens & ·moins en un aurre pour le peinrre que pour

e o

M

·773

le poete. La fcel'le eíl: plus

ét~ndue

en peinture, mais

elle eíl: p_lus une _qu en

po~ú7.

Le poete qru n'cíl:

pas reftramt a tm mftant mdJvJ!ible comme le pein–

tre , promene fuccefiivement l'auditeur d'un appar–

tement dans un autre ; au lieu que

ii

le peintre s'eíl:

établi dans un veíl:ibule , dans une falle , fous un

portiqu~

'· dans une

campa~ne,

il n'e':' forr plus. ll

peut

a

1

mde de la Perfpefr•ve agrand1r fon rhéatre

autant qu'il le juge a -propos' mais fa décoration

relle ; il n'en change pas.

D e la Jitbo':dination d'! figures.

11 ell évident que

les figures d01 vent fe fa1re remarquer a proporrioR

de lrrntéret que j'y dois prendre; qu'il y a des lieux

relatifs aux circonllances de l'aélion, qu'elles doi–

ve,nt occuper naturellement, ou dont elles doivent

e rre plus ou moins éloignées ; que chacune doit erre

anim~e

&

de la pallion & du degré de paílíon qui

cOnVIent

a

fon caraélere ; '\"e s'il y en a une qui

parle , il faut que les autres ecoutent ; que plufieurs

interlocuteurs

a

la fois font dans un tableau un auíli

mauvais efie t que dans une compagnie ; que rout

étant égalen1en¡ parfait

dans la

nature,

dans

u n mor–

ceau parfair tomes les parries doivent erre éaalc–

ment foignées , & ne dércrminer l'attention

gu~

par

le plus ou moins d'importance fculemenr. S1 le fa–

crifice d'Abraham étoit préfenr a vos y eux , le buif–

fon & le bouc n'y auroienr pas moins de vérité que

le facrificateur &

Con

fils; qu'ils foient done égale–

m~nt

vrais fur vorre toile; &

n~

craignez pas que ces

ob¡ets fubalrernes fa !Tent néghger los ob¡cts impor–

tans. lis ne produifent point ces effets dans la na –

ture , po urquoi le produiroienr-ils dans l'imitarion

que vous en ferez ?

D es ornemens, des draperies

&

autres

obj a s

accif–

f oires.

On ne peut trop recommander la fobriéré

&

la convenance dans les ornemens

:

il eft en Peinrure

ainfi qu'en Poéfie une fécondité malheureufe ; vous

ave>. une

cr~che

a

peindre ' a quoi bon l'appuyer

comre les ruines de quelque grand édifice ,

&

m'é–

lever des colonnes dans un endroit ou je n'en peu<e

fuppofer que par des conjeélures forcées? Comhien

le précepte d'emhellir la narure a gaté de rableaux !

ne cherchez done pas a embellir la nam re. C hoifif–

fez. avec jugemenr eelle qui vous convient, & ren–

dez.-la avec fcrupule. Co nformez.-vous dans les ha–

bits a l'hiftoire ancienne & moderne' & n'allez. pas

dans une pallion mettre aux Juifs des chapeaux char–

gés de plumets.

Chaífez. de vofre

compo.ftion

toute figure oifeufe ,

qu\ ne l'échauffit m pas , la refroidiroit; que celles

que vous employerez ne foient point éparfes & ifo–

lées ; ratremblez.-les par groupes ; que v os groupes

foient liés entr'eux ; que les figures y foienr bien

contrallées , non de ce contralle de po!irions acadé–

nliques , o\.1

l'on

voit

l'écolier

rofljours attcnrif au

modele & jamais a la narure ; qu'elles fo ient projet–

tées les nnes fu r les autres , de maniere que les par–

ríes cachées n'empechenr point que l'reil de l'imagi–

nation ne les voye rour enrieres ; que les lumieres

y foient bien

enrendue~

; poin_r de perites

lumiere~

éparfes qui ne formerotenr pomt de maífes , ou qru

n'offriroienr que des formes ova les , rondes , quar–

rées paralleles; ces formes feroient aulli infupporta–

bles

~

l'ceil,

~a ns l'imjr~tion

des <?hjers <¡u'on ne veut

point fymmetnfer , qu1l en feron fiarte dans un ar–

rangcment fymmérric¡ue. O bfervez. rigoureufement

les lois de la Perfpeél: tve ; fa chez profiter du jet des

draperies: ú vous les difpofez. convenablemenr,eUt s

co ntribueront beaucoup , l'effer ; mais craignez. qu<>

l'art ne ,'appers:oive & dans cette reílource,

&

dan

les autres que l'e>:périence vous fu agérera ,

&c.

T elles fon t a-peu-pres les

regle~

générales de

¡,.

compo.ftion;

elles font prefqu'invariables ; & celles

de la prarique de la Peinture ne doivenr y apporrer