612.
LUX
de
f<l
tranquillité. 11 vendra chérement fon trovail am:
riches,
&
on ne vtrra pas le fils ¿e l'honorable
l3b,,n–
r<ur quitter
(i
f>cilement le noble méuer de fes pcres
ponr aller fe foutller des livrées
&
du méprís :le l'hom–
me opulent.
Si l'on n'a point accordé les privilc!¡¡c< exclufifs dont
j'ai p:1rlé,
fi
le fyOtme des finances
n'entalfe
point les
richerrcs,
fi
le gouvernemenr ne favorife pas 1:1 corru–
ption des erands' il
y
aura moins d'hommes opulens
ti·
xés dans la. c:tpitale,
&
ccux qui
~'y
fhc:ront n'y
lcront
pas oififs; il
y
aura peu de grandes fortunes ,
&
aucunc
de rapide: les n1oyens de s'eurichir, parragés entre un
plus grand nombre de citoycns, auront n3.tureHement
divifé les richeffes; l'extri:me pauvreté
&
l'e~treme
ri·
cheffc ferottt également rares.
Lorfqne les bommes accoutUinés
~u
travail font p3r–
venos lemement
&
par
dcgr~s
:1
une grande fortune, jls
confervent le gout du travail, peu de plaifirs le; Mlaf·
.fe, paree qu'ils jouiffent du travail méme,
&
qu'ils onr
pris long· tems, daos tes occupations affidues
&
J'éco–
nomie d'une forrune ffif)dérée, Pamour de l'ordrc
&
la
moMrarion dans les plaifirs.
L orfque les ho mmes font parvenus 2 la fortune pnr
des moyeus bonnetes, ils confervenr leur
honh~teré ,
ils
co11fen renr ce refpeet pour foi ·meme qui ne pl!tmet pas
qu'on fe livrc
~
mil le .fantaifies
d~fordonnées;
lorfqu'un
homme par l'acquifirien de
f.esricheffe.i a fervi fes con–
ciroyc:ns, en apportam de nou veanx fond!i
a
l'érat' ou
en faifa nt flcurir un gcnre d'iualullrie udie, il
f~it
que
fa forcune etl moins envié!.!
qu'houor~e;
&
comptanr
fur l'efl:ime
&
13 bierweil lnnce de fes coucitoyens, il vcut
.conferyer l'unc
&
i'autre.
JI
y
a.uro, datJs le peupk des villes
&
un pcu dans
c-e
tui
des c:unpagoes
1
une
cert:l.inerecherche de commo–
dhés
&
mémc: un
luxe
de bienféancc, mais qui tiendra
~onjo.urs
a
l'utite;
&
t•amour de ce
luxe
ne dégénérera
J:l11l:l1S
en une f<,lle émulation.
.
11
y
regnera dans la feconde claffe des citoyens un
efprít d'ordre
&
cette 3ptitude
3
la difcuffion qne pren–
pent uatur.cMement les hommes: qni s'occupent de leurli
a.lfaires : cette clafli, de citoycns cherchera du ColiJo dans
fes amufemcns
mCme:
ti
ere, paree que de
mauvaifcc:
mceurs ne 1
3
aurom poim avilie; jaloufe des grand" qui
ne l'aurom pas corrompoe, elle veillera fur leur condui·
te, elle fera fl attée de les c.!clairer
&
ce fcra d'clle
qu~
paniront des lumkrcs qni tombcrot;t fur le peuple
&
rc–
mo~tctOII~
ver:;
les grands.
Ceux·cl auront des dcvoirs ce fera dans les armées
&
fnr la frundcre
qn'apprendr~nt
la gucrrc ce'ux qui fe
confacrcront
l
ce
m éder ,
qui
efl: Jeur état; ceux qui
fe:
defifneront
:1
quelque;; parties du gouvernemcnt, s•cn in–
firUirom long- rcms avec aiTidbité, avec applic:nion;
&
fi
des récumpt:nfcs pécuniaires ne font jamaic¡
cnracr~es
fur ceux
rnemc
qui :10ronr rendu les plus gr3nds Cervi–
ces;
fi
les grandes places, tes gouvcrnernens, les com ·
m:mdemt:os ne font )amais donnés
a
la nailf.'1ncc fans
les fCrvkes ; s'ils ne
font
jamais tñns fona ions, les grands
r¡e perdront pos dans un
lux•
oifif
&
frivole leur (enri·
meot
&
13. faculté de s'éclairer: moins tounncmés par
l'eonni, ils
n'~puíferont
ni leur imagination ni celle de
leur Rallcur,
:1
la rccherchc des plaifirs puérils
&
de mo –
des fantnrliques; ils n' é taleront pas un farle cxceriif,
¡?ar~e
qu'ils n.Jrom des
prérog;uiv~s
réetles
&
un mérire
'véPtabk donr le public leu r ticndrl compte. Moins
ral~
fcn1bl~s,
&
voyant
a
cóté d'cux m 1ins
d'homme~
opu–
\enl),
1ls
ne por tcroor poim
:l.
l'excel¡ leur
luxe
de bien·
féauce.:
t~moios
de l'intérét que le gouverncmcnt prend
au matnuen de l'ortire
&
au bien de l'érar ils feront at-
1ach.~s
:1
!'un
&
a
l'amre; ils infpireront
'!
1
amour de la
parnt:
.&
~ous
les fenrimt:ns d' un
honn~ur ve~:tueux
&
fé–
verc; 1ls ll'ronr arrachés
a
la décenae des tnreurs, ils au–
rom le
lllílitltlc:n
&
le ton de leur c:!tat.
Alors o• la mofere ni le befoin d'une dépenfe excef–
fi
ve
n'emp~chenr
point les mariages ,
&
la popula:tion
augmc:nte; ou fe l"outicnt ainri que le
Jqxe
&
les ricbcf–
ft:s
d~
la nation: ce
lux~
eíl: de repréfen.ration, de com–
modaé
&
de fa maioie : il raffemble dan. ces différens
genre..
ro.usles arr. fimplctnem utiles
&
tous les bertux
ans;
m111s
ret~nu
daos de junes bornes p:tr l'efprit de
cOJnmu~l3uté
1
par l'apphcadon anx d::voirs,
&
par des
occupauorh qUI
ne lallfcm perfonnc dans le befom con–
tino dc'i pl3ifirs
1
il eft divifé, ainri que h:s richerfes; &
toutes
le~
manieres de jouir, tous les obje1s les plus op–
pof~s
ne fon r pO!nt raflemblés chez le
m~me
cltoyen.
Alors les
dilf~mues
branches de
IHx<,
les diff<!rens objers
fe placcnt l<loo la diftérence des étars : le militaire aura
de bdle.r,
arrn~"
&
des
chcv2.uxde prix:; il aura de la re·
!=hcrch: dans l'dquipemcnr de la troupe qui lui fera con-
LUX
ñéc: k
ma.~illr:tl
conft:rvcra dan fon
IHxr
tJ gravi–
té
de IOn é t:.u; fon
lux~
:JUr:l.
d~
!1 d1gnité , di! la
mo~iémtion:
le négociant, l'hommc
d~
ñna.occ
~uron t
de 1• recberche dans les commodités : rous les <!!'lts fcn–
tiroot le prix des
bea.uxans,
&
en juuirom;
m.:~is
lllors
Cc!S
benu~
arte¡
ramen~m
encare l'efprir
de~ ciroy~:o-;
aux
fentim~m;
patriotiqut:s
&
:1ux véritJbles vercut;:: ils ni! tbnt
p.~<
foulcmcn r pour eu' des ubjets d<
diffi ~adon,
ils lcur
préremcnt des
le~
oos
&:
des 111odelc:s. D es h
1111mcs
ri–
ches
d •lllt
Pame etl élevéc, élevent l,ame des :J.rtiCtes;
ils ne leur deml.ndcnt
pa~
u.neGalat~~
manil!ré'\! , de pe–
lÍes D:tphnis, ane M:1ddeine, un
J
ér8m..:; nuis ils leur
propoC<-nt de repréfenter
S~iut·Hilairc
blcrli5
dan~ércufc
meut, qui m cmtrc
a
ion fils le grand Turenne perdu pour
13
patrie.
Tel fut l'emploi des
beau~
arrs dnns la Grece ovant
que les gouveroemens s'y fuffcnr corro,npls: c'eít ce
qu'ils font encare fouvené en Europe che1. les
nath.msc!dairécs qui ne fe fnnt pas écarrées des príncipes de
leur <w nnitution . La France fait faire nn to.nbeau par
Pigallc au général qui vicnr de la couvrir de gloire ! fes
temples font remplis de monumen< éogés en faveur des
Gitoyens qui l'ont houorl!e,
&
fes peintres onr fouvcnt
fanRifié lcurs
pinceau~
par les pomaits des hommes ver·
tueu x. L' Anglercrre a fait bStor le
ch~teau
de 131einhoim
:\ la gloire du duc de M olb'lroug: fes poctcs
&
fes ora–
reurs célcbreur continuellemem leur concitoyens
11l u""~
flres , déja fi récompenfé< par le cri de la narion , &
par les honneur; que lcur rend le gouvernement . Q uellc
force, quels fentimenl\ p:1triotiques, qo.ellc élévation,
quel amour de
l'h'lnn~teté,
de l'ordre
&
de l'human1té,
n'infpirenr pas le• poélies des Corneille, des Adiffi>n,
des Pope, des Voltaire! Si quelque pocrc chame qucl•
quefois la molleffe
&
la volupté, fes vers deviennent
les expreffions donr fe fort un peuplc hcurcux dans
le~
momens d'une ivreffc paffagcre qui o'ótc ríen
a
fes
oa–
cupations
&
ii
fes devoirs.
L'éloquence
rc~oir
des fentimens d'un peuple bien gou–
verné; par fa force
&
fes charmos elle rallmnerait les
fentimens patriotiques dans les momens oU ils fcroient
pr~ts
ii
s'éteindre. La Philofopbie, qui s'occupe de la
narure de l'homme, d< la politique
&
des mceurs, s'em–
prclfc:
a
repandre des IU'l1ie'res utiles fur
tOU[CS
les par–
des de l'adminillration,
a
édairer fur les principaux de–
voirs
1
a
montrer au
X
rociórés lcllrS fondemens Colides,
que Pcrreur fcule pourroit ébranler. Raoimons encare
en nous l'amour de la
pauie ,
de l'ordrc, des l01s ;
&
les beaux árrs cerleroot de fe profancr' en
re
dévouant
a
la fuperllition
&
au
libertina~e;
il< ch.oifir"nt de; !ÜJetS
m iles !lux tnccurs
1
&
ils les: traiteront a.vec force
&
:tvec
,..
noble!fe.
L'eonploi des riche!Tes diélé par l'efprit parriorique,
oc f<! borne pas au vil
intér~t
perfonnol
&
a
de fau!Tes
&
de pueriles jouilTanccs: le
luxe
ulors nc
!!o
\ 1ppofl! pns
anx: dcvoirs de pere, d'époux, d'
a.mi&
d'h.1mme . Le
fpcél>clc de deux jeunes gens pauvres qu'un hotmTID
richc vieot d'unir par le
maria~
e,
quand
il
les voa con–
tens fur l:t porte de leur
chau~niere,
tui f.1it nn plaifir
plus fcnfible, plus pur
&
pl<tS durable, que le fpedacle
du ¡:rouppc de Salmacis & d'Hcrmaphrodire placé dans
fes Jardins.
]e
nc erais pas que dans un état bien admi–
nirlré
&
ou par conféquent
rc~ne
l'amour de la patrie ,
le< plus be•ux magots de la Gbine rcndcnt au!Ji heurcux
lcurs pofieffcurs que le feroit le citoycn qui auroit vo–
lontaircment conrcibué de fes tréfors
a
la
répar:ttion d'un
chemin public .
L'cxccs du
/ux•
n'efl pas dan; la mulrimde de fes
objets
&
de fes moyens; le
lux•
efl rarement e>cerlif
en Anglert:rre, quoiqu'il
y
ait chez cette natiou tous les
gcnres de plai!irs que l'induflrie peut 3JOUtcr
a
la n•tu–
re,
&
bc:10coup de riches p:trdc:ulicrs qui fe pnJcurent
ces plaifirs. JI ne l'efl devenu en France que dcpuis que
les malheurs de la guerre de 1700 om mis du défordre
d~ns
les ñna¡¡ces
&
ont été la caufe de quelques abus.
JI y avoit plus de
lttx•
daos les belles annécs du fic–
cle de Louis X 1
V.
qu'cn 17
20,
&
en t 710 ce
/u.~<
a voit
plus d'cx ces.
Le
lt<x<
cfl exceffif dans toltles les occafions ou les
pardcolier;. fhcrifienr
:1
leur faíle,
~
Jeur commodité'
a
leur fantaifie, leurs devoirs ou les
intén.hsde la nariun;
&
les p:trticuliers ne fom condoils 3 cct excc!s qoe par
quelques défauts dans la connotution de l'érar' ou par
quelques fa ures dans l'adminiflrarion . JI n'imporre
a
cet
~gard
que les nations foienr riches ou pauvres, éclairécs
ou blrbares
l
qu'lnd on n'cntreríendra eoinr chez el e.s
l'amour ele la patrie
&
les paffions uulcs; les tncrurs
y
feront déprovées,
&
le
lt~x<
y
prcndr> le caraélere
des
tll<~Clr~:
il
y aura dans
le
pcuple foiblcUe, parerle,
langueur,