LUX
Jc ne ferois pss pl us embarraffe par ccux qui, pour
prouver que le
l::xe
corrompt ks mceurs
&
3ffoiblit les
cour:1gt:s, me montrcroient
l'
Itali~
moderne
qui
vit dans
le
l~txe,
&
qlii en eff"c!t n'ell pas gut:rricre.
J
e
leur
di–
rois que fi
l'on foit abflracftíon de l'<fprit militoirc qui
n'cntrc pas daos le earaaere des h aliens , ce cara8:ere
vaut bien cclui dl!s
!l.
utres nations . Vous nc vcrre?. nulle
part plus d'hu manlt.!
&
de bienf:¡ifancc, nullc part la
fociété n'a plus de charmos qu'en ltolie, r¡ulle
pa~t
c.n
nc cultive plus les vértus
privécs .
Je dirois
qlle
l'ltalic ,
tbumife en partie
a
l'autorité d'un
cien~~ ~ui
nc prck hc
que la paix,
&
d'une république ou l'obj<t dn gouver–
nement efl
1~
tranquillité, nc peut ab[olumen¡ étrc gucr–
ricrc .
J
e dirois
m
eme
qu'il ne
lui ferviroit
a
ricn de
l'~tre;
que les hommes ni
les
nations n'ont que folble–
rnent les vertllS qui
leur
fenr inutiles; que n'étant pas
unie fous un feul gouvernement
~
en fin qu
1
étant
liruée
entre r¡uatrc grandes puiffances ,· te!les que le Ture, la
maifon d'Autricl)e. la Frauce
&
l'Efpagne, l'ltalie ne
pourroit, quelles que fuffent fes mreurs , réfifler 3 au–
cune
de
ces pqiCfauces; elle oc
doit done s'oc<mper
qne
des
lois civil
e¡, de la poliee,
des
arrs,
&
de::
rouc
e~
qui pcut rendre la vie tranquille
&
agréable . Jc aon–
clurois
que ce n'etl
pas
te
lrtx~,
mais
f:~.
firuation
&
la.
narure de feo gouvernemens qui empechem l'ltalic J la–
voir des 1nreurs f0rrts
&
le§ vertus guefrieres.
Apr~s
avolr vu
que
le
lrtx~
pourroit bien n'avoir pas
été la caufe de la chllte ou de la profpérité des cmpi–
rcs
&
du caraEI:erc de certaines natiqns;
jtcxami~erois
fi le
lttxe
ne doit pas etre rolatif :i la fituotion des
~en
pies' au &enre de leurs produétions'
a
la fituation'
&
au gcnre
ae
produétions de leurs voifins.
Jc dirois
~ue
l<s Hollandois, faéteurs
&
colporteUis
des
nations, doivent confervcr leur frugal ité, fans la–
quelle ils oc pourroient fournir
a
bas prix
le fret
d~
leur~
vailfeauz,
&
ttan!j>orte. les morchandifes de l'u–
nivcrs .
·
]e
dirois que
fi
les Suiff<s tíroient de la France
&
de
1'ltalie heaucoup de vins, d'étoffes d'or
&
de foie , des
tablcaux, des íbtues
&
des pi<rres précieufes, ils ne ri–
rcroicnt ¡¡as de leur fol
(!~rile
de quoi rcndre en échange
3
l'étranger,
&
qu'on grand
luxe
nc
peut leur
~tre
Pl'fo:"
mis que quand leur induflrie aura rdparé ehq eu< la di–
fette des prodn&10m du pays ,
En fuppofant qu'en Efpagne, eo Portugal, en Fran.
c;:e, la terrt; fUt mal cultivée,
&
que les manufaéhues
<je premi"o ou feconde néceffité fuífcnt négligées, oes
uations
f~roienr
encare eq étal
de
fumcnir un
grand
htx~.
!¡.e Portugal, par fes mines du Bréfil, fes vins
&
fes colonies d' Afrique
&
d' Afie, aura toujours de quoi
fournir
a
l'étranger'
&
pourra figurer entre les Qations
riohes.
L'E[pagne, quelque pcu de travaíl
&
de eulture qu'il
y ait dans fa métropolc
&
fes colomes, auro toujours
les produétions des contrées fertiles qui oompofem fa
domination dnns
les
dcux: mondes;
&
les riches mina:;
du
Me~
ique
&
du Potozi foutiendront chcz elles le
luxe
de la cour
&
celui de la fuperfiir ion .
L3
France, en laiff,nt tomber Con agricnlturc
&
fes
manufaéhues
de premiere ou fcí!onde néceill té auroit
encare
des branches de commcrcc abondante\ en
ri–
cheffes ; le poivre de l'lnde, le fuere
&
k c:1ffé
d~
fes
colonies, fes hui!es
&
fes
víQs , lui
fourniroicnr des
é–
changes
a
donner
a
l'étranger' dont elle tireroit une par–
tic
de
fon
luxe;
elle
foutiendroit enaoro ce
1
uxc
par fes
modes: ceue natíon long-tems odrniréc de I'Europe en
ea
.encare imitée aujourd'hui. Si jomais ron
lttxc
étoit
excd!if, relativement au produit de Ces terrcs
&
de fes
manufaélures
de
premiere
ou fecoudc
néceffité ,
ce
lux~
feroit un remede
a
lui-meme,
il
nourriroir
une tnulti–
rude d'ouvriers de mode,
&
retarderoit la ruine: de l'état.
De
ces obfervations
&
de ces rétiexions je conclurois,
que le
luxe
eíl contraire ou favorable
a
la richeffe des
nations, felon qu'il confornme plus ou moins le produit
de leur fol
&
de leur induílric, ou qu'il aonfomme le
produit du fol
&
de l'induflrie de l'étranger , qu'il doit
avoir un plus grand ou uo plus petit nombre d'objets,
felon que ces nations ont plus ou moins de richeffcs :
le
lr•xe
oa
a
cet égard pour les peuples ce qu'il efl pour
les particoliers, il· faut que la multitude des jouilfauccs
foit proportionnée aux moyons do jouir .
Je
verrois
qut:
cette envie de
jouir
daos ceux qui ont
· des richeífes,
&
l'envic de: s'cnrichir daos ccnx qui n'ont
que
le
néceffaire,
doiveot
excitcr
les
arts
&
toute
efpecc
d'induflric. Yoil:i
1~
premier effet de
l'inflinét
&
des
paffio¡lS qui nous monónt au
luxe
&
do
luxe
m~me;
ces
nol.}voaux arts, cette augmentarion d'induftrie
1
donqent
T•me IX.
LU X
au peuple de aou·veoux moycns de fubfiflance,
&
doi–
\'Cnt par cooféquent augmcnter la popul:lt1011; fans-
laxe
il
y
a
n1oins d'échanges & de comn1ercc;
fans com–
merce les nations doivcnt
euc
moíns pcuplées ; ccllc::
qui
IJ'a
d~ns
foo Ccín qu-:: des l:lbOllrt:urs, doic avoir moins
d'hommes que; celle qui entrcticnt des
]'l>.boarcurs , des
matelots, des ouvriers
$!0
étoffes. l,a S 1cile qui n'a que
peu de
lux~
en
un des pay&les plus ferdles de
la
terre'
elle en fous un gouvernemens
mod~ré
'
&
crpenc!ant
elle n'cfi ni riche
11i
pett¡>lée.
Apri:s avoir vú. que les paffions q'lÍ infpirent le
lttxe
&
le
lux~ m~me,
pc:uvcnt
~tre avant~gcu~X ~
la
popu~
lation
·
3.
la richclfe des écats,
jc nc '
vais
p:1.s encore
comment
ce
luxe
&
ces pa!libns doivcm
l::rre cont.-aires
aux mceurs. Je
n~
puis cepe!ld:tnt me dHJimulcr que
dans quelques parues de Pumvers ,
it
y
a des nations
qui ont le plus grand co:nmcrce & le plus g<>nd
/u;,
&
qui perdent tous le< juurs quclque choli: de ku> po:
pulation
&
de leurs mcrurs .
·
S'1l
y
a\·oit
dc;;s
gouvcrnemens c!tablis
lur
l'égalité
par~
faite, fur l'unifortnité de mceurs, de manieres,
&
d'é(at
entre
to~S
les citoycns , tcls
qu'om
été
;l
peu prf-s Jes
gouvernemens de Sparte,
de
Crc:te,
&
de
quelques
peu–
ples qu'on nomme
Sauva.~t:s,
il efl cerra{n que le
ddir
de
s~cnrichiF
n'y pourroit
e;
ere
ioncccnr,
Q uiconquc
y
defircroit de rendre fa fortunc mdlleure que cellc
d~
(es
Goncitayens,
auroit
déj3 ce!U
d'aimer les Jois
de fon
pays
& ·
n'auroit plus la ver
tu
daus le creur,
Maís dans nos gouverÍlcmcns
modcrnes,
oU la
con–
Hitution
de
l'érat
&
des lois
civiles
encouragenr
&
af'–
furent le propriétés : dans nos grands étal' ou il faut
des richeífes pour maintcnir leur
grandeu~
&
leur puif.
Canee,
il
femble que quiconque travaille
a
s'enrichir
foit:
un homme
mile 3
Pétat,
&
que quicooquc
étaot dehe
vcut JOuir foic un
homme
rai[onnable; comment done
conaevoir
que
d!!s ciroyens, en
cherchaot
3.
~'eurichif
&
jouir de lcurs richeffcs, ruincm quelqucfo!s l'état
&
pcr•
dent lea mreurs?
JI
fau• poar réCoudre cctto difficulté fe roppeller les
objets príncipaux dts gouvcrnemcns.
,
lis doivcnt affurer les propri<!t<!s de chaqne ciroyen;
mais
comme
ils
cjoi\·~m
n
\'O
ir pour
bot
la
confi::rva[ion
du tout, les avaotagcs
dn
plus
grand
nombre,
en maio–
ten:1nt, en
excir:mt
\néme dans les ciroyens
l'nmour
de
la propriété, le defir d'augmellter fes propriétés
&
cc–
lui d'en jouir; ils doivent y entrotc:snir, y excirer l'efpdt
de
communauté,
l'efprit patri,Jtiqnc; ils doivent avoir
anemion
a
la
maniere dont
Jes
ciroyen; veulent
s'enri ~
chir &
~
oelle dont ils peuvent jouir ;
il
faut que le1
mmyens de stenrichir: conrribuent
a
la richeffe de l'état'
&
que:
la
maniere
de
jouir
foit cncore
utile
:l
l'érat
;
chaque propriéré doit fervir
ii
la communamé; lo bien•
erre
d'aucun ordre de oiroyens ne doit
étre
f:Jctitié au
bicn-~tre
de l'autre; enfin le
lux~
&
les paffions qui me•
nent au
(tlxo
doivont etre fubordonnés :i l'efprit de com–
munauté, auJ biens de la communauté
.l
Les paffions qui monent au
IHX'~
ne font
p:li
les feu–
les nécelfaircs daos les cicoyens; elles doivcnt s'alfier
i
d'o.utres,
a
l'ambitíon,
i
l'amour
de h
gloire,
4
l'hon–
neur.
11 Fam
que toures ces paffions foient fubordonnées
a
J'efprit
de
co nununauté;
l\li
feul
les maintient dans l'or–
dre. fons lui elles porteroicm
a
de fréquemes injuflices
&
feroient des ravages .
11
faut qu'auoune de cos paffions ne dótrnifo les au,
tres, & que
wutes
fe balaocent;
(j
te
lu:-a
avoit é'remt
ces paffions,
il
deviendr:oit vicicux
&
fuoe!le,
&
.: lors:
íl ne fe
rapporteroit
plus
a
l't:fprit de communauté
~
mais
il
relle
fubordonné
a
cet cfpri['
3.
moins
que
l'admini~
firation ne l'en aic rendu indépcndant,
i
m ins que d::ms
une nation oíi il y a des richeffes, de
l'induílrie
&
du
luxe,
l'adminifi:rarion
n':1it
éteinr l'efprit de
conunu–
nauté .
Et,Jfin
par':'tout
o\i je
verral le
/u.r~
vicieux , par-tout
oU je verrai
le
dcfir
des richcfrcs
&
leor ufagc eomraire
aux
m~urs
&
au bien
d~
J'état, jc
dirai que l'efprit de
aommunauté, aette b>fe
n~coffaire
fur laquelle doivent
agir rous les refTorts de h
fociété s'efi nnéami par les
fnutes du gouvcrnemem,
je-
dirai que le
luxe
utile fous
une
boune admioillration, nc dcvicnt dangereux que p:tr
l'ignorance
ou
la m:mvaife volonré des
adminirlrateurs ,
&
fexaminerai
le
lux~
daos les nations oU 1
1
ordrc clt ctt
vigueur,
&
dans celles ou il s'efi affolbli.
Jc vois d'abord l'agriculture ab2ndonnée en ltalie fous
les premiers empcreurs,
&
toute5
les-
provínces de ce
centre
de l'cmpirc romain couvertes de pares, de mai–
fons
d~
campagne, de bois plantés, de grands chcmins
&
Je me <lis qu'avanr la pcrte de la
lib~rté
&
le ren:
J
Í
i
Í?,
Vef,