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GOU

pour eKpr mer tout ce que feot le vieil Horace ; fans

doute il doit préfércr la mort de Con fils au deshonneur

de Con nom; mais

il doit encore plus fouhaiter que la

\'aleur de ce fils le

faiTe échapper au péril,

&

qu'ani–

par

'"'

bum dt(tfpoir,

il fe défende feul contre

m>is . Ou pourroit d'abord répoodre que le íecond vers

e~primant

un fent iment plus oaturel, devroit au moins

précéder le premier,

&

par conféquent qu'il l'affoiblit.

Mais qui ne voit d'ailleurs que ce íecond vers feroir

encare foible

&

froid, meme apres avoir été remis

a

fa véritable place? n'eíl-il pas évidemment inutile au

vieil Horace d'exprimer le fentimeot que ce vers ren–

ferme? chacun fuppoíera fans peine qu'il aime mieux

voir Con fils vainqueor que viétime du cornbat: le íeul

fentiment qu'il doive mootrer

&

qoi convienne

a

l'état

violent od il eíl, ell ce courage héro'r'que qui tui fait

préférer la morr de Con

tils

á

la honte. La logiqoe

froide

&

lente des efprits

tranquilles, n' ell pas celle

des ames vivemeor agitées: comme elles dédaignent de

s'arrcter fur des fentimens vulgaires, elles fous-enten–

dent plus qn' elles

n'

expriment, elles s' élancent

tout

d'on-coup aox fentimens exrremes; fcmblables

a

ce dieu

d'Homere, qui fait trois pas

&

qui arríve au quarrie–

rne .

Ainfi daos les matieres de

golit,

une demi-philofo–

phie nous écarte du vrai,

&

une philofophie mieux en–

tendue oous y rameoe.

ell done faire une double

in¡ure aux Belles - Lemes

&

a

la Phílofophie , que de

croire qu'elles pui!Tent réciproquement fe nuire ou s'ex–

clure. Tout ce qui apponient non-feulemtnt

a

notre

rnanit>re de concevoir, mais encare 3 notre maniere de

feotir , ell

le vrai domaine de la Philofophie:

il

feroit

auffi déraiíonnable de la reléguer daos les cieux

&

de la

rcllraiodre au fyOerne do monde, que de vouloir bor–

ner la Poéfie

a

o

e

parler que des dieux

&

de l'amour.

Et comm eot

le vérirable efprit philofophique feroit- íl

oppoíé au bon

.ftOÚt?

il

en ell au cootraire le plus fer–

me appui , puilqoe cet efprit confiíle

a

remonter en

tout

aux

vrais príncipes,

a

reconnoltre que chaque art

a

fa natute propre, chaque firuatioo de l'ame fon ca–

roétere , chaque chofe foo coloris ; en un mot

a

ne

point confondre les limites de chaque genre. Abufer de

J'cíprit philofophique, c'ell en manquee.

A¡oOtons qu•,¡ n'efl point

a

craindre que

la diícuf–

fion

!Y-

l'anolyfe émou!Teot le leñtirnent ou refroidi!Ten t

le génie daos ceux qui poíJéderont d'ailleurs ces pré–

cieux dons de la narure. Le philnfnphe

fait que daos

le moment de la produétioo, le géme ne veut aucune

contrainte; qu'il aime

a

courir fans frein

&

fons

re–

gle,

il

produire le monllrueux

a

cllté du fublime ,

:l

rouler impétueuíement l'or

&

le

limon tour enkmble.

La raifon donne done au génie quí crc!e une lib<rté

entiere; elle lui permet de s'épuifer ¡ufqu'a ce qu'il ait

befoin de repos , comme ces courliers fougueux don t

on ne víent

a

bout qu'en les fatiguant. Alor' elle re–

vient féverement íur les produétioos du génie; elle con–

ferve ce qui ell

l'eftet du véritable emhoufia(me, elle

profcrit ce qui

e(!

l'ouvrage de la fougue,

&

c'efl ainli

qu'elle fait éclorre les chefs·d'reuvre . Quel écrivaín,

s'il n'ell pas en11erement dépourvO de talen t

&

de

golit,

n'a pas remarqué que dans la chaleur de la compoiH ioo

une partie de foo eíprit relle en quelque maniere

ii

l'é–

cart pour obferver celle qui compofe

&

pour lui lai!Ter

un libre cours ,

&

qu'elle marque d'avance ce qui doit

etre effacé?

L e vrai philoíophe fe conduit a-peu·pri!s de la

me–

me maniere pour 1uger que pour compoíer; il s'ab3U·

doone d'abord au plaifir vif

&

rapide de l' impreffion;

mais períuadé que

les vraies beautés gagnent toO¡ours

a

l'examen, il revient bieo-tllr íur fes pas, il remonte

aux caufes de Con plai6r, il les déméle,

il

difliogue ce

qui tui a fait illufioo d'avec ce qui l'a profondément

frappé,

&

fe met en état par ceue analyfe de porter

un 1ugement faio de tour l'ouvrage.

On peut, ce me íemble, d'apres ces réH exions, ré:

pondre en deux mots

a

la queflion

íouvent agitée,

h

le fentiment

e(!

préférable

a

la difcuffion pour ¡ugcr un

ouvrage de

goút.

L' impretfion efl

le ¡uge noturel do

prcmier moment, la difcuffion J'eíl do fecond .

Da~s

)es perfonnes qui JOÍgQent

á

]a fioelfe

&

a

Ja prompll·

tu de do taét, la netteté

&

la ¡ullefie de l'efprit, le fe–

cond JUJle ne fera pour l'ordinaire que confirmer

les

nrrets rendus par le premier . Mais dirg-t-on, comme ils

11e íeront pas toO¡ours d'accord

ne'

vaudroit-il pas mieux

s'en tenir daos !OUS Jes

C3S

a

'Ja premiere

d~cifion q~e

le fent1ment prooonce? quelle tri!le occupauon de chl–

caner ainfi avec Con propre plaifir!

&

quelle obligation

GOU

67I

aurons·nous

la Phi lofophie, quand Con effct Cera de

le diminner? Nous répondrons a1•ec regret , que td

ell le malheur de la condition humaine : nous n'acqu<;–

rons gnere de connoilfances nouvelles que pour

nou ~

defabuler de quelque illufion,

&

nos lumitres íont pref–

que totijours aux dépens de nos plaiGrs. La fimplicité

de nos ayeux étoir peut-ctre plus fonement remuée par

les pieces monflrueufes de notre ancieo

théatrc , que

nous ne le íommes au¡ourd'hui par la plus belle de nos

pieccs dramatíques. Les nations moins éclairées que la

oótre ne font pas moins heureufes, paree qu'avec moins

de defirs elles ont auffi moins de befoins,

&

que des

plaifirs groffiers ou moins raf!inés leur fuf!ifent; cepen–

dant nous ne voudríons pas changer nos lumiere; pour

l'ignorance de ces uations

&

pour celle de nos anclÓ–

tres. Si ces lamieres peuvent dimiouer nos plaifirs, el–

les flaueot en meme tems notre vanité; on s'applau–

dit d'etre devenu dif!icile, on croít avoir acquis par· la

un degré de mérite. L 'amour-propre ell le fentiment

auquel nous tenons le plus,

&

que nous fommes le plus

empre!Tés de fatisfaire; le plailir qu'il nous foit éprou–

ver n'eíl pas comme beaucoup d'autres ,

l'eft'et d' une

impremon fubite

&

violente , mais il ell plus continu,

plus

uniform~,

&

plus durable ,

&

Ce

lai!Te goOter

a

plus longs traits .

Ce perit nombre de réHexions parolt devoir fuflire

pou r JUílitier

1'

efprit philofophique des reproches que

l'ignorance ou l'envie ont coutume de faire. Obfer–

vou s eu fioiflant, que quand ces reproches ferniem fon–

dés

ils ne

feroient peut-etre convenables

&

ne de–

vroi~nt

avoir de poids que daos la bouche des vérira–

bles philofophes; ce fcroit

ñ

eux íeuls qu'íl appattien–

droít de fixer l'uíage

&

les bornes de l'efprit philofo–

ph'quc , comme il n'appatllcnt qu'aux écrivains qui ont

mis beaucoup d'efprit dans lcurs ouvragcs , de parler

con trc l'abus qu'on peut en faíre. Mais le contraire ell

rnalheureuíement arrivé ; ceux qui po!Tedent

&

qui con–

noiffent le moins

1'

eíprit philoíophíque en font parmi

nous les plus ardens détraéteurs , comme la

Poéfie

efl

décriée par ceux qui n'en ont pas

le

talent , les hautes

fciences par ceux qui en ignoren! les premkrs prínci–

pes,

&

notre fiecle par

les écrivains qui

lui font le

moins d'honneur.

(O)

G

ouT ,

en Archittll11rr,

terme ofité par métaphore

pour fignifier

le bonne ou mauvaife maniere d'inven–

ter, de deffiner,

&

de trav ailler. On dit que les bftti–

rnens gothiques font de mauvais

golit

,

quoique hardi–

ment conflruits;

&

qu'au contraire ceux d'architeéturc

nntique font de bon

golit,

quoique plus maffifs.

Cette portie efl aulli néce!Taire

a

un architeéle, que

le génie; avec cette différence que ce dernier talent

demande des diípofitions naturelles ,

&

ne s' acquiert

po!nt; au lieu que le

gotlt

Ce

forme, s'accroit

&

fe

perfeélioone par l'étude. (

P)

G

O

a

T

D U

C

HA N

T ,

en Mrljiq11e

;

c'eíl 9infi qu'

on appelle en France, l'art de chanter ou de ¡oücr les

notes avec les agrémens qui leur conviennent. Quoi–

que le chant

fran~ois

foit fort dénué d'ornemens , il

y

a cependam

a

Poris pluficurs maltres uniquemeot pour

cette partie ,

&

un affez grand nombre de

termes qui

tui font propres . Comme rien n'ell fi dofficíle

3

ren–

dre que le feos de ces dívcrs mots, que d'ailleurs ríen

n'efl

fi

paflager, ríen fi

fu¡et

3

la mode que le

goút

du chal1t,

¡e n'ai pas era devoir embra!Ter cctte par–

tic daos cet ouvrage.

(S)

G

o

a

T '

Ce

dit

tn

p

<Íntur,·.

do caraélere particu–

lier qui regnc dans un tableau par rapport au choix des

ob¡ets qni font repréfenrés

&

a

la

fa~on

dont

ils

y

Cont

rendas .

On dit qu'un tableau ell de bon

golit,

Jorfque les

ob¡ets qui

y

font repréfen tés íont bien choifis,

&

bien

imité

S,

conformément

a

l'idée que les cnnnoiffeurs ont

de leur perfeétion . On dit, bon

golit,

grand

goút, gorlt

trivial , mauvais

gollt.

Le bon

gotlt

Ce forme par l'é–

tude de la belle nature: grand

golit

íemble d1re plus

que

bon golit,

&

diroit plus en ctfer, fi par

gr·and go'l.t

on entendoit le choix du mieux dans

le bon , mats

grand goút,

en Pdntnre,

cfl

un

gotlt

idéal qui fuppo–

le

un grand

un cxtraordinairc, un merveilleux , u11 fu–

blime m

eme'

tenant de l'infpiratÍOO, bien fupérieur SU!

effet

de la belle nature ; ce qui

n'

efl

réellcm~nt

qu'

une

fa~on

de faire

les chafes relativement

:\ de cer–

taines conditíon , qoe la piOpart des peintres n'ont ima–

ginées que

pour créer un beau

a

la portée de Jeur

talent . Cependant ces memes peintres ne diíent Ja·

mais ,

voiltl un ouvragr d< grand gollt,

en pnrl3nt d un

tableau ou, de leur aveu , la belle nature cll

le plus

par-