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668

GOU

peties de Paol Verooefe; rnai5 nous fommes rouchc!s de

la

limpi1Cité de Raphael,

&

de

13

poroté du Correge.

Paul Veronefe promct beaucoup,

&

paye ce qu'il pro–

met . Raphael

&

le Correge prommeuem pea

&

payeut

bcaocoup,

&

cela naos plait davamage.

L es graces fe

trouvent plus ordinairemenr daos l'e–

fprir que dam le vifage, car un beau vifage paro1t d'a–

bord

&

ne cache prefque den : mais l'efprit ne fe mon·

tre que peu-3-peo, que quand

il

veor,

&

autant qo'il

veut; il peor fe

tacher pour paroltre,

&

dooner cene

tfpece de furprife qui fait les graces .

Les graces fe troovent moins daos

les rraits du vi–

fage que daos les manieres; car les manieres nailfent

a

chaqoe iollanr,

&

peuveot

a

taos les momens créer des

forprifes: en un mor une femme ne peor goere étre

belle que d'one fayoo , mais elle ell jolie de cenr milie.

La loi des dcox fexes a érabli parmi les natioos po–

Jicées

&

fauvages, que les hommes demaoderoienr,

&

que les femmes ne feroienr qu'accorder: de-la il arrive

que les graces fonr plus panicolieremeor auachées aut

fe mmes . Comme elles ont

lOO!

a

défendre. elles onr

rour

:1

cacher; la moindre parole, le moiodre gelle,

!Out ce qoi fans choquer

le premier devoir fe montre

tn elles, roor ce qoi fe mer en

liberté, devient one

grsce ,

&

relle ell

la fageffe de la narore , que ce qoi

ne feroit rlen fans la loi de la podeur, devient d' un

pri1 infini depuis cene heureofe loi, qui fait le bonheor

de I'U oivers.

Comme la gene

&

l'atfeélarion ne fauroienr nous fur–

preodre, les

~races

ne fe

trouvent ni daos les manie–

res genóes , nt daos les manieres atfeélées , mais daos

uue certaioe liberté oo facilité qoi ell entre les deur

eurémités,

&

l'am¡:

e(l

agréablemenr furprife de voir

que l'on a éviré les deox écueils .

ll

fembleroir que les manieres naturelles devroienr

e–

rre les plus aifées;

ce

fonr celles qoi le fonr le moins,

car l'édocarion qui nous gcne, nous fair roil¡ours per·

dre do oarorel : or nous fommes charmés de le voir re–

:venir.

R íen ne ooos plalr tant daos une parure, que lorf–

qo'elle ell daos cene négligence, ou meme daos ce

defordre qui nous cachen¡

toas

les foins que la pro–

preté n'a pas exigés,

&

que la feo le vaoité auroir fair

prendre;

&

l'on n'a ¡amais de graces daos l'efprir que

lorfqoe ce que l'on dir paroir rrouvé,

&

oon pas re–

cherché,

Lorfque vous díres des chafes qoi vous onr coBré,

vous poove1. bien fa ire voir que vous

a

vez. de l'efprir,

&

non pas des graces daos l'efprit. Pour le faire voir,

il mor que voos ne

le voyn pas voos-meme'

&

que

les

a

utres,

~

qoi d'ailleors qoe lqoe chofe de na'tf

&

de

fimple en vous ne promettoir ríen de cela, foienr doo–

cemenr forpris de s'en appcrcevoir.

A inli les graces ne s'acquierent poior; pour eo avoir,

11

faut erre

na·lt'.

Mais commenr peur-011 travaillcr

~

é–

tre

na'if?

Une des plus belles ti8ions d' Homere, e' cll celle

de cene ceimore qui donnoir

a

V

énus l'art de plaire .

R ieo n'ell plus propre

:l

fai re fcotír cene magie

&

ce

pou voir

de~

guces • qoi femblen t ctre donoées :1 une

perfonoe par un pouvoir in ••ifible ,

&

qui fotll dillin–

guées de la beauté méme. Or cene ceinture ne poo–

v oir erre donnée qu':í

V

éous; elle ne pouvoir conve–

nir a la beauté ma¡elloeofe de

J

unon, car la ma1ellé

demande one certaine gravité, c'ell-:1-dire une contraio–

le opp•>fée

a

l'iog~uoité

des graces ; elle ne pouvoit

bieo convenir

3

la

beaut~

6ere de Pallas, car la 6erré

ell oppofée

:1

la douceur des graces ,

&

d'ailleors peur

foovent etre foup¡¡:onnée d'atfeétation .

P rogr.ffio" áe la Jurprifo.

Ce qui fair les grande•

beaurés, c'erl lorfqu'one chofe ell

telle que la furprife

e!l

d'abord méd.ocre, qo'elle fe

fo6tien r , augmeore,

&

nous mene eofuite

a

l'admírarioo. L e• ouvra¡¡es de

Raphael frappem pe11 au premier coup-d'ceil; il 1míte

(j

bien la nature, que l'on n'en

ell

d'~bord

'pas plus é–

cooné que

ti

l'oo voyoít l'obJet meme, lequel ne cao–

feroit poinr de forprife : mais une expreiBon euraordi–

oaire , un cnloris plus fort, une atritude bifarre d' uu

peinrre moin s bao, naos faifit du premier coop-d'ceil,

par~

e qu'on o'a pas coll tome de la voir ailleou. On

p~ut

comparer Raphael

a

Virgile ;

&

les pcincrcs de Ve–

ntfe avec leors attitudes forcées,

i

Locl'o.

írgile plus

oaror~l

f;•ppe d'abord moitlS, poor frapper eofu:re plos.

L ucam trappe d'abord plus, pour

f~pper

enfoite moios.

.L '

eu~e

Pt?poruon de

la

fameofe ég,jfe de SJ'ot

P 1erre, ta•t qo elle ne

¡>:~roir

pas d'abord

aoffi

grsnde

IJU'elle

l'dl;

car

nous ne lilvoos d'abord

mi

ooos

prcn·

GOU

dre po11r juger de_ fa ¡¡randeur. Si elle t!toi! moi01 '":

ge, nous lerions trappés de

fa

lon11,oeur; !t elle étOil

moios longue , oous le Ccriom de

la

lar)\eor.

i\lm l

mefure que l'on eaamioe, l'ceil la vo11

;'aggnnd~r,

1'¿.

wnoemeot augmente . On pcut la comparer . su>< P)•–

rené<s, oü l'reil qui c10yoit d'abord les me!urer, dé–

couvre des monta¡:nes dcrrtere les monragncs ,

&

fe perd

coll1oors davanrage .

(1 arríve fouvenr que notre ame fenr do plaifir lorf–

qo'elle a un fenriment qu'dle ne peut pas dtrn!lcr el–

le·meme,

&

qu'elle voit une chofe abfolumenr diffo!ren–

te de ce qu'ellc

(nir érre; ce qui loi donne un

fenci–

menr de furprife donr elle ne peur

pas

fortír .

En

v11iCÍ

un excmple . Le dóme de Saint- P1erre e(l

im~enfe,;

on fair que M ichei- Aoge voynnt le panrhéon, qut

~1o1t

le plus graod temple de Romc, dit qu'il en

\'Oo~oir

fnire

un pareil, mais qu'il vouloit le

met~re e~

l'n1r.

1 ~

6.1

done fue ce modele le d6me de Satnt · P1erre: msts

11

fit les pilie1s

fi

mniBCs, que ce dóme qui ell comme

une montagoe que l'on n for

la t€re, pnrotr leger

i

l'reil qoi le conlidere. L'ame reOe done inccrraine en·

tre ce qu'elle voit

&

ce qu'elle fair,

&

elle rclle fur–

prife de voir une maiTe en

m~me

tems

fi

énorme

&.

(j

legere .

Del beaMéJ t¡lli

rlfttltmt d'un

cerla;, embarras

d~

/'ame .

Soovent la furprifc vienr

a

l'ame de ce qo'ellc

oe

peor pas concilier ce qu'elle voit avec ce qo'elle

11

vC. .

11

y a en

ltálie un graod lac, qu' on appelle

le

lac

majer~r;

c'ell one perite mer dont les hords ne mon–

trenr rien que de fnuvage. A qointe milies

dan~

k

lac

font deox iles d'un qoarr de mille de tour, qu'on ap–

pelle

les Borromln,

qui ell

a

mon avis

le fr¡our do

monde le plos encbanré. L'ame ell étonoée de ce con–

tralle romanefqoe, de rappeller avec plaifir les mcrvril–

les des romans, oü aprcs avoir poiTé par des rochers

&.

des pays arides, oo fe

troove daos un

lieu

fair pouc

les fées.

Taos les contralles nous frappcnt, paree qoe les

cho~

fes en oppofition fe relevent roo tes les deux:

ainfi

lorf–

qu'un petir homme ell aopres d'oo grand, le perit

f2it

paroltre l'aotre plos grand,

&

le grand fait paroitre l'au–

tre plus perir.

Ces focres de forprífes fonr le plailir que l'on rrouvc

dans routes les beautés d'oppofi tion , daos touces les nn–

thirhHes

&

figures pareilles. Quand Floras dit : , So–

" re

&

Algide, qoí le croiroit! oous on t éré formida–

" bies, Sarríque

&

Cornicule éroienr des provinces:

,. nous rougi!lons des Boriliens

&

des

V

éruliens; mais

, nous en avons

triomphé : enñn T ibor notre fnux–

" boorg, Prcnelle o

ti

fonr nos maifons de plaifaoce, é–

"

toieot le fu¡er des vceui que naos allíons fairc na

" capirote ,, : cer auteur' dis-¡e. oous montre en me–

me rrms la grandeur de Rome

&

la petitelfe de fes

commcncemcns,

&

l'étonnement porte fur ce• deox

chof<S.

On peor remarquer ici cambien ell grande

la

ditft!–

rence des anrirhi:fes d'ídées, d'avec les nnrithefes d'ex–

prdlion. L'anrithefe d'npreffion n'e(l pas cachée, cellc

d'idée• l'ell: l'one

a

toü¡ours le meme hablt' l'aorre en

change corome on veur : l'une el! variée, !'nutre non

Le

m~

me Fiaros en parlanr des Samnires, dit que

leors villes furenr tellemcnt dérroíres, qu'íl eCI dífficíle

de troover

~- préfent

le fo¡er de vingr-quatre rriomphe1,

ttt

non fa úl" appareat materia 'fllalltor

&

t•igi,ti

trrumpborum.

Er par les mémes paroles qui marquent

la derlroél'on de ce people,

íl

fair voir In graodeur de

fon couuge

&

de fon opiní!treté .

Lorfque oous voolons noos

emp~cher

de rire, norrco

rire redooble

~

caufe do contnlle qui ell enrre

lo

fi–

toocíon oii naos fommes

&

celle oti naos devrions

~rrc : de méme , lor fqoe noos voyoos daos on vifage

un guod d<!faor, comme par e1emple un rre;·graod

nr1., nous rions

.i

caofe qoe naos voyons qoe ce

con–

trafle avec les aorres traiu do vifage ne doit pu étre.

Aínfi les cootraCICJ font caofe de• do!faot• , aoffi bien

que des beaorés . Lorfqoe nous voyons qo'íh font fans

raifon, qo'ils re le••enc oo éclaireo t un autre défaut

ils

fonr les ¡:raods iollrumens de la laidear , laquelle ,

l~rf­

qo'elle naos frappe fobiremenc, peor exciter une cer–

uine ¡oie daos narre ame ,

&

nous faire rire . Si oorre

•me la rcgatde comme on nulheor dans la perfonne quí

b

poffed~,

elle

pn~r

excíter la p•tié.

S elle la

regarde:

cvec l'ídée de ce

qui

peot nou no•re,

&

avec une idk

e:

compan'fon aHc ce qo•

a

coitome de naos émou–

voir

&

d'cxciter nos defin, elle la regarde

avee

oo

f:ntim<nr d'a•·afioo.

De méme

dms nos pnú!es,

lorfqo'clles

co~~tien­

acQt