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GOU

gourmet lent

&

reconnoit prompremen r le mélange de

dcux liqueurs, \'h omme de

goút,

le conn<Jilhur, vcrra

d'un coup-d'<eil prompt le mélange de dcux llyles; il

\'erra nn défau t

a

el\

té d'un agrément ; il

(era

(ai!i d'en –

thuuriafme

a

ce vers

de~

Horaces:

0•e

vutsliez.-voru

qts'il

fit

co>Jtre

trois? t¡ts'il mo:trdt.

11

fentira un dé–

goG t involontaire au

''crs Cuivant:

011 t¡ll'tm beafl de–

fefpúr alors le fccortrrit

.

Comme le mauvais

gotlt

au phyrique confifle

ii

n'é ·

trc Harté que par des alfaifoonemens 110p piquans

&

1r0p recherchés, auffi

le mauvais

godt

dan1 les Ans efl

de ne fe plaire qu'aux orn<mcns étudiés ,

&

de ne pas

lcurir la belle nato re.

Le

golit

déprové daos les alimens, efl de choifir ceux

qui dégoOtent les au'rrcs hommes; c'efl une efpece de

maladie. L e

gotlt

dépravé dans les Arts efl de fe plai–

re

a

dcs,liljets qui révoltent les efprits bieu faits; de

préft'rer le burlefque au noble , le précieux

&

l'afleélé

au beau limpie

&

naturel: c'efl une maladie de l'efprit.

On te forme le

gorit

des Ans beaucoup plu

que

le

gollt

lent'uel ; car dans le

go:lJ

phy tique, quoiqu'on

ti–

nilfe quelquefois par aimer les choles pour lefq uclles on

avoit d'nbord de

la

répugnancc , cepen cant

la narure

n'a pas voulu que les hornmes en géoérnl apprirTen t

a

fentir ce qoi leur en nécerfaire; mais

le

gotlt

inrelle–

tluel demande plus de tams pour fe former.

Un

jeune

homme lenrible, mais fans aucuoe connoilfance , ne di–

fiingoe poin t d'abord les parties d'un grand chcr:ur de

Muliqoe; fes yeux ne d¡rlingueot point d'abord daos

un tableau, les dé¡(radations , le clair obícu r, la perípe–

tlive, l'acoord des coulcurs, la correélion du dciTein:

rnuis peu-ii·peu fes o reilles apprenncnr

a

entendre,

&

fes yeu x

i\

voir; il fern ému

a

la premicre repré fen–

tation qu'il verra d'.UQe be! le

rrag~die ;

mais il n'y dé–

m elera ni le mérite

des

unités, ni cet art délicat par

lequel aucun perfonnage n'enrre ni nc ío rt fans raifon,

ni cet ar t encore plus grand qui concentre des intérets

divers dans un feul, ni enfin les autres difficultés fur–

montées. Ce n'efl qu'avec de l'habimde

&

des réfle·

x ions qu'il parvietlt

:1

íentir to ut ·d'un·coop avec plaia r

ce qu'il ne

dém~loir

pas aupnravant. L e

golit

íe forme

infen fi blement daos une nntion qoi n'en avoir pas, par–

ce qu'oo

y

prcnd peu-ii·peu l'cíprit des bons aniOes :

on s'accoOtume

a

voir des tableaux avec tes yeux de

L ebr un, du Poumn, de L e Sueor; on entend la décla–

mation notée des fcenes de Quinaut avec l'orcille de

Lulli;

&

les airs, les

fymphonies, avec eelle de Ra–

m eau. On lit les

livres

avec l'elprir des baos aureurs.

Si

too te une oat ion s' ell

réunie dans les premiers

rems <le

In culture des Beaux-Ans,

a

aimer des auteurs

p icios de défauts,

&

méprifés avec le tems, c'efl que

ces auteurs avoieor de1 beautés nnrurelles que tou t le

m o nde íentoit,

&

qu'on n'étoit pas encore ii ponée de

déméler lcurs impcrfeélions: ainli Lucilius fut chéri des

R omains, avam qu'H orace l'eilt fait o ublicr; Reg nier

fut gouté des Fran<;ois avant ' que Boileau parOt:

&

li

des auteurs nnciens q ui bronchenr

ii

chaq ue page, ont

pourtaor confervé lcur grande réputatiou, c'efl qu'il ne

s'efl point trouvé d'écrivain por

&

ch~ tié

che•¿ ces na–

tions, q ui

leur ait dc(jjllé les yeux , comme il s' ell

trouvé un Horace ehez

les Romains, un Boileau chez

les Fran<;ois.

On dit q u'il ne fau r poinr diljlllter des

got7ts,

&

oil

1\

raifon qunnd

il n'efl qucfi'on que du

gu1lt

feníucl,

de la

r~pug nance

que l'on a pour une certainc nou rri–

ture, de la préférence qu'on dotlOe

ii

une autre; on

n'en dilpute point, paree qu'on nc peut corriger un dé·

faut d'mganes.

11

n'en efl pas de méme daos les Ans;

comme ils ont des beautés réelles,

il

y a un bon

gorlt

qoi les difcerne,

&

un mauvais

gorlt

qui

les ignore ;

&

on corrige íoovenr le défaut d'eíprir qui donne un

g_o~t

de travers. JI y a null} des ames froides, des e-

1pms faux, qu'on nc peut n1 échaulfer ni redrelfer: c'efi

avec

eux qu'il ne faut point difpu ter des

golltt,

paree

qu'ils n'en ont aucun.

L e

go1lt

efl arbitraire daos plu Gcurs chafes, commc

<lans les étolfes, dnns les parmes, dans

les équipag¡:s,

dans ce qui n'efl pas au rang des Beaux· Arts: alors il

mérite p!Otót le nom de

fantaifie.

C'efl la fantaifie ,

pltnllt que le

gol/e ,

qui produir tan t de modes oouvel–

les .

~e

gollt

peu t fe garer chez une natioo; ce mnlheur

arr~vc d'or~inaire

apres les riecle>

de

perfeélion . L es

artilles cratgnant d'e tre imitareurs , cherchent des rou res

écartées; 1ls s'éloignenr de la belle oature que leurs pré–

décerTeurs ont. íaific:

il

y a du mérite daos

leurs ef–

fom; ce méme couvre leurs défaurs, le pubt¡c amou-

GOU

rcux des nouveautés, courr aprcs eux;

il

s' en dégoiltc

bien·uit,

&

il en paroit d'alllrcs qui four de nouveaox

d1orts

pour plaire; ils s'éloignent de In nato re encare

plus que les premirrs: le

gqrle

Íe perd' on en enrou –

ré de nouveautés qui íont rapidement effacées

les

unes

par les autres ;

te

public ne (ait plus ou il en efl,

&

il regreue en

''ain

le fi ecle du bon

gotle

qui ne peur

plus revenir; c'ell un dépllt que q uelques bons efprits

cooíervenr alors loin de la foule.

11

efl de vaOe

pays ou le

gollt

n'efl jamais parve–

nu; ce foot ceux

oii

la foc iété ne s'efi poiot perfe–

élionnée, ou les hommes

&

les fem rnes ne fe ratlem–

blen t point , ou certains arts, comme la Sculpture, la

P ein wre des etres animés, íont défcndus par la religion.

Quand il y a pe u de fociété, l'efprit efl

rerr~ci,

fa

pointe s'ém oulTe, il n'a pas dequoi fe former le

gorít.

Quand plufieurs Beaux · Arts manquent,

les autres ont

rarement dequoi fe fofitenir, paree que wus fe tieonenr

par la rnain,

&

dépcudenr les uns des nutres . C'cfl u–

ne des raifo os pourquoi

les

Afiatiques n'onr jamais eu

d'ouvrages bien faits preíque en aucun geore,

&

que

le

goíie

n'a été le pattage que de quelques peuples de

l'Europe.

Artic/e de

'M.

DE

VoL

T A 1 RE.

N ora joindrons

J

cet excellent

~rticle,

¡,.

frat.ment

Jttr

le

gofit,

t¡~<e

M . le prljident de Monte[r¡11ieu de–

fl

inoit

J

I'Encyclopédie , comme nortr l'avons dit

q

la

fin de fon l loge,

tome V .

de

<et

Ouvrage;

«

frag–

ment a

!té

trot~vl

imparfait dans fes papurs: l'a11teur·

11'

a pas ert

le tems

d'y

mettre la derniere main ; mais

la

pr.mieres pen{Ees des !JrandJ maítrcJ mfritent d'é–

lre

·

c,onfervlu

J

la pof/érttl, comme ler efr¡rúffeJ

dn

grands peintres.

Effa i .fttr le

gofir

dans les chofes de la natttre

&

de

l'art.

Dans

narre maniere d'étre aél:u el le , no tre ame

goüte trois f..,.,nes de plailirs; il y en a qu'elle tire du

fond de íon ex·iflence m eme , d'nurres qui réfultent de

ron union avec le corps' d'anrres en fin qui fon t fondés

fu r les plis

&

les

pr~ugés

que de cen aine

inflitutioos ,

de certains ufages, de cenaioes habitudes fui on r fai1

prendre.

Ce font ces ditfé'rens plaí6rs de notre ame qui

filt·

menr les objets du

gotlt,

comtlle le beau, le bnn, l'a–

g réable' le naif, le délicac' le cendre' le gracieu¡' le

je ne fais quoi, le noble, le graorl, le fubl ime, le ma–

jeOueux,

&c.

Par exemple, lorfque nous

trouvoos du

plairir

~

voir

une chofe avec une urilité pour nous ;

llOUS difons qu'elte

efi

bonne;

Jorfque

llOUS trOUVOIJ'

du plaili r

a

la

voir,

fans que nous y démelions une

utilité préfente, no us l'appellons

be/le.

.

Les aociens n'avoien r pas bien démélé ceci; ils re–

gardoient comme des qual ités pofitiveo routes les quali·

tés relarives de notre ame; ce qui fait que ces dialo–

gues ou Piaron fait

raifonner Socrate, ce

d~alogueg

ti

~dmirés

des anciens, fonr aujourd'hui

infoütenables ,

paree qu'ils font fondés íur une philoíophie faulTe: car

r.ous ces rai[onnemeos tirés íur le bon, le beau, le par–

fai r, le íagc , le fou, le dur, le mou, le fec, l'humi–

de, traités comme des chafes pofitives, ne lignifient

plus rico.

L es fources du beau, du boo, de

1'

ngréable,

&c.

fonr done daus oous·memes;

&

en chercher les raiíoos,

c'ell ch crcher les caufes des plaifirs de nntre ame.

Examiuons done notre ame, étudions-la daos íes a–

éHons

&

daos íes pamons, chcrchons-la daos fes plai–

firs; c'efi-la ou elle fe mnoifelle davantage. La Poétie ,

la Peinture, !u Sculpture, I'Architeélure, la Murique,

la D anfe , les dilférentes forres de ¡eux, en fin

les

ou–

vrages

de

la nature

&

de l'an , peuvent fui dnnner du

plairir: \'oyons pourquoi, comment

&

quand ils les fui

doonent; rendoos raifon de nos feot imens; cela pourra

contribuer

a

nous former le

gotlt,

qui n'efl amre chofe

que l'avanrage de découvrir avec finelfe

&

avec prom–

pritude la mefure du plaifi r que chnque chofe doit don–

ner aux hommes.

Da

plaijirJ de notre ame.

L'ame , indépendamrnen t

des plaiGrs qui lui viennent des fens, en a qu'eltc au–

roit indépendammen t d'eux

&

qui fui font propres; rels

foo t ceux que lui donnent la cnriorité, les idées de

fa

gnindeur' de fes perfeél:ions' l'idée de

ron exillence

oppofée au fenrimenr de la ouir, le plaifir d'embrarler

rout d'une idée géné'rale,, celui de voir un grand nom–

bre de chafes,

&c.

cellll de compnrer, de ;oindre

&

d~

féparer les idées. Ces plaifirs ÍOtlt dans la nature de

l'ame,

iodépendamme~r

des

íens, paree qu' il appnr–

tiennt nr

ñ

IOUI

etrc qlll penfe;

&

if efi fort indilfére1 t

d'examin<·r ici fi notre ame a ces plairirs commc rub–

flancc unie avec le corps, ou commc f¿pnrée du corps,

par-