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666

GOU

n'y a point d'ordre, !'ame fent

a

chaque in(bnt trou–

bler celui qu'elle

y

veut mertre. La fui te que l'aureur

s'ell faite ,

&

celle que nous nous f.1ifons fe confon–

denc ; !'ame ne recknt rien, ne prévoit rien; elle ell

humiliée par la confufion de fes idées, par l'inanicé qui

lui rene; elle en vainement fstiguée

&

ne peut goucer

aucun plaifir; c'ell pollr cela que quand le delrein n'e!l

pns d'exprimer ou de montrer la confufion , on mer

tolljours de l'ordre dans la confulioo méme . Aioli

les

Peiocres grouppeot leurs figures; aiou ceux qui peignen r

les bacailles meuent-ils fur le devaot de leurs tableanx

les chofes que l'ceil doit diflinguer,

&

la confufiou dans

le fond

&

le lbiorain.

DeJ plai/irt de la variitl.

Mais s'il faut de l'ordre

daos les chafes , il faut auffi de la variécé : fans cela

]'ame languit ; car les chafes femblables

lui paroiUent

les ml'mes:

&

fi une parcie d'uo cableau qu'an nous

découvre, relfembloit

a

une aucre que nous aurions vue,

cet objet feroic oouveau fans le paroltre,

&

ne feroit

aucun plailir ;

&

comme les beau cés des ouvrages de

J'art femblables

a

celles de la oacure, nc confiflent que

daos

les plailirs qu'elles nous foor, il faut les rendre

propres le plus que l'on peUI

a

varier ces plailirs; il

faut faire voir

a

!'ame des chotes qu'elle n"a pas viles;

i1

faut que le fem iment qu'on Jui donne foit dilféreot

de cel ui qu'elle vient d'avoir .

C'efl ainli que les hilloires nous plaifeor par la variété

des récirs , les romaos par la variété des prodiges ,

les

pieces de chéatre par

la variété

des

pallions ,

&

que

ceux qui favent ioflruire modifienc le plus qu'ils peuvent

ie ton uniforme de l'inflruftion.

Une loogue unifor micé

rend tout infupportable;

le

m

eme ordre des périodes long-cems continué. aecable

daos une harangue: "tes memes nombres

&

les memes

c hu tes mettent de l'eooui daos un long poeme . S'il ell

' 'rai que l'on ait fait eette fnmeufe allée de Mofcou

a

P ecersbourg , le voyageur doit périr d'ennui reofermé

entre les deux rangs de cette allée;

&

celui qui aura

v oyagé long-tems daos les Alpes, en defcendra dégoll–

té des fimatiom les plas heureufes

&

des points de vllc

les plus charmans.

L 'ame aime la variécé, mais elle oe l'aime, avoos–

n ous dit , que paree qu'elle efl faite pour eonuottre

&

pour V<1ir.

11

faut done qu'elle puilfe votr,

&

que la

variétt' le lui permeue, c'efl-ii-dire, il faut qu'une chofe

fo ir aífe"L fimple pour erre

apper~uc'

&

affez variée pour

etre

apper~Oe

ave

e

plaifir.

JI

y a des eholes qui paroilfent variées

&

oe le fon t

poi

m ,

d" autre> qui paroilleu t uniformes

&

foo t tri:s–

variécs.

L'arehirefture gochique paroit tri:s·variée , mais

la

confufioo de> ornemeas facigue par

leur pecitelle ; ce

c¡ai fai t qu'il n"y en a aucu n que nous puillious dtllin–

guer d'uo autre ,

&

leur nombre fait qu"il n'y en a

aucun lur lequel l'ceil pui(fe 1'arr€ter: de maniere qu'elle

déplalc par les endroits me me qu'on a choiris pour la ren–

dre agréable.

U n

b~ciment

d'ordre gochique en une efpece d'énigme

pou r l"ceil qui le voic,

&

!'ame efl embarralfée , com–

me quand oo lui préfeote un poeme oblctH.

L'architeftore greque, au comraire, paroit ,oniforme;

mais comme elle a

les divitions qu'il faut

&

aucant

qu'il en fauc pour que !'ame voye précifémen t

ce

qu"elle

peu t voir fans fe fatiguer, mais qu'elle en voye atfez

pour s'occuper: elle a cecte variété qui fait regarder avec

plaitir.

U

fant que les grandes chafes ayent de grandes par–

ties ; les graods hommes oot de graods bras, les grands

arbres de grandes branches ,

&

les grandes moocagnes

font r;ompolees d'aucres montagnes qui font au-deífus

&

a

u ·deffous; c'efl la nature des chafes qui fait cela.

L "arehl!efture greque qui a peu de divifions

&

de gran–

des dlvilion;' imite les grandes chales ; !'ame reot une

cenaiQe maJdlé qui y regoe par-tout.

C'eft ainfi que la Peioture divile en grouppes de trois

ou quotre figures, celles qu'elle rcpréltnte daos un ra–

bleau ; elle imite la nature , une nombreufe croupe fe

divife toOjours en pelotons ;

&

c'ell encare aiofi que

la Peincure divife en grande matle fes clairs

&

fes

obfcurs.

Des plaifirs de la .fJ'mmieri•.

]'ai dit que !'ame aime

la

variété ; cependant daos

la p!Opart des chales elle

aime

a

voir une efpece de fymmérrie ; il femble que

cela reoferrn e quelque coocradiftfon : voici comment

¡·explique crla.

Une des

p~incipales

caufes des plaifirs de oocre ame

Jorfqu'elle voct des objecs , c'ell la facili cé qu'elle

a

a

GOU

les appercevoir;

&

la raifon qui fait que la fymmécrie

platr

á

!'ame, c'en qu"elle lui épargoe de la peine, qu'elle

la Coulage,

&

qu'elle coupe pour ainti dire l'ouvrage

par la moitié.

D e-l ii

fu it une regle générale : par-tout otl

In

fym–

mérrie e([ otile

a

!'ame

&

peur aiJer fes fonft ions '

elle tui cfl agr<'•ble; mais par-cout otl elle etl inu tile

elle eft fa de, paree qu'elle óce la variété.

Or

les chafes

que nous voyons fuceellivement, do•vent avoir de la

variété; car ootre ame n"a

a

ucune dtfficulté

ii

les voir;

celles au contraire que nou> appercevon< d'un coup–

d'<ril , doivent avoir de la

fymmécrie . Ainfi comme

nous appereevons d"u n coup-d'ceil la fn.;ade d"un

bati–

ll1c:nt, un parterre, un

temple,

on

y

met

de la

fymmén ie

qui platc

a

!'ame par In facilité qu'elle lui dnnoe d'em–

braífer d'abord couc l'ob¡er .

Comme il fauc que l'ob¡et qoe l'oo doit voir d'un

coup d'ceil foic limpie, il faut qu'il luir unique,

~

que

les panies fe rapponent routes

a

l'ob¡et principal ; c"dl

pour cela :.ocore qu'on aime la

tymmétrie , elle fait

un cout enkmble.

[1

etl da

m

la nacure qu'un touc fait achevé,

&

!'ame

qui voit ce tour , veur qu'il n'y aic point de partie im–

parfnite. C'etl encore pour cela qu'on aime la fymmé–

crie; il faur une ef"pece de punderacion ou de balance–

meut,

&

un batimeut avec une aile ou une aile plus

cource qu'uoe aucre, ell auffl p"eu fini qu'uo corps avec on

bra<:, ou avec on

br~s

trop courr.

Da

<ontra(les.

L 'a me aimc

la

lymmétrie, mais elle

aime auffi les co·1rra1les; ceci demande bien des expli–

cacions. Par exemple:

Si la oacure demande des peincres

&

des ícu lptcurs,

qu'ils mettent de la fymmé rrie dnns les parties do leurs

611ures, elle veuc au contraire qu"ils mencnt des con–

trafles daos les anicudes. Un pié rangé comme on nu–

tre,

\lll

membre qui va comme ao aurre , font

infbp–

portabies; la railon en etl qne eette rymmétrie fait que

les anirudes font prefque coll;ours les memes, comme

on

le voit dans les figures gochiques qui le relfemblent

toures par-la . Aioli

il n'y a ptus de variété dnm les

produftioos de J'arr .

D e

plus la nature ne nons a pas

fitués ainfi;

&

comme elle oous a dooné do mouvc–

ment, elle oe nous a pas ajutlés daos nos aftions

&

nos manieres comme des pagodcs ;

&

fi

les hommes

gro¿s

1'1.

ai

11i

eontraincs font intupportables, que fera·ce

des produftions de l'art?

11

faur done meure des contranes daos les atlitude<,

fur-tout daos les ouvrages de Sculpture, qui naturelle–

meot froide , ne peu t mettre de feu que par

la force

du contra!le

&

de la fi tuacion.

Mais, comme nous avollS dit que la variécé que l'on

a cherché

a

meure dans le gothique lui a dooné de

l'uniformicé , il efl

louvent arrivé que la variété que

l'on a cherché

a

mettre par

le moyen des cootrafles.

efl deveuu une fymmérric

&

une vicieufc uoiformité.

Ccci ne fe

feot pas feulemenr dans de certains ou–

vrages de Sculpture

&

de Peinmre, mais aulli dans le

llyle

de

quelqlles écrivaios, qui daos

e

haque phrafe mer–

ltnt toUJC>Urs le commencement en concrafle avec la fin

par des anrichefes continuel les, tels que S. Augu!lin

&

autres aureurs de la baífe lsrinité ,

&

quelques-uns de

nos moderoes, comme Saint-Evremont: le cour de phrn–

fe toO;ours le meme

&

wG¡ours uniforme déplnlt excre–

memcnt; ce concrafle perpéruel deviene fymmétrie,

&

cene oppolitioo wO;nurs recherchée deviene uoiformité.

L'elprit y trouve ri peu de variécé, que lorC.¡ue vous

avez

vQ

une partie de la phrafe, vous devinez !OUJOUrS

l'aucre : vou> voyez de, mors oppofés , mais oppoC¿s

de la meme maniere; vous voye1. un !Our daos

la

phra–

fe, rnais c'ell tou¡ours le

m~cne.

Bien des peinrres font rombés daos le défaut de mer–

tre des contraftes par-tour

&

taos ménngemenr, defnrre

que lorlqu"on voit une figure, oo devine d'abord la

difpofition de celles

d"a

cócé; cene contiouelle di ver–

lité deviene quelque chofe de fcmblable; d'nilleurs la

nature qni jeue les ehofes daos le deC.>rdre, ne moncre

pas l'atfeftacion d"un contratle cootinuel, fans cornpter

qu'elle oc mer pas

tous/

les corps en mouvement ,

&

daos un mouvemem forcé. Elle ert plus vari¿e qoe

cela, elle met les ons eu rcpos,

&

elle doone

atu

au–

tres dif!éretHeS fones de mouvemenc.

Si la parrie de

!'ame qui coonoit aime la vnriété ,

celle qui fent ne la ch<rche pas moins ; car !'ame ne

peut pas foOcenir long-cems les memes lituatioos, paree

qu'elle e!l liée

a

un corps qui ne pen e les foutfrir; pour

que nocre ame foit excitée,

il

fauc que les efprit< cuu–

Jeot daos les nerfs.

Or

il

y

a

la deux chafes, u'!e laf-

htu-