GEO
prement d' une perfonoe verfée dans la
G~ométrié
;
mais on applique en générnl ce nom
a
mur marhéma–
tlcien , paree que la Géométrie érant une pnrtie dfen–
tiellc des Mathémadques,
&
qui a fur prefque rnures
les
a
utres une ioAucoce nécelfaire,
il
e(J
difficile d'érre
verfé profondémem dans quelque parrie des Mathéma--.
tiques que ce foir, fans I'Stre en méme rcm s dans la
Géomérrie. Ainfi on dit de Newton qu'il éroit grand
glomttr.,
pour dire qu'il étoit grand mathématicien.
un
g<omttre.
quand il nc voudroil que fe borner
a
enrendre ce qui a été rrouvé par d' autres, doit avoir
plulieurs qualités alJez rares; la ¡uflelfc de l'efprit pour
flilir les
raifonn~men'
&
Mméler les pnralogifmes , la
facilité de la conception pour entendre avec prompd–
tudc. l'étendue pour embralfer a·la·fois les ditftrentcs
pnrries d' une démonflra1ioo compliqnée , la mémnire
pour retenir les propofltioos principates, leurs démon–
flrnt íons
m~mes
, ou du-moins
1'
efprit de ces démon–
flrations,
&
pour pouvoir en cns de befoin fe rappeller
les unes
&
les nutres ,
&
co faíre ufage. Mais le
gio–
mrtre
qui ne fe contentera pas de fnvoir ce qui a été
faít avaot lui,
&
quí veu1 ajoi\rcr nux découvenes de
fes prédécelfeurs, doit joindre
il
ces dítférentes partíes
de
1'
efprit d' aurres qualités encare moins COf11munes,
la profondeur , l'invemioo , la force,
&
la fagacíté.
Je ne fu is pas éloígné de penCer avec quelques éerí–
vains modernes, que l'on peur apprcndrc la Géomérrie
a
u~
cnfans,
&
qu'íls font capables de s'applíquer 3 cer–
le fcience, pO'!.[vO qu'on Ce borne aux feuls élémens,
quí étan1 peu
i'!'ompliqu~s,
ne demandent qu'une con–
cepdon ordinaire; rnaís ces qualirés méJiocres ne fuf–
lifent pas daos l'étude des Mathématiques rranfcendnn–
tcs : pour
~tre
un
favane gl•meere'
&
memo pour n'e–
tre que cela, il faut un degré d'efprit beaucoup moins
commun;
&
p0ur erre un
grand glometre
(
car le nom
de
grand
ne doit elre donné qu' aux
inveni<'Ur' ) ,
il
fau1 plus que de l'efprít,
íl
faut du
g~nie,
le génie n'é–
tanr autre chofe que le talent d'ínventer.
11
eO vraí que
l'efprit d"nt nons parlons cft ditférenl de ce luí qu'
íl
fAut pnur une épigramme , pour un poeme, pour une
píece d'éloqueoce, pour écrire l'hilloire ; mais n'y a-r–
il done d'efpril que de cene derniere efpeoe?
!7oy.
E–
s
P R
t r . Er un écrivaín médioore, ou méme un bon
.éorivain, croíra<1-il avnir plus d'efprí1 que Newton
&
que Defoartes
?
Peur-etre nous fern-t
il
permis de rapporter
a
cette
ooeafion une réponli: de feo M . de la Motto.
Un
glo–
-meDrt
de fes amis
1
apparemment igooranr oa de mao–
vaife foi, parlnír avec mépris dn grand N ewton , qu'
il auroit m•eux fair d'étudier;
Newton,
d1fou ce
glo–
metre, 11'/t•it
'!"'
rm breuf; cela fe pmt,
répondit la
l\llotte,
m11i< c'<toit le premitr breuf dr
(on ./iecle.
On pourrnír d.:rnander s'il a fallo plus d'efprit pour
faire Cinna, Heraclius, Rodogune, Horace,
&
Políeu–
éle , que pour trouver les Iuis de la ¡¡raviratiou. Cette
queflh>n n'ell pas Cufcepríhle
d'~tre
réfi>lue, ces deuK
genrcs d'efprit étant rrop différens pour
~tre
comparés;
·mais on peu1 demander s'íl n'y a pas aurant de mérire
i
l'un qu'il l'aurre;
&
qui auroit
a
choifir d'etre N ew –
ton ou •Corneille, feroit bien
1
d'etre emborralfé, ou ne
mériteroit pas d'avoir
~
choiGr. Au relle cette qucOíon
cfi décídéc 1<\US les JOUrs par quclques littérnteUrS ob–
fcurs, qudques fatyriques fubalternes, qui mépriCcnl ce
qu'ils ignorent,
&
quí ígoorent ce qu'íls croyent favoír;
incapables, 1e ne dis pas d' apprélíer Corneílle,
&
de
Jire Newron, m1is de JUger Cnmpiflroo
&
d'entendre
Euciíde _
Si l'efpril nécelfaire au
glometre
n' efl pas le meme
que cclui dont on a befoin pour réuflir daos la Lítté–
rature, ils ne
s'e~cluent
pas l'un l'autre . N éanmoins
quand on veut loüer parmi nous un mathémarícien, on
dir de lui qu'íl efl grand
glometre,
&
cepenánnt
hom–
rne d' efpril
&
de gour ; on croir lui faire beaucoup
d'hooneur,
&
on fe fa i1 quelque gré do bon mol qu'
on s'imagine avoir dít _ Ces
fn~ons
de parler
li
con–
nues,
lom..J eomme
r1n
glo.wutre
,
ignorant comme
ruJ
por·e~ ~
ott
tomm~
un
prtdiratenr,
font dcvenues des e–
fpeces de proverbes ,
&
prefque des phrafes de
la lan–
gu~,
auffi équítables 1' une que 1' autrc ; les exemplcs
q01 en prouvent 1' inJuOice ne font pas cares ;
&
pour
nc parler ici que des Marhématícíeos, Pafcal
a
qui la
Géomér~ie
doít un fi bel ouvrage fur la Cyclo'ide,,
&
q~r
auro•_t peur-etre été le plus grand
g<omtlre
de_ 1u–
mven, h une dévotioo afle?. mal eoteuduc no
lu1 eOt
fai1 nbaodonner fon talent
Palca l éroir en mo!me rems
uo tres-bel el'prít . Ses
Pr~vinciales
font un chef d'ceu–
vre de plaifaoterie
&
d'éloquence , c'efi·a-díre un mo_-
GEO
SSI
dele daos les deux genres d'
~crire
qui pnroiiJ'oienr le¡
plus oppofés. On dira peor-erre que Pafeal n'efl qu'u–
ne exceptíon ;
il
efl mnlheureux que l'excep1ion démen–
le ti f<•rme lien'lent la regle qu'on voudroit établír; mnís
croir-on que cette e<ccption foit la feule? Nous ue ei·
1erons point
M.
de Foorcnelle. qu'oo voudra peut-
e–
rre ne regarder que comrne un bd efprít deve11u
gio–
rmtre
par aceideot: mais nous renverrons
les
dérra–
éleurs de
13
Géométríe a11x ouvrages
philofnphí~ue
de
Defcartes, li bien écrí1s pour
leur 1ems ;
a
ceu x de
Malebranéhe, qui Conr des chefs-d'reuvre
de
llyle; auK
poéGes de Manfredí, que M. de Fontenclle
a
1i
¡uilc–
ment célebrées; aux vers que M - Halley a mi
a
la
tete des príncipes de Newron,
&
a
ra11r d'aurres que
nous poorrions oommer encore.
Si
ces
glomnrti
n'é·
toíent pas des hommes d' efprít , qu' on nous di fe
en
quoi l'cfprit conliilc,
&
a
quoi
íl
fe borne.
O
o
conoolt la ridícule queilion dn P. B.>nh<>urs,
ji
'"'
allemawd pertt avoir de l'e[prit?
Les Allemands
y
oni répondu comme ils le devoienr, par cerre quellíon
non moin' ridicule ,
fi
un frrm.
cnis
patt
avoir
le
{e11s
eommun?
Ceu¡ qui fom aux
Giometrn
le
mt!mt
hon~
neur que le P. Bouhours
\r
fait
au x
Alkmaods, méri–
leroieor qu'oo leur demand§r
nufii,
ji
on ptttt i!(nonr
la Glomltrie,
&
rai[o>1ner ju(fe
l Maís fans répondre
aux in¡ ores par d'aurres, oppofons-
y
des faics . Bal-i,ac
étoit fans doure un bel efprí1, daos le
feos ou 1' on
prend ordínaírement ce mor ; qu'on life les leures de
Defcartes
a
Bai'Lac.
&
celles de B.tlza
:l
Dcfcarrcs'
&
qu'on décide enfuíre,
li
on efl qe
b~mne
foi, lequcl
des deux efl l'hommc d'<fprit .
Ddcanres, dit·on, fit en Suede
d'alfc:~.
mauvais vers
pour un díverrilrement donné
~
la reine Chriflíne; maís
e'
~toir
en r649;
&
a
1' exceprion de Corneille, quí
meme ne réullilfoit pas wíljours, quelqo' un
faífoit-il
alors dr bnm versen Europe? Les premiers opé1as de
l'abbé Perrin ne
''nloienr peor-erre pas m;eux que le di–
vertíiJ'emeor de Dcfearres. Pafcal, •JoO•e- r-on, a tres–
mal raifOoné
llH
In Por!lie; cela ell vrai, mais que
't!n–
Cuír-il de•la ? C'ell que Pafcal ne fe cqnnoiffoit pas
~n
vers,
fau1<~
peu1-elre
d'en avoir
alft·Z-
it'1,
&
d'a\•oir ré-
6é€hÍ fur ce gcnre;
la Poéfie eU un arr d' inil it uríon
qui demande quelqu' exoraíoe
&
quelque hnbitude pour
en bien Juger; or Pafcal n'avoir lt• que des
livres de
Géométric
&•
de piéré,
&
peor- dtre de mauvais vors
de dévorion quí l'avoient preveou contre la Poélie
etl
général; maís fes provinciales prouveot qu'il avoít d'ail–
leurs le raa tres-fin
&
le goílr tri:>-jufle. Oo n·.y truu–
ve pas un terme igooble , uo mol qui ait vieilli , une
plnifaoreríe froíde.
Ln Géométrie , dit- on ancore, donpe
~
1' efprit de
la féchoreiJe ; oui, quand on
y
efl
dé¡
a
préparé par la
nature: en ce cas, on ne foruit guere plus fenlible aux
beaut~S
des OUvrages d' ÍmaginatÍOO, quand meme
()0
n'auroít fait aucune étude de la Géométrie; maís eelui
a
quí la .nature aura donoé avec le
talent des
Ma•hé–matiques un efpri1 flexible
~
d'autres objers,
ll¡
quí.au·
ra foin d'entrctenír daos fon efpri1
cett~
heurcuf
e 6exi–bilité, en le plían t en rout fens , en oc le tenaot point
roO¡nur,s courbé vers
les
lignes
&
les calculs,
&
en
l'exel\00[
a
des mntíeres de líttéraiOre' de goílt.
&
do
philofophíe , celui-13 coufervera rour-a-la-fois la lenilbí–
lité pour les chofes d'ngrémenr,
&
la rigueur
oé~eiJai
re aux démonllrarions;
il
faura réfoudre un probli:me,
&
lire un poi!re; caleoler les ruouvemcns des planetes,
&
avoir do plaílir
a
une piece de théatre.
L'érude
&
le talent de la Géométríc ne nuifent done
poínt par eux -meme< ao>< talens
&
aux o,ccuparions lit–
léraíres. On peor me me dire en un feos qu'd s font o–
tiles
po~r
quelquc genre d' écrire que ce puitle erre ;
un ouvroge de morale, de littérarur<
de cmique, en
Cera mcilkur,
routes cbofo< d' aill<ur; lgales, s'
it etl
fait par un
g<ometrt
,
comme M . de Fontenelle 1' a
tres:bi~n
ublcrvé; un
y
rcmarquera ceue ¡ulleffe
&
ce~te ha1ion d'ídóe>
il
laquelle 1'
~tu
de de la Géoméme
nous accoOrume ,
&
qu' elle nous fait
~ofuite
porrer
daus nos écrirs fans oous eo appercev01r
&
eomme
malgré nous .
L'étude de la Géomérrie ne peut fans doute rendre
l'efprit ¡ufle
a
celui qui ne l'a pa>; mais aulfi un elprit
faos Jllildlc n'efl pas faír pour cette étude, il n'y rénf–
fira poínr; c'efl pourquoí li on a eu raifon de dire que
la Géomhric 11e
r~dreffé
que les e(priu ároits,
on ao–
roil bieu faíc d' ajoOrer que
les e[pri's droits
font
1,~
(uds propres
ti
la Giomltrie.
On nc peor done avoir l'eCprit
glometre,
c'efl a-dtre
le 1alcnr d.e l¡ Géomérrie, fans. avoir eo meme rerns
l'cfprÍ\
'