Ese
firmer cette virité, quc l' élat des dela\'es ene'l les
Romains dans les beallX jours de In rtépul¡liqne;
&
In
confidération de cet é lat méritC' d'auncher nos regards
pendant qnelques momens.
Les
p~emiers
Romains traitoient leurs efclaves al'cc
plus de bonté que ne I'a jamais fait aucun autre peu–
pie: le s mallres les regardoient comme lellrs compa–
gnons; ils vivoient, travailloient,
&
mangeoient a'Vec
eux . l¡.e plus grand ch31iment qu' ils iofligeoient
¡¡
un
.,{clave qui al'oit commis quelque faure, éloit de lui
arraeher une fourehe fur le dos ou fur la poilrinc , de
In i étendre
le5
bras aUl de
U"
bou!s de la tomehe ,
&
.de
le promenerainfi daos
I:s.
pla~es
publiques; e' étoit
\lne peine ignominieufe .,
&
rlen de plus :. les m<rur·s
fuflifoient pour mailllcnir la fidélité des efclaves.
Bien.,loin d'emp€<;her p<1C des lois foreées la multi–
plication de ces organes vivans
&
animés de l' econo–
mique, ils la favorifoien! au conrraire de tout lcur
~'ou
voir,
&
les
aaocioie~t
par une efpece de mariage,
(onfllberniiI .
De cette maniere ils remplilfoiem leurs
mai fons dc domefliques de l'un
&
de I'autre fexe,
&
'peuploient l'érat d'un peuple innolllbrable: les enfans
des efclal'es qui faifoient
a
la lon¡;ue la richelfe d' un
maine, nailroient en contiance aurour de lui;
iI
élOit
Icul
cha~gé
de leur entrerien
&
de leur éducat·íOn . Les
peres, lihres de ce fardeau, fuivoient le peochanl de la
na rur.,
&
mulriplioient faos crsime une nombreufe fa–
m ille; ils voyoient fans jaloufie uoe heureufe focié–
té, doo! ils fe regardoient comme membres; i1s fen–
tnienr que leur ame pouvoit s'élever
eomm~
celle de
lem maltre,
&
oe fentoien! poinr la dilre rence qu'il
y
avoit de la condition d'efclave
a
edle d'uo homme li–
bre: fouvent memc des maltres généteux faifoienr ap–
prendre
i\
ceu ~
de leurs cfclaves qui mOOlroient des
talen s , les excrcices, la mufique,
&.
les lemes greques;
Térence
&
P~~edre
fonr d' alfez bOlls exemprc: de-ce
gence d'éducarion .
L a république fe fervoit avec un avaOlage iotini de
ce peuple d'efclayes, ou phhot de fujets: chacuo d'eux
avoit fon
pierde ,
c'efl· a-dire fon pcrit thré(or, fa pe–
tite 'bourfe, qu'il polfédoil allX condilions que fon mal–
tee lui iQlPofoir. Avec ce péculc
il
rravailloir du cOlé
ou
le porloit fon génie; celui-ci faifoir la banque, ce–
lui-la fe donnoit au commerce de la mer; l'un ven–
doir des marchalldifes en dérail , l'aurre s' appliquoit
a
quelque art méchanique, alfcrmoit ou faifoit valoir des
terres : mais il n'y en avoi! aucun qui ne s'auach3t
a
faire profiter ce pécule, qui lui procuroi! en mcme tems
I'aifance dans la fervilUde préfeOle,
&
l'efpérance d'u–
ne liberré furure. Tous ces moyens répaodoient l'abon–
dance, animoient les alts
&
' l'induflrie . .
Ces efclaves, uoe fois enriehis, fe faifoient alfranchir
&
devenoienr ciroyens; la répoblique fe réparoit fans
celfe ,
&
recevoir dans fon
f.inde nouvdlcs falDilles
a
mefure que les anciennes fe détruifoieol. Tcls furen!
les beau! jours de
l' eJcla.vnge ,
rant que les Romains
coofen 'erc'H leurs m eeurs
&
leur probilé .
Mais lorfqu'ils fe furent aggrandis par leurs
conqu~~es
&
par leurs rapines, que leurs efclaves ne furcO!
plus les compagnons de leurs rravaux,
&
qu' ils les
employerent
a
devenir les inllrumens de leur luxe
&
de
Icor orgueil, la condirion des cfclaves chaogea tOlale–
men t de f:lce; on viot
a
les regarder comme la panie
la plus vile de la narioo,
&
en conféquence on ne fit
GUCUO fcrupule de les rrairer inhumainement . Par la' rai–
fon qu'il n'
y
avoit plus de meeurs, 0n recourUI
SU!
lois; il en fallut meme de terribles pour établir la sil–
relé de ces mairres cruels , qui vivo,en! au mitieu de
leurs
efclav.cscomme au milieu de leurs ennemis.
O n tit fous Augufle, c'efl-a-dire au eommencemcnt
de la tyrannie, le fenatus- eonfulte Syllaoien,
&
plu-"
{i
eues auites lois qui ordonnerent que lorfqu'un mallfe
feroit to é, tous les efelaves qui éroieO! fous le meme
loir, ou daos un lieu alfez pres de la maifon pour qu'
on put enrendre la voix d' un homme, feroient con–
d.mnés
a
la mOr! : ceux qui dans ce cas
réfugioient.unefelave pour le fa¡¡,vec, éroienr punis comme meuClriers.
Celui-Ia
m~m~ ~
qui fon mal rre auro;r ordoOllé, de le
roer,
&
qui lui auroir obéi, auroit éré coupable: Ee–
lui ·qui ne l'auroir point empeché de fe tucr lui-mcme
auroit éré puni. Si. un mairre avoit éré tué dans un
voyage, on faifoil '!Jourir ceus qui étoient reflés avec
lui
&
ceux qui s'é-lilimr enfuis : ajourons que ce mal–
Ire, pendant fa vie, pouvoir tuer impunémenr fes e–
felaves
(k
les metlre
a
la
rorru~e .
11 efl vrai que dans
~a
fuire .H y cut qes. e1T'pereurs qui diminuerenr cerre
autp rÍlé: Claude ordonna que les cfclaves qui éranl
'.['ome
V,.
Ese
795
malndes auroicllt 6ré abandonnés par leurs maitres , fe–
roiel1l libres s'ils rel'elloient en famé. Cerre loi
a[s aroi~
leur libe< ré dans un cas r. re;
il
auroit encore fallu aC–
surer leur .vie, comme le dil rres-bien M. de Mon.
lefqllieu .
De plus roures ces lois eruelles, donr nous venolls
de parler, avoien t méme lieu co,\(re les erclavcs dont
l'in nocence éloir prouv·ée; elles n' ':lOienr pas dépell–
dantes du gouvernemenr civil, elles dépendoienr d' un
vice du gOllvernemellr civil; elles ne dérivoienr poin!
de l'équilé de. lois civiles, puifqu'lllles ér(¡iem contrai–
res au principe
i!ll.
lois civiles; elles éroienr proprement
fOl)dé~s
fur le príncipe de
In
guerre,
:l
cela pres que
c'éloit dans le fein de l'éra! qu'éroient les ennemis. Le
fen arus-eollful re Sj'llanien dérivoir, dira-t-on , du droit
des
gen~,
qui veut qu'une foeiété ,
m~me
imparfaire,
fe confervc: mais un législateur éclairé prévient l'af–
freux malheur de devenir un législateur terrible . Enfi n
la barbarie fur les efelaves fut poulfée fi loin, qu'elle
produifit la guerre fervile que F lorus compare aux
guer res puniques,
&
qui par fa violence ébranla ('em–
pire romain ju/que dans
f~
fondemens .
r air!, e
a
fo nger qu'il
en
encore fur la terre d'hell–
reu x climars, dont les habilans Cont doux, rendres
&
compatia:1I1s: rels font les lndiens de la prefqu'ile, en–
de<j1a du Gange; ils rmirent leurs e(claves comme ils
fe rrailenr eux - memes; ils ont fnin de leurs enfa ns ;
ils les marienr,
&
leur accordent aifément la liberté.
En général les efclaves des peuples fimples, laborieus ,
&
che'l qui regne la caudeur des m eenrs, font plus
heureux que par-tout ailleurs ; ils ne foull'rent qoe
l'e–
frIa''''''''
récl, moins dur pour eOK ,
&
plus ulil e poor
Icurs mallres: tels éroient les efclaves des aneiens Gcr–
ma;,,, . Ces peuples, dit Tacite, oe les tiennent pas
comme nous dans leurs maifons ponr les y faire tra–
vailler chacon
a
une cerraine rache, ao c,"utraire ils af–
lignent a chaque elclave fon manoir partirnlier, d.n<
Jequel il vil eo pere de familk; lOure la fervilUd e qne
le
maltre lui impole,
c'en
de l'obliger
ir
payer. une re–
devance en grains, en birail, en peau! , Oll eo
érolre~:
de celre maniere , ajoílre
J'
hiflorien, vous ne pourrie',
diflinguer le mal rre d'avec l'efclave par les delices de
la
I'ie.
Qlland i1s eurell! conqflis les Gaules, filus le nom
de
Frano,
ils envoyerent leurs eCclaves cultiver les
terres qui leur échilrent par le fon: on les appelloit
ge",
de
poite,
en lario
gente¡ pot./l:ztiI
,
allachés
:l
la
glebe,
a(ldié/i gleb",;
&
c'ea de ces ferfs que la Fran–
ce fur depuis pcuplc.'e, Leur multiplicarion tit prefquo
aUlaO! de villages des fermes <lu'ils eU!!Íl'oient,
&
ces
lerres retinrent le nom de
viII""
que les Romaios leur
avoien t donné ; d'ou font venus les noms de
vil/age
&
de
villniHs,
en larin
villa
&
vil/ani:
pODr dire des
gens de 1" <ampogne
&
d',me bajJ-' ex/roé/ion
,
aior.
l'on vit en France deuK efpeees d'efclaves, ceUK des
Francs
&
ceux des Gau!ois ,
&
tous al/oien¡.
ii
la' guer–
re, quoi qu'en ait pu dire M. de Boulaiovilliers.
Ces .fclave$ apparrenoient
:1
leurs parrons, donr i1s
éroienr répulés
homme¡
d. corps,
comme on parloir a–
lors: ils devinrenr avec le tems Cujels
It
de rudes cor–
vées,
&
rcllemem allachés a la terre de leurs mailres.
qu'i1s lembloient en faire partie; enforte qu'ils ne pou–
voieor s' établir ailleues, ni meme fe
mari~r
dans la
terre d'un aurre feigoeur fans payer ce qu'on appelloit
le droir de
Jors-mar;tlge
ou de
ml-maritlge;
&
rneme
les enfans qui provenoienr de I'union de deux efclaves
qui apparrtnoient
a
différens mallres, Ce parrageoieov,
Ol! bien l'nl! des parrons , pour évirer ce parrage, dou–
Iloir un 3utee eCelave en iSchange .
Un goovernement mililaire , ou l'auroriré fe trouvoie
parragée corre plulieurs feigneurs, devoir dégénérer en
I,yrannie; c'ell aum ce qui ne manqua pas d'arriver :
les parwns eccléfiafliques
&
larques abuferent par-rout
de leur pouvoir fur lours e.relaves; ils les accablerent
de lalft de rravaux , de redevances, de corvées,
&
de
tarlt d'autres mauvais rrairemens, que les malheureux
Itrfs, ne pouvant plus fupporler la dureré du joug,
ti–
tent en
1
J
08 cetre fameu fe révolte Merire par les hi-
1I0rieos,
&
qui aboutit tinalemenr
a
procurer leur af–
fraochif1emeo t ; car nos rois 3voienr jufqu'alors ri ché ,
f.1ns aucuo fu cces , d'adoucir par leurs ordonnanees l'é–
rat de
l'efclm'age.
Cependant le Chriflianifme
commen~an!
a
s'accrédi–
ter, l'on embralfa des Cemim.ens plus humains ; d' ail–
leurs nos Couv.erains, dérerminés a abailter les feigoeurs,
& ii
tirer le bas-peuple du joug de leur puifTancc, pri–
( ilm
le, pani d'afhanchir les efclayes. Lou is le
Gros
Hhhhh
2
mon-