Table of Contents Table of Contents
Previous Page  315 / 892 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 315 / 892 Next Page
Page Background

ECO

cllefs ambitieux ou pufillanimes, que In mollefT"e ou

¡'orgueil ont perdus, aueun qui fe Coit mal trouvé de

n'etre lju'équitable, Mais on ne doit pas , confondre la

négligence avee IPo modération, oi la doueeur avee la

foibleae ,-

JI

faut etre Cévere pour

~tre

juae: Coutrrir

la

méchanceté qu'on a le droit

&

le pouvoie de répri–

mer, c'ea etre méchant Coi-meme_

Ce n'ea pas alrez de dire aux citayens, foyez bons;

ji,

faut lem apprendre

iI

l'~tre;

&

I'exemple meme , 'lui

ca

a cet égard la premiere lcc;:on, n'ea pas le Ceul

moyen qu'iI faille employer: I'amour de la patrie ea le

plus efficace

i

car comme je I'ai dé}a dit, tout hom–

me ea vertucux quand fa volonté particuliere ea cou–

forme en tout a la volonté générale,

&

nous voulolls

volonriers ce que veulem les gens que nous aimons,

JI

C.mble que le Cenriment de l'humanité s'évapore

&

s'atfoiblifT"e en s'étendam Cur toute la terre,

&

que

nous oe Caurioos etre touchés des calamités de la T ar–

tarie ou du Japoo, comme de celles d'un peuple eu–

ropéen ,

JI

faU[ en quelljue maoiere borner

&

compri–

mer I'illtéret

&

la commifération pour lui donoer de

l'aélivité, O r comme ce peoehant en nous ne peut

e–

Ire utile qu'a ceux nvec qui nous avoos a vivre, ¡¡

ea

bon que I'humanité coocentrée entre les conaitoyens,

prenoe en eux une nouvelle force par l'habitude de fe

voi, ,

&

par

I'int¿r~t

commun qui les réuoit.

JI

ea

certain que les plus graods prodiges de vertu ont été

produits par l'amour de la patrie: ce Cemiment doux

&

vif qui joint la force de l'amour propre

a

toute la beau–

lé de la vertu, lui donne une énergie qui fans la dé–

figurer, en fait la plus héro'ique de tautes les paffions,

c'ca lui qui produitit taor d'aélions immortelles dont

l'éclat ébloüit nos foibles yeux,

&

tant de grands hom–

mos dom les aotiques vertus pafTen t pour des fables

depuis que l'amour de la patrie en tourné en dérifion ,

Ne nous en étannons pas; les tranfports des creurs

teodres paroifT"em autant de chimeres a quieonque ne

res a point fentis;

&

l'amour de la patrie plus vif

&

plus délicieux cem fois que celoi d'une maitrell'e, oe

fe

con~oit

de

m~me

qu'en l'éprouvant; mais il

ea

ai–

fé de remarquer dans tous les ceeurS qu'¡¡ échauffe ,

dans toutes les aélions qu'il iofpire , eetre ardeur bouil–

lante

&

fublime dont ne brille pas la plus pure vertu

quand elle eo ea Céparée _ OCons oppofer Socrate mé–

me

a

Catan: l'un étoit plus philofophe,

&

l'autre plus

citoyeo, AtheDes étoit déJ' perdue,

&

Soerate o'avoit

plug de patrie que le moode enrier: Caton porta tol1-

j ours la tieone au fond de fon creor; il ne vivoit que

pour elle

&

De pUt lui furvivre, La vertu de Socrate

~a

eelle du plus fage des hommes : mais entre Céfar

&

Pompée, Catan femble un dieu parmi des mortels,

L'un innruit quelques particuliers, combat les fophi–

iles,

&

meun pour la vérité : I'autre défeod l'état, la

liberté , les lois contre les conquérans, du monde,

&

quitte eolin la terre quand il n'y voit plus de patlie

ii

fervir, U n digne éleve de Socrate Ceroit le plus ver–

tueux de fes contemporains; un digoe émule de Ca–

ton en Ceroit le plus grand , La vertu du premier fe–

roit fon bonheur, le Cecood chercheroit fon bonheur

daos cclui de tOUS, Nous Cerions 'in(\ruits par l'un

&

conduits par l'autre,

&

cela feul décideroit de la pré–

ferenee: car on n'a jamais fait uo peuple de Cages,

m ais il n'ea pas impoffible de rendre un peuple heu–

reux _

Voulotls-nous que les peuples foienl vertueux? com–

menc;:ons done par leur faire aimer la patrie: mais eom–

ment I'aimeront-ils , fi la patrie n'ea rien de plus pour

eux que pour des étrangers,

&

qu'elle ne leur accor–

de que ce qu'elle ne peut refufer

a

perloone? Ce fe–

r oit bien pis s'ils n'y joüiaoient pas m¿me de la sure–

lé civile,

&

que leurs biens, leur vie ou leur libené

fl1fTeot

a

la difcrétion des hommes puifTaus , fans qu'

ji

leue fU! pollible ou permis d'ofer reclamer les lois .

A lors CoOmis aux devrnrs de I'état civil, Cans joüir

m~me

des droits de l'éta! de oature

&

f.~ns

pouvoir

employer lems fOrEes pour Ce défendre , ils feroient par

conféquent dans la pire conditioD' ou Ce puiITem trou–

ver des hommes libres,

&

le mot de

patrie

ne pour–

roit avoir pour cux qu'un Cens odieux ou ridicule, II

ne faur pas eroire que l'ou puiITe offenCer ou cOl1per

un bras , que la douleur ne s'en porte 11 la tete;

&

il

n'e(\ pas plus croyable que la ,"olonté générale con–

fente qu'un membre de I' état quel qu'il Coit en blefT"e

ou détruife un autre, qu'il ne l'ef! 'tue les doigts d'un

homme ulaot de fa raifon aillent lui orever les yeux ,

La Cureté partieuliere ef! tellement Iiée avec la confé–

géfMion publique, que Cans les égards que ¡'on doit

a

ECO

In foibleffe humaine, eetre conventioo feroil dilfoute

par le droit, s'il périIToit dans l'état un f;,u l cilOyen

qu'on et1t pu Cecoucir ; fi 1'00 en rctenoit

a

tort un

feu l en prlCon,

&

s'il Ce perdoit nn feul proees avec

une iojuaice évidente: car les conventions fondamcn–

tales émnt enfreintes, on ne voit plus quel droil oi

quel inté";t pourroit maintenir le peuple dans I' union

fociale,

a

moins qu'¡¡ u'y fU! retenu par la fcule for–

ce qui fait la diO"olutioo de l'état civil ,

En cffet, I'engagement du corps de la nation n'ea–

il

pas de pourvoír

a

la .confervation du deroier de res

membres avec autant de foin qu'a ceIle de tOUS les

autres?

&

le Calut d'un citayen ea-il m oins

la

eau(e

commune que celui de tout I'état? Qu'on oous dife

qu'iI ea bon qu'un feul périfTe pour toUS, j'admirerai

cctre fentenee dans la bouche d'un digne

&

vertueuX

patriote qui Ce confaere volontairement

&

par devoir

a

l~

mort pour le

f.~lut

de Con pays: mais

r,

I'on elltend

qu'iI foit permis au gouvernement de Cacrifier un inno–

cent au falut de la multitude, je tiens eetre maxime

pom une des plus exécrables que jamai. la tyrannie ait

inventée, la plus faufT"e qu'on puilfe avancer, la plus

dangereufe qu'on puilfe admettre,

&

la plus direélemem

o?poCée au¡ lois foodamentales de la fociété _ Loit\ qu'un

feul doive périr pour tous, taus ont engagé leurs biens

&

leurs vies a la défenCe de chaeon d'eux , afin que

la foiblefT"e particuliere filt tollJours protégée par la for–

ce publique,

&

chaque membre par tout I'état. Apres

avoir par luppofition retranché du peuple un individu

apres l'autre, prelrez les putifans de eeue max ime

il

mieux expliquer ce qu'ils entendent par

le corPI de

I'é–

tat,

&

vous verrez qu'i1s le réduiront

a

la fin

a

un

pe!it nombre d'hommes qui ne Con! pas le peuple, mais

les officiers du peuple,

&

qui s'étRnt obligés par un fer–

mem particulier

a

périr cux-memcs pour Con (alm, pré–

tendent prouver par-la que c'efl

a

lui de périr pour le

lem _

Veut-on Irouver des exemples de la proteélion que

l'état doit

a

Ces

m embres,

&

du rerpeél qu'il doit

a

lems perfoones? ce o'ea que ehez les plus illu{lres

&

les plus courageufes nations de la lerre qu'i1 fauI les

chercher,

&

íl

n'y a guere que les peuples libres ou

l'on fache ce que I'aut un homme, A Sparte,

00

Cait

en qu(lIe perplexité fe trouvoit toute la république 10rC–

qu'il étoit queaion de punir un citoyen coupablc, Etl

Macédoine, la vie d'un homme étoit une affaire

fi

im–

portante, que dans toute la grandem d' Alexandre, ce

puilfant monarque n'eut oCé de Cang froid faire mourir

un Maeédooien crimittel, que l'aecuCé o'eut comparu

pour Ce défendre devallt fes concitoyeos,

&

n'eut été

comdamné par eux, Mais les Romains Ce diaillgue.rem

au-de(fus de tous les peuples de la terre par les égards

du gouvcrnement pour les particuliers,

&

par ('on at–

tention CcrupuleuCe

J

refpetler les droits inviolables de

tous les membres de ¡'éta! ,

JI

n'y avoit rien de fi Ca–

eré que la vie des li m pies citayens ;

iI

neofalloi t pas

m oi ns que I'alremblée de tout le people pour en con–

damner un : le [énat meme ni les con(úls, dans toute

leur majeaé , _n'en avoienr pas le droit,

&

chez le plus

puiITant peuple du monde le crime

&

la peine d"uo

citoycn était une defolation publique ;- aulli parut- il

li

dur d'eu verCer le fang pour quelque crime que ce pll!

~tre,

que par la loi

Porcia

la peine de mort Cut commuée

en celle de I'exil, pour tous ceux qui voudroiem Cur–

vivre

a

la perte d'une

fi

douee patrie, Tout reCpiroit

a

Rome

&

dans les armées eet amonr des concitoyen$

les uns pour les autres

,&

ce refpeél pour le nom ro –

main

q~i

élevoit le courage

&

animoit

la

Vertu de qui–

conque

avoi!

l'honneur de le porter , Le chapeau d'un

citoyeo

déliv.ré

d'efclavagc, la eouronne civique de ce–

lni qui avoi! fauvé la vie a un autre, étoient c<> qu'on

regardoit avec le plus de pllifir dans la pompe des

triomphes;

&

il ea

a

remarquer que des eomonnes dont

on honoroi!

a

la gueere les belles aélions, iI n'y avoit

que) la civique

&

celle des triomphateurs qui fullent

d'herbe

&

de feui lles, toutes les autres n'étaient que

d'or,

C'ea

ainíi que Rome fut venueufe,

&

devint

la maltreITe du monde, Chefs ambitieux! Un patre

gouveroe fes chiens

&

fes troupeaux ,

&

n'ea que te

dernier des hommes. S'il

ea

beau de eommander , c'eft

quand ccux qui nous obéillenr peuvem nous honorer:

reCpeélez donc vos concitayeos,

&

vous vous rendrez

eeCpeélables ; refpeéle7. la liberté,

&

votre puilTanee aug–

mentera tous les Joms: ne paaez jamais vos drClits,

&

bien-tOt i1s Cerom Cans bornes,

Que la patrie fe momre la mere eornmune des

ci–

toyens, que les avamages dont iLI joüilrcnt daos

Icu~,

pa~~

\