74-2
CON ·
Ce
quí • donné
a
cet égard I'avantage au:t íMes de
quantité, c'eil :
1°.
Qu'on pent les repréfenter par des marques feofi–
bies, qUI ont uoe plus grande
&
plus étroite correfpon- .
dance avec elles, que quelques mots ou fens qu'on puifie
imagtner .
D es
fi gures tracées fur le papíer funt autaut
de copies des idées qu'un a daos I'efprit,
&
qui ne font
pas fujettes
ii
¡'incenitude que les m ots ont dans leur
1ignification. Un angle, un cerele, ou 1)n quarré qu'on
trace avee des ligoes, parolt
a
la v\1e, f.1ns qu'on pui(Je
s'y mél1reodre, il demeure iovariable ,
&
peut €tre eoo–
lideré
a
loifir ; 00 peut revoir la démooilratioo qu'on
a faite (ur (00 (ujet ,
&
en eonfidérer plus d' une fois
touces les parties, r.1ns qu'il y ait aucun danger que les
idées changeot le m oios du monde, On ne peut pas fai–
re la m e me cho Ce
i\
I'égard des idées m orales ; cnT nous
n 'avons point de marques Cenfibles qui les repréCentent,
&
par ou nous puimoos les expo(er aux yeux.
N
ons
n'a voos que des mots pour les exprimer ; mais quoi–
que ces mots reilent les m emes quand ils
Cont
écrits ,
cependant les idé" qu'ils fignifient, peuveot varier daos
le m éme homme ;
&
iI
ea fotl rare qu'elles ne foient
pas différentes en différentes perConoes.
2°.
Une au tre choCe qui cauCe une plus grande ditTi–
cu!té dans la morale, c'eil que les idées morales Com
ordinairemeot plus complexes que celles des figures, qu'
on con li dere ordinaire ment dans les Mathématiques; d'ou
naiOent ces deux ioconvéniens: le premier , que les noms
des idées morales oot uoe figoifieation plus incenaine ,
parce qu'on ne convieot pas
(j
ai(émeot de la col/cétion
d'idécs limpies qu'ils fignifiem préciCément ;
&
par con–
féqucot le figne qu'on met toGjours
a
leur place, 10rC–
qu'on ,'entretient avec d'autres perCoones ,
&
Couvent el!
m éditaO! eo Coi-meme , o'emporte pas conilamment a–
vec lui la
meme
idée. Un atUre
inconvénient
qui
nait
d e la complication des idées morales ,
e~efl
que l'eCprit
nc rauroit retenir aiCémcnt ces combinaiCons préeiCes d'n·
ne maniere aum
e~aét~
&
auni pnrfaite qu'il eil
nécei~
faire pour cxamiocr les rapports, les
COll\'ennIlCcs ,
ou
les difconvcnallces
d f!
plulieurs de ces idc!es comparées
l'une
a
I'autre;
&
(m-tout lorfqu'on n'eo peut jnger
que par de longues déduétions ,
&
par l'iorervelllion de
plufieurs nutres idées complexes , .dont on. fe fert pour
m ontrer la conveoance de deux Idées élolgnées, 1I en
d onc een aio que les vérités morales out uoe étroite liai–
foo les uoes avee les autres, qu'elles décou lent d'idées
e1aires
&
diilinétes par des eonCéqueoees lIécelfaires ,
&
que par conCéquent eHes peu vem etre
démontrée~.
3°.
Quaot
a
la
connoijfance
que nous avons
de
I'exi–
n enee réelle
&
aéluelle des choCes , el le s'étend fu r beau–
c oup de chotes. Naus avo ns une
connoiffance
intuitive
de norce
cxifience,
'lJoyez le Di(cottrs Prélimjnairc :
une
connoii!ance
démonilrative de I'exiilence de Dieu;
'Voy.
D r
E U:
une
C01lnoijfllncc
fenfitive de touS les objets
qui frappent oos Cells ;
&
une teflimoniale de plufieurs
évenemens qui font parveousjufqu'a naus , 3-tr3Vers
re–
fpace des fieeles , purs
&
Cans altération .
17.
'iI
E' R
J
TE'.
JI ef! eooila'nt, par tout ce que nous veoom de dire ,
qu'il y a des
connoijfa"cel
eertaines , puilque nom ap–
percevoos de la convenance ou de la diCconvenaoce en–
tre plufieurs de nos idées. Mais toutes oos
connoiJJi",–
cel
Com-eHes réelles ? qui peu t r.woir ce que fom ces
¡dées, dont nous voyons la coovenance ou la diCeoove–
n ance?
r
a-t-il rico de li extravagant que les imagina–
lions qUl (e forment dans le cerv ean des hommes ? ou
eil celui qu i n'a pas qne lque chimere dans la tete?
&
s'il
y
a un homme d'un Cens railis
&
d'un jugement tour·lI-fait
1olide , quelle différence y aura-t-i1, en vcnn de nos re–
gles, eotre la
connoi(fnnce
d'un tel homme
&
eelle de I'e–
fprit le plus ex travagant du mOllde? lIs om touS deux
leurs idées;
&
ils
apper~oivent
tous deux la convenance
ou la diCconvenance qui eil entre elles .' Si ces idées difre–
reot par quelque cndroit, tout I'avantage Cera
dtl
c/lté
d e celui qui a I'illlagination la plus échauffée , parce qu'
il
a
des idées plus vives
&
en plus grand nombre; de
forte que Celon nos propres regles, il aura auni plus de
connoijfm1Ce ,
S' i1 efl vrai que toute la
connoi !m1Ce
con -
1iile dans la pereeption de la eonvcnance o n de l. di–
feooven.nee de nos propres idées , il
Y
aura autant de
certitude daos les vifions d'un enthouGaae, que dans les
raiCoonemeos d'un hornrne de boo Ceos .
l\
n'importe ce
que les choCes Cont en
ellcs-m~mes ,
pourvu qn'un ho m–
me obCerve la coovenanee de Ces prGlpres imag inations ,
&
qu' il parle coo(équemment; ce qu'i1 dit eil cen aio,
c'ell la vérité tou te pure. T ous ces ch{lteaux biltis en
rair Cerom d'au ni fones retraites de la vérité, que les
démonilrations
mat~ématiq\1q .
Mais ·de quel uCage fera
CON
loute celte bellt
eo"noijfllnte
des imaginations des horn–
m,·s, 3 celni qui cherche , s'ioilruire de la réalité des
cho(es? qu'impone de Ca" oir c.e que rom les f.1ntaifies
des hommes? ce n'eil que la
connoijfancc
des chofe s
qu'on doit eaimer; c'en cela Ceul 'luí donne 9u prix
:1
nos raifonnemens,
&
qui fair préferer la
&onnoi{{4nCt
de ce que les choCes COn! réellement en elles-méi"es
il
une
connoi.f!ance
de fooges
&
de ,';fioos. Voilií la dif–
fículté propoCée dans toute f.1 force par M , Lockc . Voi–
ci comme il y tépond .
S i la
connoii!ance
que nons avons de nos idées (e
termioe
:l
ces idées Cans s'''tendre plus avaot lor(qu'on
fe · propofe quelque chofe de plus, nos plus (érieufes pen–
(ées ne (eronl pas d' un beaucoup plus grand uCage que
les r<veries d'un cerveau déréglé;
&
les vérités fond ées
fur ceUe
connoii!llnc",
ue Ceroftt pas d'un plus grnnd
poids qne les diCcours d'un homme qui voit clairement
les choCes en (ooge,
&
les débite avec une extreme
confiancc;
v e/ut
tegr-¡
fomnia , 'lJtlnte fingentur'
[pecin.
1I ea évident que l'eCprit oe connolt pas les
choCes
immédiatement, mais par I'intervention des idées qui
les lui repréCentent ;
&
par conféquent notr.e
••
""oijfance
n'el1 'réelle, qu'nutant qu'i1
y
:1
de
la
conformité efl(fe
nos idées
&
la ré:ilité des chofes. M aís 'quel fera ici na–
rre
criterion?
comment
I
'cfprit , qui n'apperc;oit J'1ien que
Ce~
propres idées , cooooltra-t-i1 qu'elles conviennent a"ee
les cho Ces m emes? Quoique cela ne Cemble pas exempt
de ditTiculté , on peut pounant am)rer avee toute la cer–
titude pomb!e , qu'il y a du moins deul<' fones d'idées,
qui Com conformes aux choCes.
L es premieres foot les idécs fimples; car ¡>DiCque I'e–
(pdt nc C.uroit e.n aucunc
fa~on
(e les former
:l
lui-me–
me, il fam oécelf.irement qu'elles Coient produites par
des choCes qui agilfent naturellement (ur
I ~e(prit,
& Y
foo t naitre les perceptions auxquelles elles Cout propor–
tionnées par la Cagelre de celu i qui nous a faits. !I s'en–
Cuit de-la que les iMes fimples ne (om pas des 6étions
de notre propre imagioation, mais des produétions oatu–
relles
&
régulieres de choCes exiilames hors de nous ,
qui operent réellement fu r oous;
&
qU'ainu elles OOt
toute la cooformilé
¡¡
quoi e\les fom deOinées, ou que
notre état exige : car elles nous repréfentent les chof..
fous les appnrellces que les ehoCes fOn! capables de pro–
duire en naus; par
eu
nous devenons capables nau
-m~mes de diílinguer les eCpcces des Cubilances partieulie–
res, de diCcerner l'ét:lI ou elles fe trouvent,
&
par ce
moyen de les appliquer
a
notre uCage. Aiofi I'idée de
blancheur ou d 'amertume, telle qu'elle eil dans I'e(prit,
étant· exaétcment conforme
a
la puifraoce qui en daos
un corps d'y produi,e une telle idée, a toute la confor–
m iré réelle qu'elle PCut ou doit avoir
a~ee
les choCes
qui ex iilem hors de nous ;
&
ceuc conformité qui fe
trou"e clltre nos idées fimples
&
I'exiilencc des choCes,
futTit pour nous donoer une
connoii!an<c
réelle.
En Cecood lieu, toutes DOS idé<s complexes , excepté
celles des Cubilances, étaot des archetypes que I'efprit a
for més lui-meme , qu'il n'a pas deilillés
a
elre
des co–
pies de quoi que ce foit, ni rapportés
:l
I'exiflence d'au–
cunes choCes comme
a
leurs originaux, elles ne pcuvem
mallquer d'avoir tome la contbrmiré nécelfaire
ii
une
connoijfllnce
réellc : car ce qui n'cil pas defliné
:l
repré–
Ccnter autre choCe que Coi-mem e , ne peut erre capable
d'ulI" faulfe repréCentatioo . Or excepté les idées d<s
fubllances, telles follt toutes nos idées eomplexes, qui
fOllt des combinaiCons d'idées, que l'eCprit j oim enCem–
blc par un libre choix, Cans examiner fi elles om aueu–
Ile liaiCoo dans la nature . De-\ií viem que toutes les i–
dées de cet Glrdre
COO~
elles-memes eOllfidérées eomme
des archetypcs,
&
les chores ne foO! conlidérées qu'cn
tant qu'elles y (Ollt cooformes ._Par conCéquent toute no–
tre
connoii!ance
toucham ces idées eil réellc,
&
,'étend
ay" choCes m €mes; parce que dam toutes oos penCé".,
dans tous nos raifonnemens,
&
daos tous nos diCcoors
fur ces Cones d'idées, nous n'avons delfein de cOllfidé–
rer les
choCes
qu'aurant qu'elles (ont conformes
it
1I0S
idées;
&
par conféquem oous lIe pouvons mauquer d'ac–
quérir fur
ce
(uJet unc réalité ,enaine
&
indubitable .
Quoique tonte notre
connoijfan",
en fait de l'vlathé–
matiqnes , rou le uniquement lur nos propres idées, on
pont dire eependaot qu'elle eil rée\le,
&
que ce oe Coot
poim de fimples vifions ,
&
des chimeres d'uo ccrveau
fenile en imaginations frivoles . L e M athémnticien eIa–
minc la "<frité
&
les propriétés qui appartie\ll1eot
a
un
reéb ngle ou
~
UI1
cerele ,
it
les coo lidérer feulement
tel qu'i1s COO! en idée dans fon eCprit; car peut-etre
n'a-t-il jamais trouvé en Ca vie au'cuoe de ces figures
qui Coien! mathématiquement,
c'eil-~-dire ,
préciCétnent
&
exa-