ATT
IIOUS, plus llOUS pOUrrOllS acquérir un
gr~nd
nom!>re
des idées panieulieres , qui Con t Gontenues dans I'idée
eomplexe de ce que nous examinons. La meme cho–
fe a !ieu par cappOrt a ce dont nous avons uue per–
ception immédiate,
Coit
qu'il s'agiffe de ce qui Ce palfe
dans notre ame,
Coit
que nous comparions des idées
déJa acquiCes. A I'égard de ces dernieres , il efl elair
que íi nous conlidérons pendant long-tems
&
avec
at–
,ention
deux idées compoC¿es,
LlOUS
découvrirons un
plus grand nombre de relatioos entre les idées parti–
culieres qlli les compoCent.
L'attmtion
efl, pour ainíi
dire, une eCpece 'de microCcope qui groflit les objets,
&
qui nous y falt appereevoir mille propriétés qui échap–
pem
a
une vue diflraite.
Pour augmemer
I'attwt;o,."
il
fam avant tout éear–
ter ce qui pourroit la troubler; eoCuite iI faut ehercher
des leeours pour I'aider.
P.
Les Cenrations fom un obflncle
a
I'attmt;on
que
nous vouloos donner aux objets qui oecupent notre
imagination;
&
le meilleur moyen de eonCerver cene
.ttent;on,
e'efl d'éearter tous les objets qui pourroieot
agie
Cue
nos Cens,
&
de bannir de notre imagination
tOut ce qui la remue trop vivement. Les fenCatioos
obCeurciffent, effacent,
&
fom éclipCer les aéles de
l'imagination, comme le prouve I'expérience. Vous
avez
va
hier un tableau dont vous vous rappellez aélucl–
lement I'idée: mais au mcme momellt un antre ta!>leau
feappe votre vüé,
&
chnlfe par Con impreffion I'image
qui vous occupoit intérieurement. Un prédicateur Cuit
de mémoire le fil de Con diCcours ; uu objet fingulier
s'offre a Ces regareis, Con
aetent;."
s'y Iivre, il s'éga–
re,
&
cherche inutilement la Cuite de fes idées.
11
efl
donc elfelHiel de préCerver Ces Cens des impreffions ex–
térieures, 10rCqu'on veut loutenir Coo
attent;o,. .
De-la
ces orateurs qui réciteut les yeu! fermés ou diri¡¡és
vers quelque point fixe
&
immobile. De-U les Coms
d'un homme de lemes, pour
plac~r
foo cabinet daos
quelqu'endroit retiré
&
tranquille. De-la le Cucces des
études de la ouit, puiCqu'il regoe alors uo graod cal–
me par-tout.
Le tumulte de
l'ima~ination
n'efl pas moios nuiíible
a
l'ateention
que celul des Ceos. A I'i/lue d'un Cpe–
élacle
il
vous efl difficile de reprendre vos étudt!s;
vous etes daos le meme c:¡s le lendemain d'une grande
partie de divertiffement, dont les idées Ce renoovellent
avee vivacité;
&
en général toutes les fois que nous
fommes fortement occupés de plulíeurs objets brillans,
fonores , ou propres
¡¡
faire quelqu'autre imprellion [ur
nos feos.
Les modilications de I'ame om trois caufes, les
fens, I'imagination,
&
les palli.ons. Tous ceux' qui
veulent s'appliquer Coignenrement
¡¡
la recherche de la
vérité, doi vent avoir un grand Coin d'éviter, autant que
cela fe peut toutes les CenCations rrop fortes, comme
le grand bruit, la lumiere trop vive, le plailir, la dou–
leur,
&
c.
lis doi vent veiller fans ce/le a la pureté de
leur imagioation,
&
empecher qu'il ne
Ce
trace dans
leur cerveau de ces vefliges profonds qui inquietent
&
qui dillipeLlt continuellemellt l'efprit. Enlin ils doivent
fur-tout arreter les mouvemens des pallions, qui fom
dans le corps
&
dans I'ame des impreffions
fi
puilfan–
tes, qu'iI ell d'ordinaire comme impoflible que l'eCprit
penfe • d'autres choCes qu'aux objets qui les excitent.
Né:lI1moins 011 peut fair,e uCage des paffions
&
des Ceos
pour conrerver
I'attent;on
de l'eCprit.
Les paflions dont il efl utile de Ce fervir, dit le P.
Malebranche, pour s'exciter
a
la reeherche de la vérité,
font ccl)es qui donnem la force
&
le courage de Cur–
monter la peine que I'on trouve " Ce rendre
atteneif.
11
y en a de bonnes
&
de mauvaiCes; de bonnes" com–
me le delir de trouver la vérité, d'acqoérir affe:!. de
lumiere pour
Ce
conduire, de Ce rendre utile au pro–
chain,
&
quelques autres Cemblables; de mauvaiCes ou
de dangereuCes, comme le defir d'acqué'rir de la répu–
latioo, de [e faire quelqu'établierement, de s'élever au–
de()us de Ces femblables,
&
quelques autres encore plus
déréglées .
Daos le malheureux état
011
oous Commes, il arrive
fouvent que les paflions les moins raironnahles nous por–
tent plus vivemeot a la reeherche de la vérité,
&
nous
conColent plus agréablement dans les peines que oous
y
trou vons, que les pallions les plus jufles
&
les plus
raiConoables. La vanité, par exemple, nous agite beau–
coup plus que I'amour de la vétité. La vilc confufe
de quelque gloire qui nous envirOllne 10rCque nous dé–
~itons
nos opioioos, nous fo;ltiem le courage daos les
ATT
ét1.1des
m~me
les plus flériles
&
les plus ennuyeulés.
Mais
ti
par harard nOlls 1I0US trou vons éloigné de ce
petit tfOupeau qui nous applanditToit , notre ardeu" Ce
refroidit aufli-tl'>t : les études mcme les plus (olides
n'ont. plus d'amait pour
nou~;
le dégout, l'ennui, le
chagrtn nous prend . La vanlté triomphoit de notre pa–
relTe naturelle, mais la parelfe triomphe
a
Con tour de
l'amour de la
vé~ité
; car la vaoité réGfle quelquefois
a
la parelfe, mals la pareere efl preCque toujours vi–
élorieuCe de I'amour de la vérité.
Cependant la paflion pour la gloire, quand elle eft
réglée, peut Cervir beaueoup
;¡
fortitier l'
attent;o"
.
Cet–
te paflioo,
¡¡
elle Ce trouve joime avec . un amour fin–
eere de la vérité
&
de la vertu, efl digne de loiian–
ges,
&
ne manque jamais de produire d'utiles efftts_
Rien ne fortitie plus l'eCprit
&
n'encourage davantnge
les talens a Ce développer, que I'efpérance de vivre
daos le Couvenir des hommes; mais il eft difficile que
celte paflion
Ce
contienne dans les bornes que lui pre–
fcrit la raiCoo;
&
quand uoe fois elle vient
¡¡
les paC–
fer, au lieu d'aider l'eCprit dans la recherche de la vé–
rité, elle I'aveugle étrangement
&
lui fait mEme croi–
re que les chofes Coot comme il Couhaite qu'elles foient,
JI
efl certain qu'il n'y auroit pas ea tam de fau(fes io·
"emioos
&
tant de découvertes imaginaires, íi les hom–
mes oe Ce llliffoient poim étourdir par des déíirs al'"'
deos de paroltre invcnteurs.
La paffion ne doit Cervir qu" r¿veiller
l'atte1lt;on:
mais elle produit tou jours Ces propres idées,
&
elle
pouffe vivement la volomé a juger des chofes par ces
idées qui la toucHent, plilt6t que par les idées pures
&
abilraites de la vériré, qui ne la toucheot pas.
La Ceconde fource d'Oll )'on pel1t tirer quelque
-ji!–
cours pour rendre l'eCprit atteÍltif, Coot les feos. Les
fcnCations Com les moditications propres de I'ame; les
idées pures de l'eCprit Com quelque chole de diH"rent :
les
[enf~tions
réveil leot dooe notre
ateent;on
d'une ma–
n'lere beaueoup plus vive que les idées pures. Daos
toutes les queftions ou l'imagination
&
les Cens n'ont
rien
:i
faiíir, l'cCprit s'évapore dans [es propres pen–
fées. Taot d'idées abflraites, dont
iI
fam réunir
&
com–
biner les rapportS, accablent la raiCon; leur fllbtilit6
l'ébloüit, leur étendue la diflipe, leur molange la con–
fond. L'ame épuifée par Ces ré8exions, relOmbe fur
elle-meme,
&
laiffe fes penfées lIotter
&
fe Cuivre Can!O
rea le
Cans force
&
fans direélioo: un homme pro –
f()~dé:nent
concentré en lui-meme n'efl pas toüjours le
plus a([emif. Comme nos Cens font une Cource fécon–
de 00 nous pui(ons nos idées,
iI
ea évielent que
le~
objets qui Com ks plus propres a exercer nos Cens.
fom auffi les plus propres a Coutenir notre
atttntion;
c'efl ponr cela que les Géometres clpriment par des
liglles Cenlibles les proportions qui [om entrc les gran–
deurs qu'ils veulem confidérer. En
tra~aot
ces lignes
fur le papier, ils traeeot, pour ainíi dire, dans leur
crprit les idées qui
y
répondent; ils Ce les rendel'lt plus
familieres, Farce qu'ils les Centem en meme tems. qu'
ils les
con~oivent.
La véri!é, pOllr entrer dans notre
erprit, a befoin d'une eCpece d'éclat. L'erprit oe peut,
s'il efl permis de parler ainíi, tixcr Ca vue vers elle.
íi elle n'cfl reverue de couleurs Cenfibles . Il faut tel–
lemeot tempérer I'éc\at dont elle hrille , qu'il ne nOU$
arr.':te pas trop all Cenfible; mais qu'iI puiffe Ceulement
foutenir notre efprit dalls la contemplation des vérités
purement intelligibles.
Si quelqu'un doutoit eocore que les lens Coient pro–
pres a Coutenir
&
a
tixer notre
atecnt;on
vers un ob–
jet, j'appellcrois
a
mon Cecours I'expérience. En eHet.
qu'on fe recueille dans le filence
&
dans l'obCcurité,
le plus petit bruit ou la moindre lueur Cuffira pour di–
flraire,
ti
I'on efl frappé de I'un ou de I'alltre, au mo–
ment qu'on ne s'y altendoit point: c'efl que les idées
dont on s'occupe Ce lient naturellement avec la fima–
tion ou l'on le trouve;
&
qu'en conféquence les per–
ceptions qui fom contraires " cette íituation ne peu–
vent furvenir, qu'aulli-t6t I'ordre des iMes De Coit trou–
blé.
0\1
peut remarquer la meme chofe daos one Cup–
poíitioo toute différeote: fi pendant le jour
&
au mi–
lieu du bruit je réfléchis fur un objet, c'en Cera alfe:!.
poor me donner une diltraélion: que la lumiere ou le
bruit ceere tout-a-coup, daos ce cas, comme dans le
premier, les nouvelles perceptions que j'éprouve Cont
tout-a-fait contraires
l'état ou j'étois auparavaot, l'im–
preffion fubite qui Ce fait en moi doit done encore in–
terrompre la [uite de mes idées.
Cette Ceaonde expérience fait voir que la lumiere
lit
le bruit ne fOllt pas un obilacle
a
1'''U~n';ol1.
JI!
crols·
me-