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ATH
qui par un principe de religion Ce croyent indifpenCa–
blement obligés d'aimer les autres hommes,
&
oon pas
a
des gens qui ne fauroient raironnablement aameure
aucune loi naturelle, linon l'amour le plus groffier. Le
feul égard auquel la vertu peur avojr une beauré ef–
fentielk pour un incrédule, c'e(l lo rfqu'elle e(l polfé'
dée
&
exercée par les' aurres hommes,
&
que par-la el–
le Cere pour aiuli dire d'aCyle aux vices du libertin : ainli,
pour s'exprimer intelligiblclJ1ent, les incrédules deyroi–
em fourenir qu':! tout prcndre, la yertu e(l pour cha–
que individu humain, plus urile que le vice, '
&
plus
proprc
:i
1l0US cOllduire vcrS le néant d'une maniere
eommode
&
agréable. Mais c
'elt.eequ'ils ne prouyeront
jamais . De la maniere dont les hommes Cont fairs, il
leur en coure bcaucoup plus pour fuivre fcrupuleufe–
m ent la vertu, que pour fe laifler aller au cours im–
péruel1x
cie
leurs penchaus. La vcrtu dans ce moude
efl ol>ligée de lurter fans cerfe contre mille obltacles
qui achaq ue pas I'arrerenr; elle cfl traverCée par un
tcmpérame.1t indoci\e,
&
par des pamolls fougueufes ;
m ille objcts Céduéteurs détouruent fon auentipn; tanten ,
viébrieurt
&
tantÓr vaincue, elle ne trouye
&
dans fes
défaires
&
daos res viétoires, que des fources de nou–
velles guerres , dont elle nc prévoít pas la tin . Une
telle firuariou n'efl pas feulcmenr rrifle
&
mortitiall~e;
il me femble meme qu'elle doir elre inCupportable,
ii
moins qu'elle ne foir fourenue ,par des morifs de la
derniere force; en un mor, par des motifs aum puif–
faos que ceux ,¡u'on tire de
la
religion .
Par conféquem, quand meme un
ath!e
11e douteroit
pas qu'une vertn qui joüit rr:mquillement du fmit de
fes combats , ne foil plus aimable
&
plus utile que le
vice, il feroir prerqu'impomble qu'i1 y put jamais par–
veuir.
Pl a~oos
un tel homme d:Hls I'age ou d'ordinai–
re le ereur prend Con parti,
&
commence
ii
former
fon careétere ; donnons-Iui, cQmme
a
un autre hotl'l–
m e,
u~
rempérantr;llt , dcs
pafl!on~,
un certain degré
de lumtere. JI déilbere avee ¡ut'meme s'i l s'abandon–
neta au vice, ou s'il s'anachera
a
la
vertu. D ans cene
fituation il me Cemble qu'il doit raironner
a
peu pres
de cette maniere. " Je n'ai qu'une idée confu[c que la
" verru tranquilIement polTédée , pourroit bien etre pré–
" férable allX agrémens du vice; mais je fens que le
" vice efl aimable, utile, fécond en feofatioos délicieu–
" fes; je vois pounant que dans plufieurs occafions
iI
expoCe
ii
de f1cheux inconvéniens: mais la vertll me
" parolt fujene en mille renconrres a des incoovéniens
" du moins aum terribles . D'un autre c6té je com–
" ptens parfaitement bien que la route de la vertu e(l
cfcarpée,
&
qu'oo n'y avance qu'eo fe
g~nant,
qu'en
" Ce conrraignam; il me r.1udra des années entieres , a–
" vant que de voir le ehemin s'applaoir fous mes pas,
" &
avanr que je puilfe joüir des effets d' un fi rude
travail. Ma premiere jeunerfe, cct áge ou I'on g011-
" te toutes fortes de pIaifirs avec le plus de vivacité
" &
de ravilfemenr; ne fera employé qu'a des efforts
" aum rudes que eominucls. Quel efl done le geaod
" morif qui doi¡ me porter
i\
tam de peine
& ii
de ti
" cruels embarras? Ceronr-ce les délices qlli Cortent du
" fond de la vertu ? mais je n'ai de ees délices qu'une
trés· foible idée. D'ailleurs je n'ai qu'une efpece d'e–
" xillence d'emprunt. Si je pouvois me promettre de
" joüir pendant un grand nombre de fiecles de la fé–
licité attachée
i\
la vertu, j'aurois raifon de ramalfer
toutes les forees de mon :lIue, pour m'aOOrer un
" bonheur fi digne de mes recherches : mais je ne fuis
" fUr de mon etre que durant un Ceul inflant; peut–
" etre que le premier pas que je ferai dans le chemin
" de ,.Ia vertu., me préeipltera dans le tombenu. Quoi
" qu II cn fon, le néanr m'anend dans un petit nom–
"bre d'années; la mort me Cnilita peut-étre lorf.
que je commencerai
a
gouter les
cha~mes
'de la
" vertu. Cependant toute mn vie fe fera écoulée
"
~al)s
le.
~ravail
&
dalls le
de~agrément:
ue feroit-
I~
pas ndlcul.e que pour une fébeieé peuH'!ere chimé–
" nque.,
&
qUl,
~
elle cfl réelIe, n'exif1era
p~l1t-t'ere
" ;amals pOl1r mOl, Je
renon~alTe
i\
des plailirs préfens,
" ,'ers leCquels mes pamons m'enrrnlnenr
&
qui [Ollt
" de
(j
f.1cile acces, que je dois cmployer ¡outes le.
" forces de ma raifon pour m'en éloigner? N on: le
" momcm Otl j'exille e(l le feul dollt la porfeffion me
" foit arftlrée; il en raiConnable que j'y faifilTe tous les
" agrémens que je puis y rarfembler".
11
me
Cemble
qll'i1 feroir difficile de trouver dans ce
raiConnemene d'un jeune eCprir fort, un défaut de pru'
dence, ou un manque
~e"
jl1nerfe d'efprit. Le vice con–
,h~it
!l.vec un peu de prudence, l'emporte infinimellt [ur
ATH
une vertu exaéte qui o'efl poiut foutenue de la con/ó–
lance. idée d'un
':.t~e
Cuprcme . Un
atbée
fag.: économe
du VIce , pcut JOUlr de tous les avalltages qu'il elt pof–
fibile de puifer dans la vcrtu
coo(jdéré~
en
elle-m~me'
&
en meme tems
iI
peut évirer tous les inconvenien;
a.ttach~s
au vice
i~prudent
&
a
.Ia rigide vertu . Epicu–
nen clrconfpeét ,
11
ne refufera nen
a
fes defirs. Aime–
¡-i1 la bonne chere?
il
conrentera cette pamon autallt
que fa fortuoe
&
fa Canté le lui permettront·
&
il fe
fera tlne étude de fe conferver toujours en ér;t de gou–
ter les memes plailirs, avec le' meme ménagement. La
gaieté que le vio répand dans I'ame a+elle de grand!>
charmes pour loi?
il
erfayera les forces de Con tempé–
rament,
&
iI
obCervera jufqu'iI quel degré
il
peut Cou–
tenir les délicieufes vapeurs d'un commencement d'i–
vrerfe. En un mot
il
fe formera un fyfleme de tem–
pérance voluptucuCe, qui puirfe étenere fur tO\1S les
jours de fa vie, des plaifirs non interrompus. Son pen–
chant favori le porte-t-il auX déJices de I'amour? il
employera toutes fortes de voies pour furprendre la fim–
plicité
&
poue féduire I'innocence. Quelle raiCoo aura-t-il
Cur·toue de refpeéter le Cacré lien du mariage? Se fera–
t-i1
un
fcropule de dérober
a
un mari ,le creur de fon
épouCe, doot un contrat autorifé par les lois lia mis
feul en poíIeffion? Nullement: Con intédt veut qu'il
fe régle plutÓt fur les lois de Ces defirs,
&
que pro–
titant des agrémeJlS du mariage, il en lailTe le fardeau
au malheureux époux.
II
efl aifé de voir par ce que je viens de dire, qtl'u–
ne conduite prudente, mais facile , fuffit pour fe procu–
rer fans rifqne mille plaifirs, en maoquam iI propos de
candeur, de iunice, d'é(¡uité, de générofité, d'huma–
niré, de reconnoiílance,
&
de tout ce qu'on reCpeéte
fous I'idée de vertu. Qu'avcc tout cet enchalnement de
commodités
&
de plailirs, done le vice artiticieofemenc
cond.uit ell une lource imarilfable, on merte en paral–
lele tous les avantages qu'on peut Ce ptomettre d'une
vertu qui fe trouve bornée aux efpérances de la vie
préCente;
il
ea
éyidcnt que le
vi~e
aura Cur elle
de
grands avantages,
&
qu'il influera beaucoup plus qu'cJ–
le Cur le bonheur de chaque homme en particulier. Eo
effet, quoiq'ue la prudente joüiflilOce des
plaifirs
des fens
puilfe s'all ier julqu
'¡¡
un certo;n degré a
vec
la vertu
m~me,
combien de
Cources
de ces plhifirs n'ea ·elle pas
obligée de fermer? Gombien d'occa/ions de les gotlter
ne fe controiDc-elle pas de négliger
&
d'écarter de fon
chem;n
?
Si elle fe trouve dans la proCpérité
&
dans
I'aboodance, j'avoue qu'elle y elt alfe?
a
Con aife .
I1
elt certain pourrant que dans les memes circon!l:ances,
le vice habilemenr mis en reuvre a encore des libertés
intinimeot plus grandes: mais I'appui des biens de la
fortune manque·:-il
a
la ver
tu
? rieo n'efl plus deflitué
de relTouTces que cette trille fagelfe.
11
efl vrai que
fi
1:1
malfe générale des hommes éroit beaucoup plus é–
elai¡ée
&
dévoüée
ii
la fagelfe, une conduite réguliere
&
ven':leuCe feroit un moyen de parvenir
ii
une vie dou–
ce
&
commode: mais
iI
n'en elt pus ainli des hommes;
le vice
&
I'ignorance l'emportellt, dans la fociété hu:"
maine, fur
les
lumieres
&
fur la fagelfe . C'ell-Iii ce
qui ferme le chemin de la forrULle aux gens de
bi.en,
&
qui I'élargit pour une eCpece de fages vicieux.
Un
nth!e
fe Cem un amour biCarre pour la vertu, il s'aime
pourtnm: la balfeiTe, la pau vreté, le mépris , lui paroif–
fem des maux véritables; le crédir , I'autorité , les ri–
cherfcs, s'offrent
a
Ces defirs comme des biens dignes de
fes recherches. Suppofor.s qu'en 3chetant pour une fom–
me modique la proteétion d'un grand fcigneur, un hom–
me puilfe obtenir malgré les loís une charge propre
a
lui donner un rang dans le monde,
a
le faire vivre
dans I'opulellce, a établir
&
a
f011tenir fa famille.
M~is
peut·il fe réroudre
ii
employer un fi coupable moye?
de s'arfarer uo de!l:in brillant
&
commode? N on:
11
efl forcé de négliger un avantage fi conlidérable, qui
fera faifi avec avidité par un homme qui dérache la
religion de la vertu; ou par un aurre qui agWanr par
príncipes, fecoue I'n
m~mc
tems le joug de la
eeli–
gioo.
J
e ne donnerai point ici un détail étendu de femb la–
bIes fituations, dans lefquelIes la vertu efl obligée de
rejetter des biens tres-réels, que le vice adroitement
ménagé s'approprieroit fans peine
&
Cans danger : mais
qu'il me foit permis de demander a nn
athée
vertueux,
par quel motif
iI
fe réfoud :! des Cacrifices li trilles .
Qu'et1-ce que la nature de fa vertu lui pem fourtlir,
qui fuf!ile pour le dédommager de tant de
perte~
con –
fidérables? E!l:-ce la certitude qu'il fait fon devoir? Mais
je crois avoir démontré, que fon devoir ne confine
qu'a