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...

ATH

cElmmunes. en ont nié l'exiltence.

11

demeure prefque

fans force

&

fans vertu,

a

moins que toutes les paf–

jions lIe foiem bien tempérées,

&

en quelque maniere

en équilibre . De-la on doit conclure que ce principe

fcul elt trOP foible pour avoir une grande influence

fur la pratique .

Lorfque le fentiment moral elt joint a la connoif–

fauce de la dilférence ecrentielle des chofes,

il

elt cer–

tnín qu'il acquiert beaucoup de force; car d'un cÓté

ceue connoilfance [ert a diltinguer le fentiment moral

¿'avec les paffions déréglées

&

vicieufes;

&

d'un au–

tre coté le fentimem moral empeche qu'en raifonnant

Íllr la difterence elTentielle des choCcs; l'entendemeot

llC

s'égare

&

ne fubnitue des chimeres a des réalités •

Mais la qut!tion elt de favoir . fi ces deux príncipes,

ind¿pendamment de la volonté

&

du commandement

¿'uu fupérieur.

&

par conCéquent de I'attente des ré–

compeufes

&

des peines, auront alfe? d'influence fur

le plus grand nombr" des hommes, pour les détermi–

Der

a

la pratique de la vcrtu . Tous ceux qui oot étu–

<lié avec quelqu'attention,

&

qui ont tant-f()it-pell ap–

profondi

I~

nature de l'homme, ont tous trouvé qu'il

lIe fllllit pa, de reconno!tre que la vertu elt le Couve–

lfain bien , pot.r etre porté

a

la pratiquer:

il

faut qu'oll

:s'en falfe une application perfonnelle,

&

qu'on la con–

ftdere comme un bien faifant parlie de nOlre propre

bonheur. Le plaifir de fatisfaire une paffion qui nous

tyranoife avec force

&

avec vivacité,

&

qui a I'amour–

propre dans fes

intér~ls,

elt communément oe que

nOllS regardons comme le plus capable de contribuer

a

Dotre fatisfaé1ion

&

ii

notre bonheur. Les paffious étant

trcs-fouvent oppoCées

a

la vertu

&

incompatibles avec

elle, il faut pour contre·balancer leur elfet, mettre uo

nouvcau poids dans la balance de la vertu;

&

ce poids

lle peut etre que les récompenfes ou les peines que la

religion propofe.

L'iméret per[onnel, qui elt le principal relfort de

toutes les aétions des hommes, en excitant en eux des

mOlifs de crainte

&

d'efpérance, a produit tous les de–

lordees qui om obligé d'avoir recoors

¡¡

la fociété. L e

ll1cme im¿ret perConnel a Cuggéré les memes motifs

pour

rem~dier

ii

ce~

defordres, alltant que la nature

de. la fociété pouvoit le permettre. Une paffion auffi

11l1lverfelle que ceHe de Pintér':t perronnel , ne pou–

-vant elre combattue que par I'oppofition de quelqu'

aUlre paffion aulft forte

&

aum aél:ivc. le Ceul expé–

dient dont

00

ai¡ pll fe fervir, a élé de la tourner con–

tre

eHe-m~me,

en l'cmployant pour une fio COntrai–

r\!. La fociété, incapable de remédier par fa pro–

pre force aux Mfordres qu'elle devoit corriger, a été

obligée d'appeller la religion

a

fon feeours,

I'lt

n'a pu

déployer fa force qu'en conféquence des

me

mes prin–

cipes de craime

&

d'efpérance. Mais eornme des trois

principes qui fervent de bafe

¡¡

la morale, ce 'dernier,

qui en fondé fur la vololllé de D ieu.

&

qui manque

¡¡

un

athle,

en le feul qui préfente ces pllilfans motifs;

il

s'enfuit évidemment que la religion,

ii

qui (eule on

en elt redevable, elt abColument néce!f.,ire pour le main–

tien de la fociété; ou, ce qui reviem au

m~me,

que

le fentiment morale

&

la connoi!f.,nce de la difleren–

ce ' elfentiellc des chofes, réunis enfemblc, ne fauroient

a voir alfe? d'influence fur la pi upart des hommes, pour

les déterminer

a

la pratique de la verm.

M. Bayle a tres-bieo compris que l'efpérance

&

la

crainte fom les plus puilfans relforts. de la conduile des

hommes . Quoiqu'apres avoir diltingué la dilf¿rence na–

turelle des choCes

&

leur diftcrenee morale ,

il

les avoit

enfuite confondues pour en lirer un mOlif qui pll1 obli–

ger les hommes 3 la pratique de la vertu; il a appa–

rement fenti l'iDellicacité de ce motif, euifqu'il eu a

;IPpellé un autre

ii

fon fecours, en CUPPilL,nt que le

delir de la gloire

&

la craime de I'inf.,mie fuffiroient

pour régler la conduite des

atblc!;

&

e'en-Ia le fecond

argument doot

il

Ce fert pour défendre fon paradoxe .

., Un homme, dit-il, dcltitu¿ de foi, peut étrc fOrt

1)

fellfible

a

I'honneur du monde, fort avidc de loüan–

" ge

&

d'encens . S'ir fe trouve dans un pays

Otl

l'in'

gratitude

&

la fourberie expoCent les hommes au mé–

pris,

&

on la générofité

&

la

vertu feront admi–

rées, ne doutez point qu'il ne falfe profeffion d'étre

" homme d'honneur ,

&

qu'il ne foil capable de re–

nimer un dépÓt, quand meme on ne pourroit I'y

contraindre par les voies de la junice. La crainte de

" palfer dans le monde poue no trattre

&

pour un co–

" quin, I'emportera fue I'amour de I'argent;

&

com–

" me il

y

a des perfonnes qui s'expofent

a

mille pei–

" /les

&

a

mille périls poor fe venger d'une olfenfe

" qui leur a été faite devant tres-peu de témoins.

&

1>

qu'ils pardonneroient de bon creur, s'ils ne craignoient

d'encourie quelque infamie dans leur voifinage ; je

" erois de meme que malgré les oppofitions de fon

" avarice, un homme qui n'a point de religion elt

capable de reltitiler un d¿pót qu'on ne ponrroit le

" convaincre de retenir .injullement, lorfqu'il voit que

" fa bonne-foi lui attirera les éloges de toute une vil–

" le,

&

qll'on pourroit uo jour lui faire des reproches

" de fon infidélité, ou le

íbup~onner

ii

tout le moins

d'une chofe qu; l'empecheroit dé palfer pour un hon–

" oéle homme dans l'eCprit des autres: car c'elt

a

I'e–

" !time imérieure des autres que DOUS afpirons fue-tout .

" Les geltes

&

les paroles qui marquent cetle e!time ,

" ne nous plaifent qu'autant que nOllS nous imaginons

" que ce Conl des fignes de ce qui fe palfe dans I'e–

" fprit. Une machine qui viendroit nous faire la ré-

vérellce

&

qui formeroit des puroles Aatcnfes, ne

" feroil guere propre

ii

nous donner bonne opinion de

"

nous-m~mcs,

parce que nous L,urions que ce ne fe–

" roiem pas des fignes de la bonne opinion qu'un au–

" tre auroit de Ilotre mérite; e'elt pourquoi celui dont

" je parle pourroit facrifier fon avariee

ii '

fa vanité,

" s'il croyoit-Cel1lement qulon le

foup~onneroit

d'avoir

" violé les lois ¡acrées du dépót :

&

s'il fe croyoit

" ii

I'abri de tout

foup~on,

encore pourroit-il bien fe

réfóudre

ii

lacher L'\ prife, par la erainte de tomber

dans I'ineonvénicnt qui elt arrivé

a

quelques-uns,

de publier

eUK-m~mes

leurs crimes pendant qu'ils

dormoient, ou pendant les tranfports d'une tievre

chaude. Luerece fe fert de ce motif poue porter

a

la vertu des hommes Cans religion ,,'

On conviendra avec Monr. Bay1e • que le defir de

l'honnene

&

la crainte de I'infamie font deux puilfans

motifs pour engager les hommes

ii

Ce conformer aUl:

maximes adoptées par ccux avee qui ils converfellt ,

&

que les maximes

re~ues

parmi !¡:s nations civilifées

(non toules les maximes, mais la plupart), s'accor–

dent avee les regles invariables du julte, nonobnant

tout ce que Sextus

Empiricu~

&

Montagne om

p~

dire de contraire, appuyés de quelques exemples dont

ils ont voulu lirer une cooféquence trop générale _

La vertu comribuant évidemmem au bien du genre hu–

main,

&

le vice y mettant obltacle,

il

n'elt poi

n!

fur–

prenant qu'on ait cherché

a

encoura~er

par l'enime de

la répulation. ce que chacun en partlculier trouvoit teo–

dre

ii

fon avantage;

&

que

1'00 '

ait !ich¿ de décoora–

ger par le mépris

&

I'infamie, ce qui pouvoit produir<;

un elfet oppofé. Mais comme il elt certain qu'on peut

acquérir la réputation d'honnete hommc, prefqu'auffi

fílrement

&

bC'lIcoup plus aifémem

&

plus prompte–

ment, par une hypocriile bien concertée

&

bien [oü–

tenue, que par une pratique fineere de la vertu ; un

a–

thl.

qui n'elt retenu par al1cun principe de eonCcience.

choifira fans doute la premiere voie, qui ne l'emptche–

ca pas de Catisfaire en Ceeret toutes fes paffions. Con–

tem de paroltre vertueux,

iI

agira en feélérat lorfqu'il

ne craindra pas d'<'tre découvert,

&

ne confultera que

fes inclin,tions vicieufes, fon avarice, Ca cupidiu" la

paffion criminelle dont

il

fe tronvera le plus violem–

ment .dominé.

11

elt évident que ce fera la en géné–

cal le plan de tonte perfonne qui n'aura d'autre motif

pour fe conduire en honncte homme, que le defir d'u–

ne réputation populaire. En erret, des-U que j'ai

ban~

ni de moo caeur lOut fentimem de religion, je n'ai

point de mOlif qui m'engage

a

facrifier

a

la

vert~

mes

penchans favoris, mes pallions les plus impérieures ,

tonte ma fortune. ma réputation meme. U ne verru de–

lachée de la religion n'elt guere propre

a

me dédom–

magee des plailirs véritables

&

des avantages réels aux–

quels je renonce pour elle. Les

athla

díront-ils qu'ils

aiment la vertu ptJur

elle-m~me,

parce qu'elle a une

beauté ellemielle , qui la rend digne de I'amour de tous

ceux qui ont alfe? de lumieres pour la reconno!tre?

I1 elt alfe?; éto nnam, pour le dire en palfant, que

les perfonnes qui outrent le plus la piété ou l'irre–

ligion, s'accordent néanmoins dans lenrs prétentions

toucham l'amoue pur de la verto: mais que vcut diee

dans la bouche d'un

athle

que la vertu a une beaur':

elfemielle? n'elt-ce pas la

~ne

expreffion vuide de feus?

Commem prouveront- ils que la vertu en belle,

&

que fuppoCé qu'elle ait une beauté elfentic!le, il

f.~ut

l'aimer, lors mEme qu'elle nous elt inutile,

&

qu'clle

n'inAue pas fur notre f¿licité? Si la vertn en belle ef–

fentiellement elle ne I'elt que parce qu'elle entretient

l'ordre

&

le 'booheur dans la fociété humaine; la ver–

tu ne do:t parohre belle, par conféquem, qu'a

c~ux

qUl