WASHINGTON ET SALAMANQUE. -
NOVEMDRE
1812.
d'aller se placer entre les dcux, et d'enlcvcr au
moias les quinze millc hommes du général Hill.
La seulc diffieulté élait de savoir si on pour–
rait passer brusquement la 'formes, et se dé–
ployer au dela, avant que lord Wellington eút
rnppelé
a
lui son ailc droile compromise. Les
rcconnaissanccs qu'on veuait d'cxécuter ne per–
metlaient
a
cet égard aucun doute. La 'formes
entre Alba et Salamanque élait presque partout
guéable; au dela, pour arriver sur Calvarossa
de Ariba, s'étendait uñe yaslc plainc, qui s'élc–
vait en pente douce yers Calvarossa, et ou se
trouvaient les Arapilcs. En se faisaat précéder
de toute la canlcl'ic, qui élait de plus de
12
mille
hommcs dans les lrois armécs, et dont le dé–
ploiement aurait couvert le passagc, nos colon–
ncs d'infantcrie eussent traYersé les gués,envahi
la plaine, abordé Calvarossa, puis, se rabattant
sur Alba de Tormcs, eussent infoilliblement
tourné et envcloppé le général Hill. Ce projet,
cxposé sur le terrain meme
a
Joscph,
Cll
pré–
sence de tous les généraux, fut univcrsellcment
regardé par. eux comme d'un succes immanqua–
ble, Ct ils demandcrent
O
J'exécute!'SU!'·IC·Charnp,
avant que les Aaglais eussent rectifié leur posi–
tion. Mais le maréchal Soultn'en fut point d'avis.
11
ne fal!ait pas, disait-il, abordcr les Anglais de
front, ce qui était vrai quand ils avaient pris
lcur position de comba!, mais ce qui n'était pas
le cas ici, puisqu'il s'agissait de les surprendre
en marche, et d'enlevcr un de leurscorps laissé
dans l'isolement.
11
pensait qu'il valait mieux
francbir la 'formes au-dessus d'Alba, afin de
lourner la position de Salamanque, et d'obliger
ainsi les Anglais
a
décamper. On lui répondit
que c'était justement ce qu'il ne fallait pas fairc,
car en remonlant
a
gauche la 'formes pour la
¡rnsscr au-dessus d'Alba, on allait forcer le géné·
ral Hill
a
quille1· Alba, i1 se replicr sur Calva–
rossa de Ariba, puis sur Salamanque; qu'on
allait rendre ainsi aux Anglais le service de leur
rnontrer leur faute, et de les réunir tousensem–
ble aux environs de Salamanc¡uc; que si, en se
porlant sur leurs communications avec 85 mi lle
hommes, on lesobligeait
a
décamper, le résullat
de cetle heureuse muis couteusc conccntration
de forces n'aurait pas été bien eonsidérable
1
Au
lieu d'un triomphc dont on avait g1·and besoin,
on aurait ménagé i1 loi·d Wellington la gloirc de
se tircr sain et sauf de !'un des pas les plus
difficiles ou jamais général se ful trouvé.
Le tron modestc marécha!Jourda11, qui n'avait
gucrc l'habitude d'clrcaffirmatif, car il disccmait
le vrai, mais s'y allachait avec la mollessc d'un
homme découragé, fut cetle fois plus vif que
de coutume, affirma que, si on voulait fai1·e rc–
poser sur sa tete la responsabilité de l'opéralion
proposéc, il était prel
a
l'assumer, et répondait
de n'y compromctlre ni l'armée ni sa proprc
gloire. Tous les généraux préscnts, Souham,
d'Erlon et aulres, partagcaient son avis, l'ap–
puyaient du rcgard et de la parole. Mais, par
égard pour la situation et le grade du maréchal
Soult, on rcmit
a
décider celtc queslion aprcs
une nouvclle 1·cconnaissancc du cours supéricur
de la Tormcs.
Le lendemain, le maréchal Soult reproduisit
son projet de passer la Tormcs
a
gauche au–
dessus d'Alba, ca1· la aussi on l'avait trouvéc
guéable, et il insista fortement pour fairc adop–
ter son opinion. Joseph consulta le maréchal
Jourdan, et celui-ci, avec une condescendance
qui élait la suite de son ¡\ge et de son caractere,
conseilla
i1
Joscph de se rcndre. Exécuter le plan
qu'il avait indiqué avcc la mauvaise volonté du
commandant de
la
principale arméc était selon
lui bien dangereux,et,quoique les Anglaisn'eus–
sent pas encore rectifié leur position , que le
coup
dé~isif
put encore leur ctrc porté, et que
la tentation de l'cssaye1· fUt g1·ande, fairc ce que
voulait le maréchal Soult lui sembla ce qu'il
y
avait de moins hasardcux. Ainsi éclata dans
Joseph et dans Jourdan cetle fatalc indécisio11,
qui chcz les csprils justes cst quclquefois aussi
funeslc que l'enlclement de l'errcur chcz les
csprits faux, et qui, apres les négligcnccs de
Napoléon, les déicstables sentimenls de ccrtains
chefs, fut la principalc cause de nos rcvers en
Es¡rngnc.
Pour faire pcser toutc la responsabililé sur le
maréchal Soult, et l'obliger au moins
a
se con–
duii·e le mieux possiblc dans l'cxécution <le sa
propre idéc, on mit l'armée du Centre sous ses
ordres, el on donna cclle de Portugal au comlc
d'Erlon. Le 15 méme, on franchit la Tormos au–
dcssus d'Albn> el on s'av:uwa jusqu'á NucsLra–
Seflora de lletiro. Les Anglais sorlaicnl i1peine
d'Alba et y avaient méme laissé un délachemcnt.
On les voyait se rctirer sur les Arapilcs, et s'y
réunir. Mais il leur reslait
<i
décamper devanl
85 millc
Fran~ais ,
et il était possiblc encorc
de coupct' une portion de lcur longue colonnc.
Le maréchal Soult avait déja 1i0 millc hommes
sous la main, loulc la cavaleric notanuneil"t, et
des le lendcmain matin il ¡iouvait se porter en
avant. On pressa J'armée de Portugal, que la