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LIVRE
QUARANTE-CINQUIE~iE.
la main dans la direetion qu'il indiqucrait. Mais
une pcnséc,une sculc, le relcnailcommc malgré
lui, et l'arrétait toutes les fois qu'il allait prcndrc
une
dét.el'min::ition. Ce n'était pas, comme on l'a
c1·u
1
l'espérancc de la paix,cspérancc qu'il n'avait
gucre, e'él:iit lacrainle ele perdrc l'aseendant de
lavictoi1·c, en
comrncn~lrnt
aux ycux du monde
un mouvcmcntrétrograde, etcncelail cédnit non
point
a
une illusion puérilc, mais
a
un scnti–
ment prorond de sa situation.
11
se disait que le
prcmier pas fait en arricre scrait le eommcnee–
mcnt d'unc suite d'avcux péniblcset dangcrcux,
aveux qu'il était allé trop loin, qu'il lui était
impossiblc de se soutenir
a
cclle dislancc, qu'il
s'était trompé, qu'il avait manqué son but dans
cellc eampagnc. Que de d.érections, que de pcn–
sécs insurrcclionnellcs pouvailsusciterlc spccta–
clc de Napoléon,jusquc-lainvinciblc,obligéenfin
derétrogradcr
!
Orgueil
a
part, et l'orgucil sans
doulc avait sa place daos les scntimcnts qu'il
éprouvait,
il
y
nvail un immense danger
a
ce
premicr pasenarriCrc. Ce pouvaitCtrc, en effct,
le
commcnccment de sa chulo
1
•
Préoccupé de ce danger, il songcait toujours
ou
ft
hivcrncr UMoscou
1
ou
ti
cxécutcrun mou–
vcmcnt qui, en le rapprochant de ses magasins,
eUt l'apparcncc d'unc mnnc:euvre et non
d'une
rctrailc. Hivcrncr a Moscou était une résolulion
d'unc singuliCrc audncc, et cette résolulion avait
des partisans.
11
en était un méritant la plus
srandc considération, c'était M. Daru, qui avait
nccompagné Napoléon en qualité de sccrétairc
cl'ttat, qui était chargé de lous les détails de
l'intendance de l'armée, et
s'enacquiltait avec
un zclc, une intelligencc, une activité dignes de
ccttc haute el difficilc fonction. Cct adminislra–
tcur éminenljugcait cnco1·c plus facilc denourrir
l'armée
a
Moscou
1
et
d'y
nssurcr ses communi–
cations pcndant l'hivcr, que de In ramencr saine
et sauve
a
S1nolcnsk, par une roulc inconnuc si
on en
prenait une nouvcllc, ou dévastée si on
reprcnait ccllc qu'on uvait déja pnreouruc. Na–
poléon nppclnit ce conscil un conscil de lion, et
il cst cerlain qu'il cut
foil
u une rare audacc pour
oscr le suivrc. Ln plus grande difficulté n'était
pas cellc de nourrir les hommes, commc nous
J'avons
drja
dit ; on avnit en cfTct du blé, du
riz,
1
C'cst piéC!clien main,d'aprCsla corrcs!JOndancemCmeclc
Napoléu11, ctd'aprésunc<1uanlitédcnotesécrites 1rnrlui
1
toutcs révélnnt sa \'érilal>lc ¡icnsCc, que j'a\'ancc
et
quej'af–
firme
ce1teréril~
1
queNapoléon, co:1treln t1·aditiou
re~ue,
ful
rcteuu ilMoscou moins par l'espéranecde la pnix, (¡uc par In
craintedepmlre !onuccndantmoralctmilitaircenopérant
des légumes, eles spiritucux et quclqucs 1•iandcs
salécs. On pouvnit mc1nc se procurcr de la
viandc fraichc,
it
la condition toutcfois de réu–
nir du bétail avant lamauvaise saison, et de se
procurcr du fourragc pour alimc11tcr ce bétnil
pendant quclqucs mois. La principalc difficulté
c'était de faire vivrc les chcvaux qui cxpiraient
d'inanition, et qu'on ne savait trop comment
nourrir, mCme dans ce momcnt qui n'était pas le
plusdéfavorablc de l'année. On avnit biencneorc
la rcssourcc de portcr sescantonncmcnts
a
douzc
ou
a
quinze
licues
a
Ja
ronde, comme
oil
l'avait
déja fait; mais oulrc qu'il n'était pasccrtain que
ce fút assez pour trouver les fourragcs
néccs~
·
saircs, commcnt,
la
nrnuvaise saison arrivéei
pourrait-on soulcnil' ces cantonncmcnts
a
une
parcillc distancc, avcc une cavalcric légcrc épui–
sée, et contrc une innombrable quantité de Co·
saques, déja venus, ou prets
a
Yenir des bords du
Don? Ces difficultés vaincucs,
i1
en restait une
non moins grave, cellc d'cnlrelcnir la communi–
cation entre tous les postes qui jalonnnicnt· la
l'OUlcdc Smolcnsk
a
Moscou, d'assurcr non-scu–
lcmcnt leurs relalions de l'un
a
l'autre, mais la
conscrvation particuliCre de chacun d'cux, car
a
moins
de
les convertir
en
places
fortcs,
comment
s'y prendrcpour les mettrc a l'abrid'un corps de
douzc a quinzc millc hommcsqui cntreprcndrait
la !<\che de les atlaqucr et de les cmporler suc–
ecssivcmcnt? 11 en fallait
a
Dorogobougc ,
a
Wiasma,
¡,
Ghjat,
a
Mojaisk, cte., sans comptcr
bcaucaup d'autrcs moins imporlants muis néccs–
saircs; et en supposant tous ces postes armés,
approvisionnés, pourvus non-seulemcnt de gar·
nisons permanentes maisde forces mobilcs cnpa–
blcs de s'cntre·sccourir,
i1
était évidcnt que cct
objct scul cxigcrait prcsque la valcur d'une nr–
méc. Et malgré tousces soins pour maintcnir les
communications, que do\'iendrait París, que fc–
rait l'Europc, si un jour on n'avait pas de nou- •
velles de Napoléon, et si on était séparé de lui
commc on l'avait été deMasséna pcndanl la cam·
pagnc de Portugal? fa1fin, ces difficullés si mul–
tipliécs une foissurmontécs de lamaniere la plus
hcurcusc, qu'aurait-on gagné, leprintemps venu,
i1se trouved Moscou? A Moscou, on étaitil-180
licues de Saint-Pétcrsbourg, 180 licues l;l'unc
uu mou1•cmc11l
!'füograde. J'ai
pcu
le
goULde
changcrle'
\'crsious1·c~ucs
enhistoire; je cherche il Ctre \'l'lli,
nonU.Nl'e
nou1·cau. On cst déjU.bien assez uou1·enu par celaseulqu'on
estnai. Jesoutiensdoncl'asserlion<lontils'agil surles rno–
tifsdu long
séjout·deNapoléonll Moscou,
parce que
j'ai
Ja
con,·ictionctlaprcm·e de sonexllClitudc,