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LIVRE QUARANTE-QUATRll\!IE.
en Égypte, tontot le pctit chcrnin "' moycn du–
que! il lourna le forl de Bard, lantót le soleil
d'Austcrlitz, n'nurnit éclnté d·unc mnniCrc plus
''isiblc
1
qu'cnJui cnvoy:mt encare troisou quatrc
joursd'un t1'Cs·maurnis tcmps. La fortunc. hélas!
ne l'nirnait plus asscz pour lui ménagcr une tcllc
contrnriété! Le '• scplcmbrc au nrntin, le solcil
se leva rodicux, el on scntil un air vif, capablc
de sécl1cr les routcs en quclqucs hcurcs. " Le
sort en cst jeté , s'écria Napoléon; parlous, al–
lons ;, In rcncontrc des llusscs !••. " El il prcs–
crivit
á
Mural et 11 Davousl de partir vcrs midi,
c¡uan<l lcs chcmins scrnicnt séchés par le solcil,
etdese dirigcr sur Gridncwn, moitié chcmin de
Ghjat
ii
Boro<lino. Tout le reste de l'arméc cut
ordrc de suivrc lemouvcmcnt de l'avant-gardc.
On partil en cfl'ct, obéissant au dcstin, et on
alla couchcr
il
Gridncwa. Le lcndcmain 5 scp–
tcmbrc on se rcmit en marche, et on se dirigen
vc1·s la plainc de Borodino, licu destiné 1deve–
nir aussi fomcux que ccux de Zama, de Pharsolc
oud'Actium. En routc on rcncontrnunenblrnyc
célebre, cellc de Kolotskoi, gros batimcnt flan–
qué de tours, dont
la
loiturc en tuilcs eolorécs
contraslait avcc la couleur sombre du paysagc.
Dcpuis plusicurs jours nous avions chcminé sur
les platcaux élcvés qui séparcnt les caux de la
Rn\lic¡ue de ccllcs de la mer Noire et de la Cas–
picnnc, et
a
partir de Ghjat on
commcn~ail
1
dcsccndrc les pcnlcs d'oú la Moskowa 1 gauchc,
la Protwa
ii
droitc, se jcllcnt par l'Oka dans le
Volgn, par le Volga dans Ja mer Caspienne. Le
sol scmblait cffcctivemcnt s'inclincr vers l'hori–
zon, el s'y couvrir d'unc bandc d'épaisscs forcls.
Un cicl a demi voilé par de légers nuages d'au–
lomnc achevait de donncr 11 ccllc plainc un as–
pccl triste et sauvagc. Tous les villagcs étaicnt
inccndiés et déscrls. ll 1·cstnit sculcmcnl c¡ucl-
copionssu1• l:l minn1cilCs :l1'chivcs, rivec 1outcs ses incor1·cc-
1ions.
"Ghjat, lo:>
s~ptembre 181'2.
qucs moines 11 l'abbaye de Kolotskoi. On laissa
~elle
abbnyc 11 gnuche, et on
s'cnfon~u
dans cettc
plninc, en suivant le cours d'unc petitc riviCrc
11 dcmi dcsséchée, lnKolocza, qui coulait droit
dcv:mt nous, c'cst·1i-dirt!
Ycrs
J'cst, dircction
dans laqucllc nous n'avions pas cessé de mnr–
chcr depuis le passnge clu Niémcn. Des arrierc–
gardcs de cavalcric, nprCs une ccrtaincrésistancc
bicnlól vnincuc, se rejelercnt
1t
la droite de 1,
Kolocza, et coururcnt se grouper au picd cl'un
mamelon fortifié, oú se trouvait un gros déta–
chemcnl d'environ quinze mille hommrs de
tonlcsarmes.
Napoléon s'arrCla pour considérer cetlc plaine
ou allait se décidcr le sort du monde. (Voir la
carlc n•
5G.)
La líolocza coulait, avons-nous dil,
droil dcvant nous, parcourant un lit tour " tour
fangcux ou dcsséché; pu is, arrivéc au villngc de
Borodino, elle tournait
i1
gauchc, haignnit t.lcs
coteaux asscz escnrpés pcndant plus d'unc licue,
et finissait, aprcs millc délours, par se perdre
dans la Moskown.
I~cs
colcaux
a
notrc gauclic,
donl le picd étail baigné pnr la Kolocza, parnis–
saienl. couverts de troupes et d'artilleric. Adroilc
elecctte pctile rivicre, Jachainc des cotcaux con–
linuait, nrnis clic élait moins cscarpéc,et desim–
ples ravins en nrnrc¡uaicnt le picd. La ligne de
l'arméc russc suivait ce prolongcmcnt des co–
lcaux : 111 le site élant moins fort, les ouvrngcs
étaicnt plus considérablcs, et de grandes rc–
doutcs nrmécs de canons couronnaicnt les som–
mitrs du lcrrain. On scntait nu prcmicr coup
d'reil qu'il fallnil attaqucr les Busscs de ce cOté,
cnr,au licude la Kolocza, c'élaient sculcmentdcs
ravins qu'on avait
~1
franchir.
tes
rcdoutcs bien
armécs qu'on npcrccvait étaicnt un ol>staclc sé–
ricux sans doutc, nrnis ccrlaincment pas invin–
cible pour l'arméc frnn9aisc.