294
LIVJ\E QUAJ\ANTE-QUATRIE!IE.
matin, mais alleint d'un gros rhumc contracté
au bivac, s'était élabli
a
la redoule deSchwar–
dino, dans une position oli il pouvait voir ce qui
se passait, et s'abrilcr un peu contre les boulcls
dont le nombre dcvait clre considérablc daos
cellcjournée. Murat, brillant d'ardeur et de bro–
dcrics, rcvctu d'unc tuniquc de vclours vc1·t,
portant une toque :\ plumcs, des hottcs jaunes,
ridiculc si l'héro'ismc pouvait l'etrc, galopait
dcvant les rangs de ses cavaliers, radicux decon–
fiancc et l'inspirant
a
tous par sonaltitude mar–
tialc. Des nuagcs obscurcissaicnt le cicl, et le
solcil, se lcvant en facc de nous et au-dessus des
Russcs dont il dessinait les ligncs, ne
s'annon~ait
que par une tcintc rouge3.trc longucmcnL mar–
quée a l'horizon. Bicntót son disque se détacha
commeun globcde fer rougi au fcu,et Napoléon,
regardant ses lic(ltcnants, s'écria
:
H
Voilil le
solcil d'Auslcl'iilz
! "
Hélas
!
oui, mais
voilé.dcnuagcs
!
Napoléon avait p1·éparé pour le momcnt de la
bataillc une proclamation courtc et éncrgique.
Lescapilaincs dechaquc compagnic, lescomman–
dants de chaque cscadrou, sorlanl des rangs,
fircntformer lcur troupeendemi-cerclc,ctlurcnl
a
hautevoix cctlc proclamation, qui fut chaudc–
mcnt accucillie.
Puis, ccllc lcclurc lcrminéc et loutes les posi–
tions pl'iscs, 1•ers cinq heurcs et dcmic du malin
un coup de canon fut tiré
a
la battcricdedroitc:
a ce funcstc signa!, un bruit c!Troyablc succéda
ausilcncc le plus profond, et une longuc trainéc
de feu et de fuméc marqua en trails sinistres la
lignc des dcux armécs. A la batlcric de droite,
ladistancc ayant été jugéc trop grande, nos brn–
vcs artillcurs, sous
In
conduitc du généralSor–
bicr, sortirent de lcurs épaulements, et vinrcnl
seplacer
a
découvcrtdcvant les lroisfleches qu'ils
devaicnl criblcr de projectiles.
Pcndant que cent vingt bouchcs
a
fcu tiraicnt
sur les ouvrages des l\usscs, pcndant qu'a droilc
Da1•oustel Ney s'cn approchaicnt au pas de l'in–
fanleric,
a
gauchc le princc Eugcnc avait fait
passcr In Kolocza aux divisions Morand et Gudin
pour les porlcr sur lagrande redoulc, avait laissé
sur le bord de cctlc pctitc rivierc la division
Broussier cu réscrvc, el nvcc ladivision Dclzons
s'élnit porté 1·ers Borodino, point oli la Kolocza,
commc nous l'avons <lit, tournait
a
gauchc, et
couvrait la droite des l\usscs jusqu'a son con–
fluent avcc la Moskowa. Le princc Eugencdcvait
tlinsicomrncnccr l'action pnr l'attaquc sur lloro–
dino, afio de pcrsuadcr
a
l'cuncmique nous1•ou-
lions débouchcr par la grande route de Moscou,
ditc la roulc ncuve.
Ces dispositions lcrminées, le prinec Eugime
avcc la divisionDelzons s'avanga sur le villagc de
llorodino, situéen avanl de la Koloeza, et gardé
par trois bataillons de ehasscurs de la gardc im–
périalc russc. Le général Plauzonne,
a
la tete
du 1OG' de lignc, pénétra dans l'inlérieur du
vil~
lage, tandisqu'cndehors les aulres régiments de
ladivision passaicnt adroilc
~ta
gauehe. Le 106°
expulsa les l\usscs, les suivit hors du villagc, et
les poussa vivcmcot sur le pont de la Kolocza,
qu'ils n'curcnt pas le tcmpsdedélruirc. Entrainé
par sonardcur, ce régiment franchit le pont,
H
courul au dela de la Kolocza, malgré les instrue–
tionsde Napoléon, qui ne voulait pas déboucher
par la grande route de Moscou, et avait ordonné
sculcmcnl d'cn faire le scmblant. Dcux régi–
mcnts de chasscurs russes, les 19• el 20', placés
sur ce point, fircnt un feu soudain et si lcrriblc
sur les compagnics du 1OG• avcnturécs au dela
du ponl, qu'ils les culbuterent, et prirenl ou
luc1·ent tous les hommcs <1ui n'curent ·pas le
tcrnpsde fuir. 1.cbravc génfral Plnuzonnc1•c<;ut
lui·mcmc un coup mortcl. Mais le 92' s'élant
apcr<;ududangcr que eourait le106°, s'cmprcssa
d'allcr
i1
son aide sous la eonduite de l'adjudant
commandant Boisscrolc, le rallia, et s'étnblit
solidemcnt dansBorodino,malgré tous les clforts
des l\usscs. Ce point ne dcvait plus étrc pcrdu.
Ce prcmier acle de la balaillc aeeompli, le
princc Eugcno dcvail allcndre, pour attaqucr
avcc les <livisions Morand et Gudiu lagrande rc–
doutc du centre, qu'a la droite Davoust et Ncy
cusscnt cnlevé les trois flechesqui couvraicnt la
gauchc des Russes.
Le maréchal Davoust, en c!Tct, précédé de
trcnlc bouehcs
á
fcu, s'était mis en marche
a
la
tete des divisions Compans et Dcssaix, et avait
longélcs boisque Poniatowski travcrsaitdansleur
profondcur. Arrivéa leur lisiére par des chcmins
diflicilcs, il s'était approché de cellc des trois
fleches r¡ui élait le plus
¡,
droitc, afin de la
prcndrc par cóté, et de l'enlcvcr brusquemcnt.
Aprcs avoir éloigné les tiraillcurs cnncmis en
faisant avanccr les sicns,
il
avail formé la divi–
sion Compans en colonnes d'allaql!!'.! et laissé la
division Ocssaix enréservc pour gardcr son flanc
d1·oit et ses dcrricrcs. Apeine la division Com–
pansse lrouva-L-cllc 1 portéc de l'cnnemi, qu'un
fcu horrible, pai·ti des trois fleches et des ligncs
desgrcnadiersWoronzo!T, l'aeeueillit subitcmcnt.
Son bravc général fut rcuvcrsé d'un biscaien.