Ll\'llE
QUAllANTE-QUATRIJ~ME.
disposant désormais des divisions Compans et
Dcssaix, que Davoust., nwlgré sa pcrsislancc
a
1·cstcr au fcu, ne pouvait plus conduirc, les porta
sur sa droitc.
11
y joignit les Wcstphalicns qu'il
avait dcrrierc lui, et tácha d'étcndrc la main
vcrs le ¡ll'incc Poniatowski, dont on commcn–
~ait
a
cntcndrc le canon
a
travcrs les bois d'Ou-
titza.
On gagna ainsi du tcrrain en s'étcndant obli–
qucmont
a
droitc. Maitrcs des hautcurs, nous
avions maintenant sur les Russes l'avantagc des
fcux plongcants, et on se hata d'amcncr en lignc
non-sculemcnt l'artillerie de tous les corps, mais
l'artillcric de réscrvc, qui au commcncement de
l'aclion avait été placéc dans nos battcrics en
lcl'!'c. Les llusscs répondircnt par desfcux moins
bien dirigés, mais aussi nourris, et bicntót la
canonnadc sur ce point dcvint épouvantablc.
Pcndant qu'on
avan~ait,
Ncy
a
droitc, Mural
a
gaucho, on s'approcha du ravin dcSéménoífskoié,
et on dépassa la troisiemc fleche, qui formait
rctour en arriero, ce qui la
fil
tombcr naturelle–
ment dans nos mains. Mais, dans cettc position,
nous nous trouvions tout
¡,
fait a découvcrt sous
le fcu du villagc de Séménoffskoié, et sous ceux
du corps de Raéffskoi, lcqueloccupait l'aull·c cóté
du ravin,cts'étcndait duvillagc deSéménoffskoié
jusqu'<i la grande rcdoutc.
·Mural et ses b·oupes en souffraicnt beaucoup.
N'ayant pas d'infantcric sous la main, et s'apc1·–
ccvant que dans ccttc partie le ravin de Sémé–
noffskoié était pcu profond,
~lurat
fit amcnc1· par
son chef d'état-major Bclliard la cavalcric de
Latom·-Maubourg, lui ordonna de franchir le
ravin, de chargcr l'infontcric russc, de lui cnlc–
vcr ses picccs, et de revenir s'il jugcait le poste
impossiblc
a
COOServer. Afin de l'aidcr danscctlc
périllcusc cnt1·cprisc, il réunit toutc l'artillcric
attelée, ordinaircmcnt attachéc a la cavalcric. et
la rnngca sur le bord du ravin, de maniór¿
a
p1·otégcr nos cscadrons.
Latour-Maubourg, obéissantau signa!de Mural,
dcsccndit avcc les euirassicrs saxons et wcstpha–
licns daos le ravin de Séménoffskoié, remonta
sur le bord opposé, fondit sur l'infantcric russc,
rcnvcrsa dcux de ses eal'l'és, et la
for~a
de se
1·cplier. Mais,
aprCs
l'avoir ainsi éloignéc, il fut
obligé de rcrcnir, pour ne pas demcurcr scul,
exposé a lOUSfes COUJlSde l'arméc russc.
Pcndant que ces événcmcnts se passaicnl a
droitc en avant eles troisOechcs, le princc Eugenc
;, gaucbc, ayant foit franchir la Kolocza des le
matin aux deux dil•isions Moraud et Gudiu, avait
dirigé Ja division lllorand sur lagrande rcdoutc,
et laissé la division Gudin au pied de l'ouvragc,
dans l'intcntion de ménagcr ses rcssourccs. La
division lllorand, couduite par songénéral, avait
gravi au pas le monticulc sur lcqucl la formi–
dable rcdoute était coustruite, et avait supporlé
avcc un ádmirablc sang-froid le fcu de quatrc–
vingts pieccs decanon. lllarchant au milicu d'un
nuagc de fuméc qui permcttaita peine i1l'cnncmi
de l'apcrccvoir, ccttc hérolquc division était
arrivéc tres-pres de la rcdoule, et lorsqu'cllc
avait étéa portécde l'assaillir, lcgénét'al Bonarny,
a la tele du
50•
de lignc, s'y était élancé
a
la
balonncttc, et s'cn était emparé en tuant ou
cxpulsant les llusscs qui la gardaicnt. Alors la
division tout cntierc, débouchant
a
droitc el
a
gauchc, avait rcpousséla division Paskcwitch du
corps de llaéffskoi, lcquclsctrouvaitainsircfoulé
d'un cóté pa1· lllorand, de l'autrc par les cuiras–
siers de Latour-1\laubourg.
Le momcnt était déeisif, et la bataillc pouvait
ctre gagnée avcc des résultats immcnscs, quoi–
qu'il füt
a
peine dix hcures clu matin. En effct,
au cent1·e, lagrande rcdoute était p1·ise;
a
droilc,
les trois llechcs étaicnt priscs égalemcnt, et si on
dirigcait un cfTort vigourcux sur le ''illagc de
Séménoffskoié, en passanl en force le ravin <¡uc
Latour-1\laubourg vcnait de franchira l'a1·cnture,
que le corps détruit de llaéffskoi était incapablc
de défcndrc, on pouvait foirc une profondc
trouée dans la lignc cnncmic, y pénétrc1· commc
un torrcnt, et en se portant jusqu'i1 Gorki, der–
rierc Borodino, cnfcrmcr le centre et la droite
de l'arméc russc, actucllcmcnt inaclifs, clans
l'anglc formé par la Kolocza et la llloskowa. Du
point ou Mural et Ncy étaicnt placés, c'cst-it–
dirc du bord clu ravin de SéménofTskoié, tl'ou ils
formaicnt un renlrant dans la lignc russc, ils
voyaicnt par derrierc les corps de boctoroff, de
Bagowouth et d'Ostcrmann; ils voyaicnt lespares
et les bagagcs ele l'arméc russc, amassés sur la
routc
DCU\IC
de Moscou, qui comrncngaicnt
a
batlrc en retraitc, et ils brulaicnt d'impaticncc
:i
l'aspcct de lant de résultats possiblcs, prcsquc
ccrtains, qu'il suffisait d'unc dcmi-hcurc pour
rccucillir, rnaisd'unc dcrni-hcurc aussi pour lais-
lcr échappcr sans rctour.
_
Malhcurcuscmcnt Napoléon n'était pas la, et
ce n'était pas sa place, il faut le rcconnaitrc, car
viugt généraux et coloncls y avaicnt déjit suc–
combé. C'était un miraclc que Ncy et Mural
fusscnl dcbout, et il cut été pcu scnsé de fairc
dépeudrcd'un boulct Je sortdc l'arméc elde l'cm-