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LIVRE QUARANTE-QUATRIE!IE.

Alexonelre ayant eessé <l'clre responsablede In

eonduilc de la gucrrcdepuisson éloignemcnl de

l'arméc, tout l'odicux des dcrnicrs événcmcnts

militnircsétnitrclom1Jésur l'info1'lunéllarclaydc

Tolly. Avoir pcrelu Wilrrn, \Vitcbsk, Smolcnsk

sans bataillc, ctre en retrailc sur la roulc de

Moscou, livrcr le creur de l'cmpirc

a

l'cnncmi

sans immolcr eles millicrs d'hommcs, élait un

crimc, une vraic trnhison, et les masscs en pro–

nongant le nom de Darclay ele Tolly qui n'élait

pas llussc, disaientqu'il n'y nvait pas

¡,

s'étonnc1·

Uc tant de rcvcrs, que tous ces étrangcrs mtscr–

vicc de la Russic la trahissaicnt, el qu'il fnllait

s'cn eléfnirc. Ce cri populairc rclcntissait

11011-

sculcment dans l'arrnéc, mais dans les villes et

les campngncs, et surlout

a

Saint-Pétcrshourg.

J,cs cnvicux sétaienl joinls aux emporlés, pour

elé11onccr Barclay de Tolly commc l'nutcur de la

cataslrophc ele Smolcnsk. Et qu'y ponvait-il,

l'infortuné? Ric11, commc on l'a vu. 11 arnit

sacriQé douzc millc llusscs pour que ccllc perle

ne

ftit

pas consomméc sans une largc cffusion

de snng, etsontort, s'il cn avaitun,·c'étaild'aroir

foit ce sacrificc, car Smolcnsk ne pouvait pas

élrc séricuscmcnt défcnduc. Toutcfois, dans les

malbcurs publics, il faut qu'on s'cn prcnnc

a

quclqu"un, et la rnultitude choisit souvcnt pour

victime le bon et couragcux ciloycn, qui scul

scrt utilemcnl le pays

!

Ces misercs ne sont pas

parliculicrcsaux ttats libres, clics apparticnncnt

ii

lous les États oir il y a des masscs aveuglcs, et

il y en a sous le dcspolismc au moins autant

qu'aillcurs.

Barclay de Tolly était done perdu. Les gens

scnsés cux-ml:mcs, voyant le déchaincmcnt au–

qucl il élail en bulle, l'insubordination qui en

résultait dans l'arméc, étaient d'avis de le sacri–

ficr. Au milicu de ce délirc, il y avait un nom

qui se trouvait dans loutcs les bouchcs, c'était

cclui du généralKutusof, ce vieux soldat borgnc,

que l'amiral Tchilchakolf avait remplacé sur le

Danube, qui précédcmmcnt avait pcrdu la

balaillc d'Auslerlilz, el qui oéanmoins était dc–

rcnu1 par son nom tout

a

rait russc, par sa

qualilé d'ancien élhc de Souvarow, le favori de

l"opinionpublique. Cequ'il

y

a desingulicr, c'cst

qu'on ignorait que la balaille d"Austerlitz avoit

été perduc nrnlgré lui, cilr le pulilic ne savait

pa quºil avait conscillé de ne point la livrcr;

mais la

JJilSsion

n'apas bcsoin di! bonncs raisons,

elle cst toujours pour cllc-mcmc sa raison la

mcillcurc.

11

faul ajoutcr,ccpendant, que Kutu–

sofarail rétabli les alfaircs des Russes dnns la

dcrniCrc campagnc

conl.rc

les Turcs, et que,

bien qu':igé ele

soixnnlc

et dix ons, cntiCrcmcnt

usé par lagucrrc et les plaisirs, pouvnnt 1 peine

se tcnil'

a

chcval, proíondémcnt corrompu, faux,

pcrfidc,mentcur, il nvait une prudcncc consom–

méc, un art d'cn imposcr aux hommcs néccs–

saircdans les tcmps de passion, au point d'ctrc

dcvenu l'idole de ceox qui voulaicnt la gucrrc

de bataillc, toül en étant lui-mcmc partisan

décidé de la gucrrc de rctrailc. Mais nucun

hommcn'était plus eapable que lui de s'emparer

des esprits, de les diriger, de les domincr en

a!fcctanl les passions r¡u'il n'avnit point, d'oppo–

ser

a

Napoléon la paliencc, sculc arme avec

laqucllc on pul lehallrc, et de l'cmploycr sans la

montrcr. La Providcncc, qui, dans ses irnpéné–

Lroblcs dcsscins, avait snns doutc condamné Nn–

poléon, la Providcncc, qui lui avnit résen•é

1>our adl'crsaircaux cxlrémités de la Péninsulc,

un esprit fcrmc et scnsé, solide commc les

rochers ele Torrcs-Védros, lord \Vcllinglon, lui

réscrvait daus les profondcurs de In Russic, non

pas un caraclcrc inébranlablc, ainsi qu'il le fal .

lait aux cxtrémités de InPéninsulc, ou

il

n'yavait

plus

a

reculcr, mais un astucieux et pnlient

ontagonistc, flexible commc l'cspacc dans lc–

qucl

il

fallail s'enfonccr, saclwnt

a

la fois céder

el résistcr, capnblc non pas de 1•aincrc, mais de

trompcr Nnpoléon, et de le vaincrc en le trom–

panl. Ce nesont pas des égaux que InProvidcncc

opposc nu génic quand elle a résolu de le punir,

muis des inféricurs, instrumcnts bien choisis

de la force des cboses, commc si clic l'Oulnit le

chaticr davantogc en le faisant succombcr sous

des ndvcrsaircs qui ne le valent point.

Le vicux Kulusof était done le sccond ndl'er–

sairc qui allnit arrclcr Napoléon

a

l'autrc cxlré–

mité elu contiacnt curopécn , et

il

fnul recon–

naitrc que jamais la passion populairc, dans ses

cngoucmcnts irréfiéchis, ne s'était moins

lrom–

péc qu'cn désignant Kutusof nuchoix de l'empc–

rcur de llussic. Quand nous disons la passion

populairc, nous ne prétcndons pas que la popu–

lacc de Saint-Pétersbourg se íüt soulcvéc pour

imposcr un choix ¡, l'cmpcreur , bien que le

pcuplc

a

dcrni barbare de ces contrécs prit une

part considérnblc el légitime aux circonstanccs

du mome11t; mais la passion pcul avoir lecarnc–

lerc populnirc , mcme dans une cour. Elle a ce

caractCrc, lorsquesages et fous, jcuncs etvieux,

bommes et femmcs , cxigcnt une ehosc sans sa–

voir pourc¡uoi, l'cxigcnl pour un nom, pour des

souvcnirs mal nppréciés, et prcsque jamnis pour