MOSCOU. -
AílUT
1812.
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Je role qu'on lui avait rcpréscnté commc plus
approprié
a
sa dignité, commc plus ulilc
a
la
défcnsc de l'crnpirc, cclui d'cnthousiasmcr et de
soulcver les populations russes conlrc les Fran–
~ais.
Arrivé
a
Moscou, il
y
avait convoqué le
corpsde la noblcssc et cclui des nrnrchands, nfin
de lcur dcnrnnclcr des prcu1•cs clTicaccs de lcur
clévoucmcnt au princc et
ii
la patrie. C'cst le
golll'crncur Hoslopr.hin qui avail été chargé de
ces convocations, et il n'avait pas cu de peine
a
cnílammcr les esprits, que la préscncc de l'cn–
ncmi sur la routc de Ja capitalc rcmplissait d'unc
sortc de furcur patriotiquc. AInvuc d'Alcxandrc
vcnant réclnmer l'appui de la nation conlrc un
envahisscur étrangcr, des sanglots, des rris d'a–
mour avaicnt éclaté. Ln noblcssc avait voté la
lcvéc d'un hommc sur dix dnns ses !erres ; le
commcrcoavait rolé des subsides considérablcs,
el avccccs hommes ctccLnrgcnLonclc\
1
ail formcr
une mil ice qui,dans legouvernement de Moscou,
scrail, <lisait-on,
de
quntrc-vingl mil/e
hommcs.
Ces levées, indépendantes de ccllcs que l'empc–
reur allait ordonner dans les domaincs de la
rouronnc' clcvaicnt clre imitécs dans tous les
gouvernements que l'cnncmi n'occupait point.
Aprcs avoir reeucilli ces témoignages d'un pa–
triotisme ardcnt et sincere, Alcxandrc s'était
rcndu
h
Saint-Pétcrsbourg, pour y prcscrirc
tnutcs les mesures qu'cxigcail cellc espi:cc de
lcvée en masse, et pour présider
a
la direetion
généralc des opérations militaires. La noblcsse
rCsidanl en ce momcnt tlans la capitalc se com–
posaiL de vicux Russes que lcur :ige
for~ait
;'1
vivrc éloignés des cmnps; elle était charméc
cl":woirramené Alcxandrc nu centre ele J'cmpirc,
et de le ten ir en quclqucsortc sous sa main, loin
des fortes imprcssions d11 eharnp de bataillc, loi11
surtout des sérluetions de Napoléon, car on m1i–
gnait loujours qu'une enlrcvueaux avanl-posles
lesoir d'unc bataillc perdue, ne le fil tombcr de
nouvcau dans les licns de la politiquc de Tilsit.
MM. Araktchejcf, Armfeld , Stcin, lous les con–
scillcrs russcs ou allcmands, qui dcpuis le départ
de Wilna étaicnt allés atlcndre Alcxandrc i1
Saint-Pétcrshourg, l'cntouraicnt, le lcnaient pour
ninsi tlirc nssiégé, et n':mraicnt pas pcrmis une
résolution qui ne fiil pas conforme
n
leurs pas–
sions. lis avaicnt trouvé un rcnfort d'influcncc
dans la préscnec de lord Cathcart, legénéral
<JUÍ
avait commandé l'arméc britanniquc dcvant Co–
pcnhaguc, et qui venait rcpréscnlcr l'Anglclcl'l'c
a
Saint-Pétcrsbourg, dcpuis la paix 1lc eellr. p11is·
sanee avec la cour de Hussie.
corrsuu.r.
4.
Cctlc paixs'était conclue enun inslant. imrné–
dinlcment nprCs l'ouvcrturc des hostililés, mnis
point nvnnt, ainsi qu
1
Alcxandrc l':niait promis
:1
M. de Lauriston. Ellcs'élait négociéc entre M. dü
Suchtelen, rcprésenlantdclallussie,ct
~l.
Thnl'll–
ton, ogcnt nnglais cnvoyé en
SuCclc,
el
clic
nvnil
stipulé le eoncours de toulcs les forces des dc11'
empires pour le succcs de la nouvelle gucr1·r.
Lord Cathearl était nrrivé aussitót la paix signfr.
Le langage de eet arnbnssadeur et des conscillcrs
allemands, appuyé par le princc royal de Sucde,
consistait
a
dirc que dnns cctte gucrrc on ne
triomphcrnit que par la pcrsévérance; que sans
doule on pcrdrait des bataillcs, une, dcux, lrois
pcut-Ctrc, mais
qu
1
il
suffirail
d'cn
gngncr une
pour que les
Fran~ais
fussent détruils, avancés
comrne ils l'étaient dans l'intérieur de l'cmpirc.
Alcxandrc, qui était blessé au fond du emurdc In
maniere hautainc dont Napoléon l'avait traité
dcpuis deux nnnécs, de l'inscnsibilité visilJle
avee laqucllc ses ouvcrtures de paix avaicnt élé
aeeueillics, était déeidé, maintenant que laguerrc
élait engagéc,
h
ne pas céder, et
a
résislcr jus–
qu'h la dernii:re cxlrémité. ll avait coníianec
dans le systcmc de retraite eonlinuc, il en avnil
cornpris la po1·téc, et
il
le voulait s11ivrc, snns
tomher dans la triste inconséquencc dont ses
compatriotcs donuaicnt actucllcrnent l'cxcmplc.
En cffct, landis qu'ils se prévalaicnt tous les
j11urs rlc l'nvantagc qu'il
y
aurait pour cux
a
se
rrtirer dans les profondcurs de l'cmpire, el
h
)'
altirer les
F1·an~ais,
ils ne savnient pns foire eu
altcndnnt tous les sacrificcs que comporlait ce
gcnre de gucrrc. 11 fallait effcctivement se ré–
signcr
li
une
sortc d'humilintion passagCrc, ccllc
de rélrogrndcr sans cessc, etde plus;\ des pc1·trs
cruellcs, car ce n'étaienl pns les 111alhcu1•cuscs
villes de Srnolcnsk, de Wiasma, de Ghjat, qui
payaienl sculcs ccttc tactiquc ruinruse, e'é1aic111.
aussi les seigncnrs propriétn.ircs de ch:Hc:mx
rL
de
villngcs situés sur la routceles
Frnn~ais,
d:rns
une zone de douzc
:'1
quinzc licues de largcur.
Daus toutc cclle région, il ne rcstait que des
cendres, c:ir ce que les Frnngnis snuvaicnl de
l'inccJlllic,
ils
le
briilnicnt cnsuitc
cux·mCmes
par négligcnce; et, pnr une contrndiction
sin–
guliCrc, tandis
qu'on
:wrait
d1'1
comprcndrc In
néccssité de ces sacrifices, et approuvcr les
gé11éraux c¡ui
hnllaicnt
en
rctraitc endétruisanl.
tout sur leur chemin, on les appclait des hiehcs
ou tlcs Lr:liLrcs
f(Ui
n'osnicnt pns rcg:wder lrs
Fr:rngnis en facc, rt qui nimaicnt micux lcur
opposer des 1•1Jines quedu saug
!