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J.IVRE QUARANTE-QUATRIEME.
savoir dédaigner les vains propos de la solda–
lesque, qui a aussisouvent perdu lesarmées que
Ja mulliludc a perdu les États Jilircs quand on
l'a écoutée. Pour nous
Fran~ais,
il
ne pouvait
ricn arriver de plus hcurcux que de livrcr ba–
taille pres de Srnolensk; pour les.Russcs, il ne
pouvait ricn y a1•oir de plus funesle. Mais les
chefs de l'armée, recucillanl les plaintcs des sol–
datset surtout eelles de la nation, clont on bni–
Jait les villcs et les 1·illagcs, disaient qu'on se
défcndait avcc des ruines,avcc des ruines russes,
et qu'il scroil plus noble et moins dommageable
de se déíenclre avec du sang. L'cmporlemcnt des
esprits était tcl, qu'on se dcmandait avec raison,
si, malgré tout Je dangcr d'uoe bataille livréc
nux
Fran~ais
si prCs ele lcurs ressourccs,
iJ
n'y
aurait pas un dangcr plus grand encare
11
Jaisscr
la démoralisation s'inlroduirc dans les troupes,
el a fournir plus Jonglemps prétexle :\ (:emépl'is
des chefs qui
commcn~ait
a engendre!' Ja plus
affrcusc indiscipline. C'est ce motif qui avait dé–
cidé Barclay de Tolly, et Jui avait íait abandon–
ner Je projet de rclraitc a l'intéricur, pour cclui
d'unc bataillc acharnéc, livréc imruédiatemcnt.
En conséqucncc, il avait cnvoyé Je quarticr–
nrnitre général, coloncl Toll , pour choisir un
charup de balaillc, et celui-ci avait adopté la po–
sition qui s'était offerlc dcrricrc l'Ouja, co avant
de Dorogobougc. Arrivé la le 22, llarclay de
Tolly avait changé l'crnplnccmcnt de la dcuxicme
arméc, que commandait le princc Bngration, et
J'avait établie a sa gauchc, au point mcmc ou
nous pouvions tourncr la ligncdes Husses.Toulc
la journéc du 25, en elTel, ils'applir¡ua
li
étudier
les lieux, a s'y bien asscoir, et a y faire ses pré–
paratiís de combat. Mural et Davoust, quoique
appréciant différemmcnt l'état moral de J'cn–
nemi, ne se trompaicnt clone pas en écrivant
a
l'Empcrcur que les Husses étaient prcls
a
lil'rer
batailJc, et que, si
Oll
était disposé a J'acccpter,
il fallait accourir en massc pour combatlre a1•cc
toutcs ses forces.
Napoléon
re~ut
ccllc nou1•ellc r¡uclques heurcs
apres qu'clle avait été cxpédiéc; car, s'il avait
falJu trois jours aux troupes ele J'al'anl·garde
pour franchir cet espace, dix ou clouzc hcurcs
suffisaient
a
un eourricr. En Ja l'CCCl'ant, Napo–
léon résolut de quitler Smolensk pour courir
il
ccl éréncment décisií, éclatant, dont il croyait
avoir besoin pour se soutenir dans
);¡
position ou
il s'était mis. J.e foil scul de son déplaccrnent
al'eC toutes ses forces pour Se rendrc a plusiCUl'S
journées de Smolcnsk, trnnchnit
íl
moitié In
qucstion qui Je préoceupait aelucllcruent, mais
la tranchail sans qu'il s'en dont:it, car les raisons
cl'aller cherchcr ccttc bataillc tnnt désiréc, fut·cc
a quclques marches, étaient si forles, qu'il n'y
avait pas
a
hésiter. 11 n'hésita done pas
¡,
partir
le 21., avcc la garde, sans résou<lrc cncorc au
surplus rl'une maniere irrévoeablc la question de
savoir s'il hivcrncrait en Pologne, ou marchc–
rait a Moseou. 11 n'cn
fit
pas moins toulcs ses
dispositions comruc pour un départ définitií,
parce c¡uc, sans étrc enticrcruent décidé,
il
se
doulait qu'il pourrait étre entrainé plus loin, et
qu'il ne voulait pas íaire un pas en avant sans
avoir pris sur ses derrieres des précautions
dignes de sa prévoyance.
Déja il avait cmployé cinq jours a ordonner
a
Smolcnsk les établissements militaires qu'ilcréait
partout ou il passnit, et qui malhcureuscment ne
s'achcvaient pas toujours quand il était parti. 11
avait prcscrit Ja construction de vingl-quatrc
fours, Ja convcrsion des couvenls et des égliscs
en magasins, l'approvisionnemcnl de ces maga–
sins avec les ressourees du pays, la formation
d'un vastc hópilal pourvu de tous les objets né–
cessaircs, clisposition urgente,caronavaitqualrc
mille
Fran~ais
et trois ruillc Husses
a
panser, et
Je matériel des ambulanees étant restéenarricre,
on était obligé de suppléer au Jinge avec Je pa–
picr des vicilles archives de Smolcnsk. 11 avait
prcscrit eneore l'enlcl'emcnt des corps ruorts,
que la popnlalion fugitive ne pouvnit faire dis–
paraitrc, et dont Ja présence sur un sol brulant
était non-sculemcnt hidcusc, mais pestilentielle;
l'établisscmcnt d'un pontsur pilotis
a
Smolensk,
la réparation des murailles de cette villc, leur
:mncmcnt, el eufin cent autl'CS mesures d'unc
égalc ulilité. 11 laissa dans Smolensk une divi–
sion desa jcuncgarde sous legénéral Delabordc,
eclui qui avait si bien scni en Portugal; en at–
tcndant que les clétachemcnts restés sur les der–
riCres pusscnt venir formcr la garnisonde cette
ville importante, il
y
appcla ccux qu'il avait
laissés a Witebsk, oú ils dcvaicnt clrc rempla–
cés par d'autres.
11
changea la route de l'armée,
et au lieu ele Ja fnire passer par les points que
Iui·mCmc avail parcourus dans sa marche, .c'cst–
a-dirc par Gloubokoé, Ouehalsch, Beschenko–
wiezy et Witcbsk,
il
décida qu'ellc passcrait par
Smorgoni, Minsk, Ilorisow, Orscha, parce qu'clle
scrait ainsi plus courte. 11 décida que les batail–
lons de marche, ::imcnant les rccrucs
a
l'armée
selon les regles qu'il avait dcpuis longtcmps éta–
blies, suivraicnt cctle nouvellc ligncd'étapes.
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