MO
cou. -
AOUT
·1812.
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leurs caracteres. La bravoure éclalanlc mais i11-
considéréc de Murat , prodigua11t follcme11t sa
cavalcrie daus les 1·cco11naissanccs, mais elans les
combals la jclant sur l'cnncmi avcc un mcrveil–
lcux i1-propos, et nrnlheu1·euscmcnl ne saclrnnt
pas Ja ménagcr de maniere
a
Ja faire dLll'CI', élail
anlipalhir¡uc i1 la solide et froiele raison elu ma–
réclrnl Davoust, qui ne dépcnsait inulilcmcnt 11i
lavicni les forces deses hommcs,
nvan~ait
moins
l'iler1ue d'aulrcs, et c11 1·eva11che ne rcculailja–
mais. Quand Murat, cngagé al'ce lémérilé, de–
mandait l'infanlcrie du maréchal, celui-ci l'amc–
nait sans se faire allcndrc, tirnil d'embarras le
brillant roi de Naplcs, suns jamais vouloir lou–
lcl'ois lui conficr eles soldals ele la vie dcsquels il
élnil ava1·e.
JI
n'yavaicquequclqucs jours <¡u'ils
nm·chaicnl unscmble, et drjil il s'était élcvé cnt1·e
eux de vives allcrcalions, dans lcsqucllcs la vi–
vacilé du clicf couronné de nolrc cavalcric était
vcnue se briscr conlre la ténacilé du chef de
nolre infanlcric. A11ssi se conlredisaicnt-ils sans
ccsse daus leurs rapporls
u
l'Empereur.
J,'ennemi, dont le général Barclay de Tolly
dirigeait la rclraile, se rclirait avec ordreet fc1'–
melé, ayanl
it
sou nrriCrc-garclc une c¡uanlité
rcslreinle, mais suffisanle el bien choisie, cl'i1J–
fanlcrie légcre, d'arlillcrie et de cavalel'ie. 11
rélrogradail par échclons,
pla~ant
sur loulc po–
sition ou il pouvail arrclcr nos caYalicrsquclques
picces de ea11on attclécs el des liraillcui·s, et la
cléfcndant avcc ces rnoyens jusqu'au momcnt oú
nolre infanlericarrivait. Alors sculcmcnt il s'cn
allait en loule h:ile, se repliait dc1·ricred'aul1·cs
échclons aussi bien postés, et ne
lan~ait
enfin sa
cavaleric que dans les licux découverls, <1uand
clic avait chance de ramencr la nólrc. Rien dans
ccllc maniere d'agir
11'annon~ait
elu trouble ou
du découragemcnl, et loul rél'élail aucontraire
unerésistance qui de,
1
nit granel ir successivcmcnt,
jusqu'a devenir une bataille générale lorsque
l'cnncmi jugcrait convcnable d'en livrcr une.
Mural, n'obscrvant que trcs-supcrliciellcment ce
qui se passait dc1•anL lui, ne lcnant comptc que
de cet abandon succcssif des positions occupécs
par l'enncmi, prélenelait que les Husscs étaic11L
elémoralisés, et que, des <¡u'on pounait lcs join–
clre, on n'aurait qu'a les abordcr pour les acca–
blcr; qu'il suffisait clone de marcher vilc pour
lrouvcr sur son cbcmin l'occasion d'un ucau
lriomphc. Le maréchal Dal'ousl soulenait fortc–
ment lecontrairc, et aflirmaitqu'il n'nvnitjamais
vu une 1·ctraile micux concluitc, cL dont il fUt
moins facilc de triomphcr en galopanl su1· les
t1·accsdel'cnncmi. 11 pensait que, saus s'épuiscr
~1
couri1· ap1·Cs les Russcs, c1u'on ne réussi1·ait
pasa dcvancc1', on les rcncontrcrait bicnlól elans
une posilion ele leur cl1oix, ou ilssedéfcndruicnt
a
outrancc, el elcvanl laquclle on fcrail bien, si
011 voulait liHcr balaillc, el'arril'era\'cc dcsrorccs
sngcmcnt ménngécs. 11 Cl'oyait clone i1 une ba·
taillc prochainc, maissanglantc, et l'uncdes plus
terribles du sicclc.
JI
écrivait en ce scns
¡,
Napo–
léon plus d'unc fois par jour, et conlrcdisait
par consér1ucnt lous les rappo1·ts de Mt11•at.
Pourlant ces elcux chefs de nolrc avant-garde
élaicnt el'accorel su1· un point, c'cst r1u'on lrou–
l'Crail hic11tól une balaillesur son chcmin, faeilc
suivant !'un, diOicile suivant l'aulrc, cerlainc
suivant lous les dcux.
En approclwnt de Dol'Ogobougc, on
apcr~ut
les Husses rangés en bataillc dcrricrc une pctit.c
ril'icrc qu'on appclle rouja, et qui, aprcs avoir
t1·avc1
1
sé
des
tc1Tai11s
plus
ou moi11s
accidcuté::,
allail se jetcr l'e1·s nolre gauclieclans le Dniépcr,
i1un licu nommé Ouswiat (\•oir la ca1'lc 11
11
55).
A lcu1·aUituclc,
a
ICUl' nombre, il leu1· vasle dé–
ploicmcnt, on elcl'ait croirc
a
une aITaire géné–
ralc. La pelilc rivicrc qu'il fallait francl1ir pour
les allcind!'c u'élait pas un obstaclc biensérieux,
mais elle avait des bords fangcux et cl'un acccs
diOicilc. Toulcfois, en remontan! un pcu sur
not.redroilc, on a1'nit l'cspfrancc de lournc1· les
Busscs, et, si l'on a&issait de ce coté avcc eles
forces suffisantcs, il élait probable qu'on par–
Yicnelrait
n
les rcfoulc1• dans l'angle que l'Ouja
fol'mc arce le D11iépcr.
11
y al'ait done en cct
cndl'oit chance d'unc grande et décisivc rcn–
conlre, et Slll'-lc-ehamp Davoust et Mural le
rnandcrcnt i1 Napoléon, se lrouYni1t ccllc fois
sculcmcnt du mcmc avis dans le rapport qu'ils
lui acl1·cssercnt. L'arméc polonaisc, qui ma1·ehait
il
<lcux licues su1· notrc droitc, alla pl'cndl'Cpo–
sition Ycrs les sources de l'Ouja, point par lcqucl
on cspérail toul'ner l'c1rncmi. C'cst le 25 au soir
que not1·c avanl·garelc, particdeSmolcnsk le
20,
enroyace rappo1·t a Napoléon.
Ce qu'cllc avnit Cl'U apc!'cevoi!' était la véi·ité
méme. Le judicieux et intrépiclc llnrclnydeTolly,
apl'CS avoir bravé coul'agcuscmcnt les pl'opos
injurieuxdont il était l'objct, senlait sa fc1·mclé
sévanouir, surtout elcpuis la l'C[l'aitc de Smo–
lcnsk, qu'il lui av:lil fallu ordonner malgré lous
les
géné1·aux.
russcs,
cL
enpnrllculic1·malgré le
pl'inec Bagration. Le cléchaincmcnt conlre lui
était univcrscl. Les générauxcommc les l1on1111cs
politiqucs ont bcsoin de couragc civil, et doivcnt