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LIVRE QUARANTE-QUATIUEME.
et de ramener en arriere la droite des fütsses,
qu'aulremenl on aurail pu p1·end1·e entre la Po–
lota el la Dwina. Malgré ccllc faute, résultal
d'un execs de bonne volonlé, sur le front cnticr
eles <lcux armécs nous étions complétcmcnl vie–
toricux, el l'cnncmi était ramcné sur lous les
points
¡,
la Iisierc de la forct de Gumzéléva, d'ou
il avail débouché sur nous. Si nous avions cu
enco1·e une hcut'e de jour, et si nos troupes
avaient été moins faliguécs, nous aul'ions pu, en
le suivant dans la forct, lui enlcvcr bcaucoup ele
prisonnicrs et d'artillcrie. Mais nos soldats, lom–
bant de lassituele el quelc¡ucs-uns d'inanition,
étaient hors el'étal d'aller plus loin. On s'arreta
done
it
la lisicrc de la forct, aprcs une vicloirc
brillante donl les lrophécs consistaienl en ·l
,~00
prisonnicrs, 14 picccs ele canon, une grande
11uanlité de caissons, et 5 mille hommcs lués
a
l'cnnemi. Nolre perle n'allcignail pas un mil–
licr d'hommes. Le principal avantage de cellc
joumée étail d'avoir rcfoulé au loin le comle de
Wiltgenslcin, de lui avoir foil pcrd1·e le goüt de
l'olTensive , du moins pour c¡uelquc tcmps, de
pouvoir nous reposer tranquillcmeul en avanl
de Polotsk, el de ne plus craindre de voir enle–
ver nos fourrageurs, si loin qu'ils allassenl. Le
seul regrcl étuil celui qu'inspira la mor! elu gé–
néral Dcroy, el il ful univcrscl.
Cclte vicloire connue
it
Smolcnsk le ·19 aotil,
lcndcmain du jour ou l'on y était entré, causa
une vive satisfaclion
a
Napoléon, et le rcndil
juste cnfin pour le général Saint-Cyr, don! la
rapide déterminalion nous avait fait regagncr
sur la Dwina le prcslige de la victoirc. Napoléon
Jui envoya le Mton ele maréchal d'empire, bien
dü
!t
ses talents qui élaient grands quoique galés
par des défauts de caractcre.
JI
lui adressa en
mcme lemps de nombreuses récompenscs pour
les troupes
fran~aises
el bavaroises qui s'étaient
parfaitement conduiles, ne voulut pas qu'il y cut
entre clics la moindre dilTérence, et accorda des
<lotations aux veuves et aux orphelins des offi–
ciers bavarois, toul comme aux vcuvcs el aux or–
phelins des officiers
fran~ais.
JI
décerna aussi des
honneurs tout parliculiers
a
la mémoire du gé–
néral Deroy. La perle ele ce général et celle du
général Gudin élaienl les plus grandes que l'ar–
méc etil encore faites. Elle devait, hélas
!
en faire
bientót, sinon de glus grandes, au moins ele bien
plus nombreuses
!
La blcssure du maréchal Ou–
dinol n'avail heureusemenl rien de grave, quoi–
qu'elle dtil pcndant plusicurs mois lui intcrdirc
l'excrcice du commandcmcnt.
Ces dcux victoires de Gorodeczna el de Po–
lolsk, rcmportécs, !'une le ·12 ao[1t, l'autrc le 18,
scmblaicnt garantir la sécurité de nos llnncs, el
nous pcrmcttrc de nous avanccr davantagc, si
l'espérancc d'unc victoirc décisivc vcnait luirc
sur la route de Moscou. Napoléon en jugca ainsi,
el complant que les Autrichiens et les Saxons
suffiraicnt sur sa droite pour contcnirTormazoff,
que les
l'ran~ais
et les Bavarois de Saint-Cy1· suf–
liraicnt sur sa gaucltepour arrcler 'Vittgenstein,
sans compler le maré_chal Macdonald laissé entre
Polotsk el Riga, il ne trouva dans la situation··c1c
ses ailcs aucunc l'aison de s'arrCtcr, si toutcfois
il voyait chance, en se portan! en avanl, ou de
lermincr la gucl'l'e, ou de lui donncr un grand
éclat. On uc pouvail entrevoir qu'une chance
fachcuse, c'était le rctour probable de l'amiral
TchitcltakolT, 'c¡uc la paix des Russes avee les
Turcs allait rendre disponible. Mais le ()
0
corps,
cclui du eluc de llellune (maréchal Victor)., soi–
gncusemenl formé d'avance pour toutcs ces
évcntualités, placé en juin
¡,
Ilcrlin, en juillct
a
Tilsit, allait, en se transporlant
a
'Vilna, olfrir
une précieusc ressource contre tous les accidents
imaginables. Napoléon, pout· asseoir ses résolu–
tions définitives, n'avait done
it
prendrc en eonsi–
dération que ce qui allail se passcr entre la
grande armée réunie sous sa main, et la grande
arméc russc eoturuanelée par llarclay de Tolly,
luquclle était en retraite sur la roule de Moscou.
C'cst sm· ce point qu'il avait les yeux constam–
ment fixés, se demandant toujours s'il fallait rcs–
ter
a
Smolcnsk pour y organiser la Pologne, pour
y préparer ses moycns d'hivernage, au risque
de toul ce que l'Europe penscrait d'une lenteur
si nouvclle, ou bien s'il fallait continuer
a
s'en–
íonccr en.Russie, pour frapper avant la fin de la
saison un coup décisif, auquel ne püt pas tenir
le caraclcre mobile .de l'empcreur Alexandrc.
C'étaient les .rapporls de ses deux généraux d'a–
vanl-garele qui dcvaienl faire pencher d'un cóté
ou de l'autrc la balance oscillanlc en ce moment
dans ses mains.
Mural et Davoust suivaient, en clTet, l'un avcc
sa cavalerie , l'autre avec son infantel'Íe, les
traces de la grande armée russe qui se retirail
par la roule de Moscou. lis avaient occupé Solo–
wicwo, au bord du Dniéper, aprcs qucl!¡ues
combaIs d'arricre-garde, et laissant
a
d'aulres le
soin de conservcr ce poste, ils avaient couru sur
Dorogobouge, dernier point ou la route de Mos–
cou rencontre les sinuosités du Dniéper. Les
rapporls de ces dcux chefs dilTéraient commc