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LlVRE QUARANTE-QUATRIEME.

traitanl trop mal son jeunc frcrc, amené une f,\.

cheuse inlerruption de commandemcnt; d'avoir

enfin en toules choses trop peu compté avcc les

hommcs et les éléments. Mais, indépendamment

de ces fautcs, l'insucces provcnail, commc ces

fautes clles-rncmcs, de l'imprudence de celtc

gucrre, consislant

a

ten!cr avec des soJdalS

''ÍO·

Jemmcnt arrachés

a

tous les pays, et précipi–

tammcnt enrégimentés, des marches sans fin ,

dans des conlrées immenscs, trop pcu fcrtiles et

trop peu habilécs pour suppléer

a

tout ce qu'il

cst impossiblc de porler avcc soi; d'avoir, non

pas manqué de penser aux difficullés d'unc tclle

entl'eprise, ou négligé les moycns <le les vaincre,

mais d'avoir trop facilemcnl cru 11 l'efficacité des

moycns employés; d'avoir agi, en un mot, avec

tout l'cnivrement d'un pouvoir abusé par la con–

tinuité des succcs, el par la soumission générale

des peuplcs. Rcmnrquons cependant que, la folie

de cetle gucrrc élant commencée, si Napoléon

cut été plus fou encere, s'il cut marché droil

clevant lui, sans s'arrcler dix-huit jours

a

Wilna

pour y rallicr ses troupes et ses convois, il aurnit

sans doutc laissé beaucoup plus de monde en ar–

riere, mais il eút peut-ctt·e aussi accablé Barclay

de Tolly d'un cólé, Bagration de l'aulre, et

frappé des coups terribles, qui nuraicnt pu amc–

ncr

h

paix, qui auraient suffi dans tous les cas

a

rcmplir grandemcnt cctte premierecampagne,

et l'auraicnt dispensé d'aller chercher au fond de

la Hussie les résultats éclatants dont il avait bc–

soin pour conservcr son prestige, pour imposer

a

l'Europc, pour tenir ses troupes en haleinc.

Plus lard

il

cut rccueilli une partie des hommes

laissés en chcmin, les plus solides au moins, et

du reste il n'cn cut jamais pcrdu autant qu'il en

perdit hicnlót, pour courir apres un triomphc

qui le fuyait sans cesse. On voit déji1ici, commc

on le verra dans Ja sujte, cctte fataleguerrc mar–

quée au coin d'un double caractcre, cclui d'une

conccption téméraire et d'unc cxécution inccr–

tainc, du génie, en un mol, qui commcnce les

faules, s'en rcpcnt aussilót apres les avoir com–

mcncécs, et échoue par l'hésitation méme que ce

rcpentir pro<luit dans son action. Oscrons-nous

le dirc? Plus aveuglé , Napoléon cut pcul-clre

mieux réussi

!

11 faut ajouter que, quoique sa

santé ne fllt pas atteinte, son activilé semblait

moindrc , qu'il allait plus souvenl en voilurc,

moins souvcnt

a

cheval, soit que la chaleur, un

cmbonpoint croissant, eusscnt quelque pcu ap–

pesanti non pas son esprit mais son corps, soit

que l'énormité de ce qu'il avait cntrcpris clfrayút,

éncrv:lt sn volonlé jadis si fortc et si nrdente,

soit,dirions-nous cnfin si nous partagions davRn–

tage les superslitions humnincs, que la fortune

inconstante ou fotiguée ccss<\t de seconder ses

dcsseins !

Certes, il rcstait cncore

a

Napoléon bien des

combinaisons 11 imaginer, et son inépuisahlc gé–

nie n'était pas

a

bout de rcssources. Barclay de

Tolly,dont on n'avaitpucmpccher la jonclion avec

le princc Bagration, et qui de 90 millc hommes

allait se ttouvcr porté

a

140 mille par la réunion

des dcux armées de la Dwina et du Dniéper,

n'cn devenait pas invincible pour les 250 mille

hommcs que Napoléon était en mesure de lui op–

poser apres avoir rallié Je maréchal Davoust;

Barclay de Tolly, qu'on n'avait pu jusqu'alors ni

surprendre ni envelopper, n'était pas tout

a

coup

dcvcnu tcllement clnirvoyant, qu'il fllt impossible

d'endormir sa vigilance et de faire tomber sur

sa tele l'un de ces coups imprévus sous Jesqucls

avaicnt succombé depuis quinze ans les plus vail–

lantes armécs de l'Europc. Les résultats mcrveil–

Jcux qui signalaienl chez Napoléon tous ses dé–

buts de campagne n'étnient done qu'ajournés,

et en attcndant on avait des résultats solides, la

Lithuanic, Ja Courlande conquises, et, de plus,

l'asccndant des troupes

fran~aiscs

sur les troupes

enncmies maintenu dans tout son éclat. On pou–

vait done se reposcr

a

\Vitcbsk sans de trop som–

bres pensées; et si le repos qu'on avnit pris

a

Wilna prctait

a

Ja critique, celui qu'on allait

prendrc

¡,

Witebsk était

a

l'abri de tout reproche;

car

a

Wilna, au prix de trente ou quarantc mille

trainards de plus, il cut élé possible d'arriver

a

temps sur les derricres de Bngration, sur le llanc

de Barclay; mais

a

Witebsk on ne pouvait ríen,

qu'agrandir davantnge en s'avangant le cercle

que Ilarclay et Bagration allaicnt décrire pour se

rejoindre, sans arriver

a

intcrrompre ce cercle

nullc part, sans faire nutre chosc que sacrifier

il

un résultat insignifiant l'arméc tout cntiCre, en

l'cxposant

a

pél'ir actuellement de chaleur , de

peur que plus tard elle ne périt de froid.

Nnpoléon s'inslalla done pour douze ou quinzc

jours dans le palais du gouverncur de Witebsk

avec sa cour militairc.

JI

distribua ses corps d'ar–

méc autour de luí, de maniere

a

se gardcr de

toule surprise,

11

les nourrir le mieux possiblc,

a

leur préparer une réscrve de vivrcs pour les

prochains mouvements, et 1 pouvoir se conccn–

trer

á

propos sur les poinls oú il faudrait agir.

11 établit

a

Witebsk mcmc la garde impérialc ;

en avant de luí

a

Sourage, pctite villc située au-