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LIYHE QUAllANTE-QUATRIEME.
de secOUl'S
a
lui adrcssécs par le maréchal Da–
voust. Ces demandes élaient fondécs, car si arce
~O
mille hommcs d'infantcric et ·lOmillc de ca–
valcric, ce maréchal ne craignait pas d'cn rcn–
conlrcr le doublc dans un pays tres-fal'orablc
it
In défcnsivc, néanmoins réduit
a
de tcllcs forces
il élait obligé d'Clrc circonspect, de s'avanccr
nvcc précaution, d'cnvoycr des rcconnaissanccs
it droitc et
1
gnuche, de perdre ainsi un temps
précieux. Avcc deux divisions de plus, il cút
chcminé clroit clcv:mt lui, sans s'inquiétcr s'il
pouvait ctre rcjoint par le roi Jéróme; il eút
COUl'U
a
Minsk sans s'arrcter, de Minsk " In Ilé-
1·ézina, de la Iléréziua au Dniéper, jusqu'1i ce
qu'il eút débordé le prince Ilagration. Jérórne
venant ensuite, on cut cnveloppé le prince géor–
gien, et probablement fnit de lui ce qu'on avait
fait du générnl
~lack
1
Ulm. C'ét:iit lit un sigrand
résultat, qu'il valait la peine d'y sacrifier loutc
autre combinaison. Mais pour l'allcindrc surc–
mcut, il follait que le maréchal Daroust pút
marchcrvite, pour marchcr vite, qu'il pUt mar–
chcr sans précaulion, et pour rnarchcr sans ¡11·é–
caution, qu'il cut des forces sufiisantcs, et ne ful
pas obligé d'nttendre une jonction douleuse.
Napoléon, préoccupé de trop de combinaisons
ii
Iníois, nCgligcn malhcurcuscmcnt ces considé–
rntions. Couper Ilagration de Ilarclay de Tolly
lui semblait déja fait, ou
11
peu
JH'CS.
L'cnvclop–
per, le prend1·e, lui paraissait un désirnble et
bcau triomphc; mais il avait cliargé son frCrc
Jéróme de passer le Niémen avec 75 millc
hommcs
1
Grodno, et il pensait que, sauf dcux
ou trois jou1·s de rclard, lajonction du maréclrnl
Dnvoust avcc le roi de Wcslphalie élait prcsquc
infaillible; que ces dcuxchefsdevant réuni1·cent
millc hommcs, en finiraicnt de llagration, soiL
qu
1
ils réussisscnt
il
l'cnvcloppcr,
a
le prcnd1·e,
ou
i1
le battre
11
plnle couture.
11
crut done avoi1·
assez foiL pou1• ce coté de l'imrnense clrnrnp de
bataille sur lcqucl
s'cxer~ait
sa prévoyancc. En
ce moment il médilail une combinaisonqui élait
digne de son vastc génie, et qui clevaiL Jui livrer
;\ lui-mérnc Barclay deTolly, tandis que Ilagra–
tion serait liv1·é
i1
Davoust et
a
Jfróme, ce qui
pouvaitarnencrd'un seul coup la fin de !aguerre.
Entré le 28 juin
a
Wilna, ayant employé une
dizainc de jours ¡, y rallicr ses troupes, et
a
y réorganiscr ses équipagcs, il se llatlait de
pouvoir en partir le Gjuillel. ll al'ait done ima–
giné dese
di1'igcr
sur la
Dwina,
;'1
lahaulcur clu
eamp de Drissa (l'oir la carie nº 1í4·), et, tandis
qu'Oudinot et Ncy attircraicnt lesycux de Ila1·-
clny de Tolly avcc environ 60 millc hommcs, de
manreuvrer dcrricr.c cux, de se porlcr
a
droite
avcc les troisdivisionsreslanles deDavoust, avec
la gnrdc, avcc leprince EugCne, avec la cavalcric
de Mural, de franehir brusquemcnt la Dwina
su1· la gauehe de l'cnnerni, aux environs de Po–
lotsk par excmplc, point ou la Dwina cst trcs–
facilc
a
frnnchir, d'cnveloppcr la grande arrnée
russc dansson camp de Drissa, de la eouper
a
la
foisdes roulesdeSaint-Pétersbourg etdeMoseou,
et de ne lui laisser ainsi d'autre ressouree que
eclle de se fairejour ou de mcttre bas les armes.
Au plan d'unc rclrailc indéfinie qu'il avait par–
failcrncnt disccrné chcz les Russes, Napoléon ne
pouvait pas opposcr une eombinaison plus sa–
vantc et plus rcdoulable, et avcc les forces dont
il disposait, avec son arl de manreuvrcr dcvant
l'ennemi, toulcs les chances élaicnt en sa faveur.
En effct, mcrne apres les marches qu'on avait
exéeutécs, les désertions qu'on avait essuyées,
Ondinot el Ncy eomptaient bien eneore 1í0 et
quclques millc hommcs, les lrois divisions de
Davoustqu'on avaitrctcnues 50millc, lagardc2G
(en foisant unedéfaleation dont nous allons bicn–
tót dire le motif), le prince Eugcne70, Mural
11í,
C'élait une force tolale de pres de deux cent
millc hornmes, comprcnant ce qu'il
y
avait de
mcillcur dans l'arrnéc. Si Napoléonen cmployait
60 millc
a
masqucr son mouvcment, il lui en
rcslait ·140 millc pour passcr la Dwina sur la
gauche de llarelay de Tolly, pour cnveloppcr
cclui-ei et le détruire. Le résuliat semblait ccr–
lain, et oneomprcnd qu'il cnflammal la puissaule
imagination de Napoléon.
11
n'y avait ici qu'un lorl, e'élait de vouloir
poursuivrc tous les buts a la fois,
11
élnit possi–
ble, en cffet, que pour ntleinch·e Ilarclay on man–
quat llagration, eommc ilélait possiblc que pour
attcindre Ilagration on rnanquat Ilarclay.
JI
eút
done fallu oplcr, et s'assurcr d'abord de la dcs–
truction de l'un ,
saur :. s'ritlacher
cnsuilc
il
la
dcstruction de l'nu1re. Or, en se réscrvant
200 mille hommcs , ce qui n'élait pas trop pour
ropérntion principalc, Napoléon en aurait sans
doule accordé asscz au maréehal Davoust pour
l'opération sccondairc, en lui laissanL ·I00 milie
hommcs, s il les lui avait mis dans la main. Muis
de ces 100 rnille homrncs, il y en arait 70 con–
duils par le roi Jéróme, qui avaicnl dú passcr le
Niémcn
a
Grodno, et avaicnt
n
cxécutcr un trajct
de plus de cinquante licues pou1· joindrc le ma–
réchal Dnvoust,
á
travcrs un pays couvcrt de
forets et d'alTrcux marécagcs.