~roscou.
-
rn1ttn
rn12.
207
On voit que de soins divers, d'une multiplicilé
iníinic etd'un succCs doulcux, cxigcait la témé–
rairc enlrcprise detransporlcr 600 millc hommes
<lans un pays Jointain qui pouvait difficilcmcnt
les nourrir, avee un malériel trop pcu é¡ll'ouré,
et avcc un lrop grand nombre de jeunes gens
mélés aux vieux soldats, les uns et les aulrcs
égaux au feu sans doulc, mais
fol't
inégaux
a
la
fatigue. Quoique dcvenu plus soucieux envoyant
de pres les obstaclcs, Napoléon avait cneore tout
entier Jescntimcnl de sa puissancc. En quclqucs
jours en c!Tet il avait eonquis la Lithuanie, et
coupé en deux l'armée russe; il se flatlait de
prendre Bagration, ou de Je mettre hors ele
cause pour longtcmps, et, rualgré la difficulté
des lieux, du climat, des distances, il espérait
de ses savantes manccuvrcs des résullats con·
formes
a
sa politiquc et 1 sa gloirc. Aussi, tout
en rccevant polimcnt le ministre d'Alexandre,
M. de BalacholT, était.-il résolu
a
ne pas accepter
les propositions dont cet envoyé était porteur.
E!Teetivement, pour Alexandre comme pour
Napoléon,
il
n'était plus temps de chercher 11
négocier, et l'épée pouvait seule résoudre Ja ter–
rible question qui venaitd'ctre soulevée. Avant le
passage du Niémen, on aurait pu s'aboucher
encore, et employer quelques jours
a
parlemen–
tcr, personnc n'ayant un sacrifice de dignité
a
faire, puisque Napoléon n'avait pas
a
repasser
le Niémen, et qu'Alexandre n'était pas réduit 1
traiter sur son sol envahi. Le Niémcn passé,
l'honncur était gravcmcol cngagé d'un cóté
comme de l'autrc. Pour Napoléon, il y avait
d'autres raisons cncorc de ne ríen écoutcr, la
saisond'abord, car on élaiten juillct, et il rcstait
a
peine trois mois pour ogir, cnsuilc le tcmps
qu'on allait donncr aux Russcs en nc'gociant, soit
pour amencr sur la Vistule les troupes de Tur–
quic, soit pour réunir les troupes de Bagration
a
celles de Barcia
y
de Tolly. Napoléon (l'avcnir
fui étanl caché commc
a
tous les mortcls) ne
dcvait done pas écoutcr les propositions de M. de
BalacholT. Ne pas eommenccr la guerl'C cut cent
fois micux valu, sans doute ; mais, Ja gucrre
commcncéc, il élait impossihlc de s'arrctcr
a
Wilna, et la sculc chosc conve1rnblc
¡,
fairc était
de rcpousscr polimcnt, et mcmc conrloiscmcnt,
l'cnvoyé d'Alcxandrc. Malheureuscmcnt Napo–
léon fil davanlagc, et ne put s'empcchcr depiqucr
vivemcnt M. de Balacholf, entraincmcnt dont il
ne savait plus se défcnelrc, des qu'il éprouvait
quelquecontrariélé, surlout dcpuis que !';\ge et
le succes l'aYaient porté 1 mcttre de cóté toulc
contraintc.
L'agc
tcmpCrc, lorsquc
Id
vic n
été
un mélnngc de succCs et de
r~vc1•s;
it cnivrc, au
contrnirc,
il
aveuglc, lorsquc la vic n'a ,:té
qu\mc longuc suite de triomphcs.
Napoléon rcgut d'abord M. de BalacholT avec
asscz de politcssc , l'écouta mcme avcc une at–
tention bicnveillantc, lorsque cclui-ci fui <lit que
son mailrc avait été élonné de voir la fronliere
russe violéc si brusquement, snns déclaration de
guerre, et sur le double p1'étexle, trcs-peu sé–
rieux, de la demande de ses passe-porls faite par
le prince Kourakin, et de la conrlition d'évacuer
le territoirc prussien, cxigéc commc préalnblc
indispensable de toute négociation. Napoléon se
laissn répétcr qu'on avait vivcmcnt bhimé le
prince Kourakin , qu'en fait d'évacuation on ne
demandnit que ccllc du tcrritoirc russc , et 11uc
si les Fi·angais voulaicnt repasscr, non pas la
Vistule et l'Oder, mais le Niémen seulemcnt, on
promettait de négocier avec franchisc, cordialité
et le clésir de s'entendre; que la cour de llussie
n'avait cncorc contracté aucun cngagcment en·
vcrs l'Angletcrre (Alcxandrcen faisait donncr sa
parolc d'homme et de souvcrain), que par eon–
séqucnt il y avait toule chance de revenir au
bon accord antéricur; mais que si ccttc condi–
tion n'était pas acceptée , le czar, au nom de sa
nation, prcnait l'cngagemcnt, qucllcs que fJ.Jssent
les chances de la guerrc, de ne point traitcr
tant qu'il rcstcrait un seul
Fran~ais
sur le sol de
la llussic.
Napoléon écoula ce Jangage sans humcur, en
hommc qui a le scntimcnt ele sa force et son
parti pris.
JI
rópondit qu'il était bien tard pour
cntrcr en pourparlcrs, et qu'il lui élait impossi–
ble de
rep~sser
le Niémen.
11
rcproduisit.son
dire accoutumé, c'cst qu'il n'avait armé que
parce qu'on avait armé; que tout en armant, il
avait voulu négocicr, mais que la Russic s'y
était refusée; qu'aprcs avoir annoncé l'envoi
il
París de M. ele Ncssclroelc , elle n'cn avnit plus
parlé; que de plus elle avait donné
a
M. de
Kourakin la mission d'cxiger une condition
déshonorante, cellc de repasscr la Vistnlc et
l'Odcr; que c'étaicnt la des choses qu'on pro–
poserait 1 peine au grand-cluc de llndc; qu'en–
fin, pour eo11ro1rncr celtc conduite , M. de
Kourakin avait pcrsisté
i1
rcclamcr ses passc–
ports, et que M. de Lauriston avuit cssuyé un
refus lorsr¡u'il avait demandé l'honncur de se
transporlcr auprcs de l'cmpercur Alcxandrc;
r¡u'alors la mesure avait été comble, et que l'a1·–
mée fran0aisc al'nit dú franchir le Niémcn.