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MOSCOU. -

JUILLET

!8·12.

209

Qucl bcau rcgnc, répéta Napoléon , aurail pu

avoir volre maitrc

1

! -

M. de BalachoIT,ayani peinen sccontcnir, ré–

pondit néanmoins avec rcspecl que, loul en rc–

connaissant la bravourc des armécs

fran~aiscs

et

le génic de cclui qui les commandait, on ncdés–

cspérait pas eneorc chcz les Russcs du résullat

de la lu.tte dans laqucllc on était engagé, qu'on

se ballrait avcc résolution, avcc déscspoir mémc,

eL r1uc Dicu favoriscraiL sans doulc une gucrrc

qu'on croyait juste, car, répélaiL-il sans ccssc,

on ne l'avaiL pas chcrchéc. La convcrsaLion, ra–

menanL

a

pcu pres les mcmcs idécs, fut bicnlclL

inlcrrompuc, et Napoléon quilla M. de Bala–

choITpour rnonlcr

¡,

chcval, apres l'avoir faiL in–

vitcr

a

rlincr pour le memo jour.

Bcvcnu

a

la dcmcure qu'il occupait, et ayant

a

el

mis M. de BalachoIT asa table, il le traila avcc

bicnvcillance, nrnis avcc une familiarilé souvent

blcssante, et le réduisiL plusieurs fois

a

la néces–

silédedéfcnclrc son souvcrain eL sa nation. 11 lui

pal'la

ii

diversos rcpriscs de Moscou, de l'aspccL

de ccttc villc, de ses palais, de ses temples,

commc un voyagcur qui va vcrs un pays qucs–

tionnc ccux qui en rcvicnnent. Napoléon ayant

memo parlédes diverses routes qui mcnaient "

Moscou, M. de BalachoIT, piqué ou vif, luiré–

pondit qu'il y en avait plusieurs, que le choix

dépendait clu point de départ, et que dans le

nombre il

y

en avaiL une qui passait par Pul–

Lawa. Napoléon ayant ensuilc amené.J'cnlrcLicn

sur les nomb1·eux coÜvcnts qu'on trouvaiL en

Polognc, et surlout en Russic, diL que c'étaienl la

de tristessymplómcs de l'état d'un pays et qu'ils

dénolaicnt une civilisaLion bien pcu avancéc.

M. de BalachoIT répliqua que chaquc pays avail

ses inslilutions proprcs,que ce qui ne convcnait

pns lt l'un pouvait convenir

a

l'autrc. Napoléon

ayant insisté, et soutenu que cela dépendait

moins des lieux que des temps, et que les cou–

vcnts ne convcnaicnt plus au sicclc actucl,

M.

de

BalachoIT, poussé de nouvcau

a

bout, répondit

qu'lt la vérité l'csprit rcligieux avait disparu de

l'Europe prcsque cnticrc, nrnis qu'il en restait

encorc dans dcux pays, l'Espagnc et la llussic.

Cctle allusion aux

résistanc~

qu'il avait rcncon–

lrécs enEspagnc, et qu'il pouvait rcncontrer ail–

leurs, déconccrta quclquc pcu Napoléon, qui,

malgré son prodigicux esprit, aussi promptdans

1

Toujours fidClc;\ la coutumc den'admcllrcc¡uc dcs dis–

cours dont lcío111\ au moinscs1ccl'lnin,jc 11'nuraispasrc1ll'o–

lluiL ce dinloguc si je n'awiis sous les ycux le mauuscril

trCs·c11L'ic11x

1

C\'i1lc111menttres-impn1·tial, danslcquclM.dcBa-

Ja convcrsation qu':i la guerrc, ne sut que ré–

pondre. De mcmc que l'extrcme opprcssion pro–

voque la révolte, l'csprit supéricur qui abuse de

sa supériorité provoque quclqucfois dcjustcs re–

partios, auxquc!lcs, pour sa punition, il ne trouve

pás de répliqucs. Tout ce qu'il y avait de sensé

dans l'cnlouragc de Napoléon rcgrelta le langagc

tenu

a

M. de BalachoIT, et en rcrlouta les consé·

quenccs. Napoléon lescntit lui-mémc, ctccrcpas

terminé, il prit M. de Ba!achoIT

a

part, lui parla

plus séricusemcnt et plus digncmcnt, !ui dit

qu'il élait prCt

a

s'arrCtcr et

i1

négocier, nrnis

h

condition qu'on lui abandonnc1·ait les ancicnncs

provinccs polonaiscs, c'est-11-dire la Lithuanic,

sinoo comme posscssion définitivc, au moins

comme occupation momcntanée pcndant la du–

réc des négociations; que la lrnix,

il

la fcrait ¡, la

eondition d'unc coopéralion cntiere et sans ré–

scrvc de la Russie eontre l'Anglclerre, qu'autrc–

ment ce scrait dupcric

il

lui de s'arrclcr, et de

perdrc les deux moisqui lui rcstaicnt pour tircr

de la campagnc commencée les grands résultals

qu'il en cspél'ait. 11 protesta au surplus de ses

bons scntimenls pom· lapcrsonnede l'cmpcreur

Alcxandrc, rejcta sur les brouillons dont ce mo–

oarquc élait cnlouré la mésinlclligence qui était

survcnue entre les dcux cmpircs, rcnvoya cu–

suilc amicalcmcntM. de BalachoIT, et lui fil don–

ncr ses meillcurs chcvaux pour le rcconduirc

aux avant-postes.

Ces mCnagemcnts lar<lifs ne pouvaicnt répn–

rcr le malqui venait d'étre fait. M. deBalachoff,

sans ctrc narratcur nrnlvcillant, avait

¡,

rappor–

lcr, s'il voulaiL seulcment ctrc cxact., une foule

de propos qui dcvaicnt hlcsser p1•ofondémcnt

Alcxandre, et convertir une querelle politiqur.

en une querelle pcrsonnellc. Napoléon en cut

plus tard la prcuvc. Ainsi, quoiqucdouéau plus

hauL point de l'art de séduirc, quand il se don–

nait la peine de l'cmploycr,

il

ne pouvaiL plus

sans dangcr ct1·e mis en

prés~ncc

des hommcs

avec lcsqucls il avaiL

a

trailcr, lant l'irascibililé

de la toute-puissoncc était dcvcnuc chcz lui

violente el difficilc

it

conlcnir. Sa convcrsal ion

célebre avcc lord Whitworlh en

·J

805 montre

que chez lui le mal élait ancicn: maisccllcqu'il

vroail d'avoir avcc M. de BalachoIT, et ccllc que

l'été précédcnt il avait euc avcc le princc Kou–

rakin, prouvent que sous l'inílucncc de succcs

lachoffnracontéccttec111rc\'UC, clqui estlout au1rcr¡u'unc

brochurc i11tércssau1cpuliliéc su1· son comptc

1

maisr¡ui uc

conlicnt cc1·écit c¡uc trCH1li1·égé.