MOSCOU. -
JUILLET
!8·12.
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Qucl bcau rcgnc, répéta Napoléon , aurail pu
avoir volre maitrc
1
! -
M. de BalachoIT,ayani peinen sccontcnir, ré–
pondit néanmoins avec rcspecl que, loul en rc–
connaissant la bravourc des armécs
fran~aiscs
et
le génic de cclui qui les commandait, on ncdés–
cspérait pas eneorc chcz les Russcs du résullat
de la lu.tte dans laqucllc on était engagé, qu'on
se ballrait avcc résolution, avcc déscspoir mémc,
eL r1uc Dicu favoriscraiL sans doulc une gucrrc
qu'on croyait juste, car, répélaiL-il sans ccssc,
on ne l'avaiL pas chcrchéc. La convcrsaLion, ra–
menanL
a
pcu pres les mcmcs idécs, fut bicnlclL
inlcrrompuc, et Napoléon quilla M. de Bala–
choITpour rnonlcr
¡,
chcval, apres l'avoir faiL in–
vitcr
a
rlincr pour le memo jour.
Bcvcnu
a
la dcmcure qu'il occupait, et ayant
a
el
mis M. de BalachoIT asa table, il le traila avcc
bicnvcillance, nrnis avcc une familiarilé souvent
blcssante, et le réduisiL plusieurs fois
a
la néces–
silédedéfcnclrc son souvcrain eL sa nation. 11 lui
pal'la
ii
diversos rcpriscs de Moscou, de l'aspccL
de ccttc villc, de ses palais, de ses temples,
commc un voyagcur qui va vcrs un pays qucs–
tionnc ccux qui en rcvicnnent. Napoléon ayant
memo parlédes diverses routes qui mcnaient "
Moscou, M. de BalachoIT, piqué ou vif, luiré–
pondit qu'il y en avait plusieurs, que le choix
dépendait clu point de départ, et que dans le
nombre il
y
en avaiL une qui passait par Pul–
Lawa. Napoléon ayant ensuilc amené.J'cnlrcLicn
sur les nomb1·eux coÜvcnts qu'on trouvaiL en
Polognc, et surlout en Russic, diL que c'étaienl la
de tristessymplómcs de l'état d'un pays et qu'ils
dénolaicnt une civilisaLion bien pcu avancéc.
M. de BalachoIT répliqua que chaquc pays avail
ses inslilutions proprcs,que ce qui ne convcnait
pns lt l'un pouvait convenir
a
l'autrc. Napoléon
ayant insisté, et soutenu que cela dépendait
moins des lieux que des temps, et que les cou–
vcnts ne convcnaicnt plus au sicclc actucl,
M.
de
BalachoIT, poussé de nouvcau
a
bout, répondit
qu'lt la vérité l'csprit rcligieux avait disparu de
l'Europe prcsque cnticrc, nrnis qu'il en restait
encorc dans dcux pays, l'Espagnc et la llussic.
Cctle allusion aux
résistanc~
qu'il avait rcncon–
lrécs enEspagnc, et qu'il pouvait rcncontrer ail–
leurs, déconccrta quclquc pcu Napoléon, qui,
malgré son prodigicux esprit, aussi promptdans
1
Toujours fidClc;\ la coutumc den'admcllrcc¡uc dcs dis–
cours dont lcío111\ au moinscs1ccl'lnin,jc 11'nuraispasrc1ll'o–
lluiL ce dinloguc si je n'awiis sous les ycux le mauuscril
trCs·c11L'ic11x
1
C\'i1lc111menttres-impn1·tial, danslcquclM.dcBa-
Ja convcrsation qu':i la guerrc, ne sut que ré–
pondre. De mcmc que l'extrcme opprcssion pro–
voque la révolte, l'csprit supéricur qui abuse de
sa supériorité provoque quclqucfois dcjustcs re–
partios, auxquc!lcs, pour sa punition, il ne trouve
pás de répliqucs. Tout ce qu'il y avait de sensé
dans l'cnlouragc de Napoléon rcgrelta le langagc
tenu
a
M. de BalachoIT, et en rcrlouta les consé·
quenccs. Napoléon lescntit lui-mémc, ctccrcpas
terminé, il prit M. de Ba!achoIT
a
part, lui parla
plus séricusemcnt et plus digncmcnt, !ui dit
qu'il élait prCt
a
s'arrCtcr et
i1
négocier, nrnis
h
condition qu'on lui abandonnc1·ait les ancicnncs
provinccs polonaiscs, c'est-11-dire la Lithuanic,
sinoo comme posscssion définitivc, au moins
comme occupation momcntanée pcndant la du–
réc des négociations; que la lrnix,
il
la fcrait ¡, la
eondition d'unc coopéralion cntiere et sans ré–
scrvc de la Russie eontre l'Anglclerre, qu'autrc–
ment ce scrait dupcric
il
lui de s'arrclcr, et de
perdrc les deux moisqui lui rcstaicnt pour tircr
de la campagnc commencée les grands résultals
qu'il en cspél'ait. 11 protesta au surplus de ses
bons scntimenls pom· lapcrsonnede l'cmpcreur
Alcxandrc, rejcta sur les brouillons dont ce mo–
oarquc élait cnlouré la mésinlclligence qui était
survcnue entre les dcux cmpircs, rcnvoya cu–
suilc amicalcmcntM. de BalachoIT, et lui fil don–
ncr ses meillcurs chcvaux pour le rcconduirc
aux avant-postes.
Ces mCnagemcnts lar<lifs ne pouvaicnt répn–
rcr le malqui venait d'étre fait. M. deBalachoff,
sans ctrc narratcur nrnlvcillant, avait
¡,
rappor–
lcr, s'il voulaiL seulcment ctrc cxact., une foule
de propos qui dcvaicnt hlcsser p1•ofondémcnt
Alcxandre, et convertir une querelle politiqur.
en une querelle pcrsonnellc. Napoléon en cut
plus tard la prcuvc. Ainsi, quoiqucdouéau plus
hauL point de l'art de séduirc, quand il se don–
nait la peine de l'cmploycr,
il
ne pouvaiL plus
sans dangcr ct1·e mis en
prés~ncc
des hommcs
avec lcsqucls il avaiL
a
trailcr, lant l'irascibililé
de la toute-puissoncc était dcvcnuc chcz lui
violente el difficilc
it
conlcnir. Sa convcrsal ion
célebre avcc lord Whitworlh en
·J
805 montre
que chez lui le mal élait ancicn: maisccllcqu'il
vroail d'avoir avcc M. de BalachoIT, et ccllc que
l'été précédcnt il avait euc avcc le princc Kou–
rakin, prouvent que sous l'inílucncc de succcs
lachoffnracontéccttec111rc\'UC, clqui estlout au1rcr¡u'unc
brochurc i11tércssau1cpuliliéc su1· son comptc
1
maisr¡ui uc
conlicnt cc1·écit c¡uc trCH1li1·égé.