TAl\RAGONE. -
MARS
1812.
121
Aussi
rcnon~a-t-on
a
ce moyen puissant de pro–
longcr la défcnsc, mais dangcrcux quand une
garnison n'est pas asscz considérable.
Les travaux élant poussés avcc une extreme
aclil'ité, le
2~
mars, les Anglais purcnt batt1·c en
brechela luncttede Picurinaavcc Yingt-troisbou–
chcs
a
fcu, en <lémolircnt le sai!Jant, et en cnta–
mcrcnt les cótés. Le soir, sans plus larder, ils
l'assaillircot avcc trois forlcs colonncs et des ré–
scrvcs. La lunctlc n'était défcnduc que par dcux
ccnls soldats tirés de Lous les régimcnts. On ne
pouvait gucrc, daos l'élatde la garnison, lui con–
sacrcr plus de monde, mais il cut micux valu
prcndrcdes hommcs appartcnant i1 un memc ba–
tai!Jon, et préls
a
se conduirc commc le font les
gens qui se
connaiss.mt, lorsqu'ils agissent sous
les ycux les uns des autrcs. Les trois eolonncs
s'élant jclécs <lans le fossé(car les Anglais pcrsis–
taicnt dans lcur syslcmc de ne pas pousser les
chcmincmenls jusqu'au bord du fossé mcmc),
l'uncsc porta jusqu'au rcvcrsde l'ouvrage, cssaya
d'arraehcr les palissadcs pourentrcr par lagorgc,
muis recula sous la vivacité <le la fusillade; la
sccondc ayañt voulu pénétrcr par la breche, fut
égalcmcnt culbuléc; mais la troisiemcappliquant
les échcllcs sur la focc la moins gard<'c parvint
jusqu'au parapct, au momcnt oli la sccondc co–
lonnc,rcvcnuc <leson échcc, cscaladait le saillant
a
moitié démoli. La pctitcgarnison ayant
ii
fairc
facc
it
<lcux inrasions
ii
la fois, n'y put suJiirc, el
fut en pcu d'instantsobligéc de mcllrc has les ar–
mes. Quatrc-vingl-troishommsfurcnt tuésou !Jles–
sés, etquatrc-vingl-six faitsprisonnicrs. L'cnncmi
pcrdit environ trois cent cinquantc hommcs.
Notrc artillcrie fit immédiatcmcnt un fcu ter–
riblesur les vninqucursen posscssion de la Picu–
rina, el leur en rcnditlc séjo11r forl<lommagcablc.
Jls curcnt bcaucOUJl de peine
a
J'Ctourner Jcs
tcrrcs JlOUr SC mctlre
U
COU\'Cl'l du cóté de Ja
place, mnis
li
force de travailleurs et <le moycns
maléricls, ils finircnt, en sacrifiant beaucoup de
monde, par se creer
llll
logcmcnt dans l'ouvragc
conquis, et c11trcpri1·cnt d'établir des batlci·ics de
breche contrc les dcux bastions répondant
a
la
luncltc de Picurina . Des lors ils abando1111erc11t
prcsquc toutcs lesautresballerics, dont l'cmplacc–
mentavait
été
asscz malchoisi,
el
s'allachCrcnt cx–
clusivcmcnt aux nouvcllcs, qui, fort rapprochécs
clu mu,.d'cnccinlc, levoyaicntjusqu'au pic<l. L'ar–
tillcricfl'ancaisc,admirablcmcnlscnic,lcur faisa it
paycr cher.cctte lémérairc maniere de procédcr,
mais la poudrc
commcn~ait
it
lui manqucr, et la
garnison suppléait au fcu du canon par un fcu ele
mousquclcrie, que les mcilleurs tircursdechaquc
régimcnt dirigcaicnt sur les canonnicrs anglais.
Si la garnison arait cu asscz de poudre et asscz
d'hommcs, c'cut été le cas de joindrc
a
un grand
fcu d'arlillcric une sortic vigourcusc conlrc l'éla–
blisscmentforméa la gorgcdclaPicurina. Uncsor–
tic heurcusc sur un point aussi rapproché aurait
prouaLlcmcnt détruit tous les avanlagcs·acquis
par l'assiégcant, et l'aurait ramcué au point oú il
c11 était au <lébut <lu siégc. Mais
il
eillfallu opércr
cetlc sortic avcc onzc ou douzc ccnts hommcs,
en sacrificr pcul-clrc trois ou quatrc ccnts, et la
garniso1! dcvail réscrl'cr sa poudrc et ses soldals
pour le jour suprcmc et décisif de l'assaut.
Ce momcnt ne pouvait pas tardcr, tant étaicnt
rapi<lcs les progres de l'assiégcant que l'assiégé
n'était plus capablc d'arrctcr. Ccpcndant la gar–
nisonavait déji1 gagné quinze jours,en sacrifiant,
il cst.vrai,700 hommcs sur'• millc, sansque l'cn–
ncmi cütencere réussi
a
battrc en brecheles dcux
bastionspar lcsqucls il était décidé
a
pénétrcrdans
laplace. Le
51,
il parvint
¡,
élablirdiverscs battc–
rics conlenant ''ingtbouches
a
fcu degros calibre,
centreles dcux bastionsqu'il s'agissaitdcdémolir.
11
prolongca ses tranchécs
n
droitc et
¡,
gauchc
pouré!cvcr plusicurs autrcs batlcrics dont l'objct
élait derépondrc
n
l'artillcricdclaplace, d'cnfilct•
ses défcnses, et de porlcr
n
trois le nombre des
breches. nicntót il cut cinquanlc-dcux picces de
gros calibre en position, avcc lcsqucllcs il oul'l'it
un fcu épouvantablc. Lngarnison, q11i avait ré–
scrvé ses munitions pour Je dcrnicr momcnt,
y
répondit par un fcu non moins l'iolcnt. Elle dé–
monta plusicurspicces, mais les Anglais, rcgor–
gcant de rnatéricl, et déployant un granel cou–
ragc,
remplt1~aicnl
lespieccs démontécs au milicu
de lcurs épaulemcnls boulcrcrsés, el sous une
grclcde projcctilcs. Nos artillcurs, qui nese lais–
saicnt pas surpasscr et pas mcmc égalcr, se
tcnaicnt aux embrasurcs détruilcs de lcurs ca–
noas, et re<loublaicnt d'cfforls sous les boulcts,
les bombcs el les obus. J,a garnison en étail
arrivéca cct étatd'cxallalion oú l'on ne Licnt plus
complc des périls, et tousnvaicntjuré de mourir
plulót que de rcndrc lcur drapcnu el d'allcr
poul'rir sur les pontons infects oli l'Anglclcrrc,
au déshonncur de sa civilisation, faisnit périr
nos prisonnicrs. J,cs plus malhcurcux dans ccttc
luttc formidable c'taicnt les habitanls, rcstés
<lansJa vi!Jc au nombre de cinq rnillc au plussu1·
quinzc millc, et la plupart indigcnls. La garni–
son les nourrissait de ses économics. Elle avait
cu l'humanité, avec les restes de sa viandc et