474
L'UNIVERS.
dienne, entre autres, étant parvenue a
pénétrer da ns la prison ou son fils etait
détenu, proféra des disroars si me11 a–
cants, et exal ta tellement la population
i°ndigene de Cuzco, que le vice -roi fut
effrdyé de l'a¡:itation causée par cet
incident. N'osaut pns les faire périr,
Fran~ois
de Tolecte lit bnnnir les mé–
tis; les uns au Chili, d'autres dans
l'Amérique centrale, qu elques -u11s en
Espa!(nP.. Pas un _ne revint d'ex il; tous
succomberent á la nostalgie,
iJ
la mi–
si>re llt au désrspoir. Quant au prince,
il fut condamn é
iJ
avoir la tete tran–
chée; et les Indiens de sang royal
fu–
rent, au nombre de trente-six, drpoi·tés
a
Lima; ou le brusque changement de
climat, joint au chagrin d·avoir qnitté
leurs fa111illrs et lenr ville natale, les ,
mena promptement au tombeau.
Malgré les observations pleines de
rarson que Tupac Amaru adrrssa au
vice-roí, ma!Pré le désir qu'il exprima
d'etre envoye
m
Espagne pour se
JUS–
tilier aupres ctu roí,
ce
desrendant des
souverains du Pérou dut se préparer
á
mourir de la mort de criminels. Fran–
~ois
de
Tol~de,
traignant une érneute
populaire, ordonna que la senlence füt
exécutée sans délai. leí • nous laisse–
rons ¡rnrler Garcilasso de la Vrga, qui,
quoique encore bien jeune, fut .témoin
de toutes les circonstances de cet évé–
nement. Nous consrrvons le style du
traducteur rlans to11te sa naiveté: " Le
p'rince, dit !' historien, parut un peu
apresen public, sur une chétive mule,
ayant le cou et les mains liés. Un
crieur marchait devant luí, pour pu–
blier l'arret et le sujet de sa 111ort,
qu'il disn1t etre (( pour avoir été tyran
et traltre au roí catholique." Le prince,
qui n'entendait pas birn la tangue es–
pagnole, eut la
curio~ité
de savoir ce
que voulait dire cet homme; de sorte
que, l'ayant demandé aux reli¡deux
qui
l'accompngnaient, ils tui dirPnt
q¡,¡'on le faisait mourir pour les trnhi–
sons par tui commises contre le roi
son seigneur. Crs paroles le toqché–
rent extrernen1ent ; et, a
l'i nstant
meme' il demanda qu'on luí fit venir
le crieur, auquel il tint ce discours:
" Tu as grand tort de publier une chose
que
tu
sais bien etre fausse ' puisque
personne n'ignore que je n'ai jamais
fait ni
rneme pensé a faire aucune
trahison. Q'oe ne dis - tu done plutdt
qu'on va m'immoler parce que le vice–
roi le ve11t ainsi, et non pas pour au–
cun crime que j'aie commis ni contre
luí, ni conrre le roí dr Castille? j'en
prends
a
témoin
le Pachacamac.
u
Aores qu'il eut proféré ces paroles, les
.officiers de la justice furent tout éton–
nés de voir entrer dans la place une
grande troupe de femmes de tous ages,
les unes du sang royal, et les autres
filies des caciques de cettc frontiere-la,
qui, toutes désolées et répnnclant des
larmes en abondance, s'adresserent
au prince, et luí dirent: "Inca, pour–
quoi te veut-on trancher la tete? Que!
mal as-tu foit pour mériter la mort?
Avertis crlni qui te la donne qu'il en
fasse autant de nous, qui ª"ons l'hon–
neu r de t'a ppartenir pnr notre nais–
sance, et qui serons beaucoup plus
conteo tes de mourir avec toi, que de
vivre ici sujPttes et esclaves de ceux
qui ont co n piré contre ta vie. ,,
A
pres
ces paroles, elles renouvelerent leurs
gémissements et leurs <"ris d'une
fa~on
si étrange, qu e les as3istants appré–
henderent qu'il ne s'ensuiv1t quelque
révolte de l'e.xé1mtion d'une·· sentence
si peu attenrlue et qu'on n'etlt jnmais
imaginée. La foule était si ¡¡;rande,
. que, tant a la pl ace qu'aux fenetres
et aux toi ts des maisons' ,
il
y
avait
plus de trois cent mille personnes.
Les offiriers de justice s'approcherent
de l'écbafoud avec les religi eux qui ac–
compa¡!naient le prince, et le bourreau
apres eux, avec le coutelas á la main.
Lrs Indiens, voyant leur Inca si proche
de la mort, en furrnt si aflligés, que,
poussant des cris jusqu'au ciel, ils
rempliren t de terreur toute la place,
ou l'on ne
pouvait s'entendre; ce qui
fit
que le's
pretr.esqui parlaient a
l'l
nea
le prierent de faire Laire ces Inrliens.
Il hau <sa le bra,s en meme temps, et
ouvrit la mai11, puis il la porta
iJ
son
ore
ille, et ensuite il
la baissa peu
iJ
peu
jusq.uesur sa cuisse droite. Les
Indiens connaissant par la c¡_u'il Jeur
commandait de se taire, cesserent in-