PÉROU Et BOt1VIE.
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chacun de ,ces pays figurait
a
peu prea
pour moitié dans ce total. Suivant un
autre recensement qui date de 1581,
époque a laquelle le
mita
n'existait
p(ls légalement , la population mfüe
entre 18 et 50 ans, s'élevait au Pérou,
sans y comprendre Quito, le Tucuman
et. Buénos-Ayres, a
t,067,692.
Lapo–
pulation totale .du Pérou devait done
excéder
4
millions d'fünes. Vers la fin
du sieclc dernier, on ne comptait plus,
dans la vice-royauté de Lima, que
1,100,000 indigenes
(*);
si l'on ajoute
1,500,000 habitants pour les provinces
qui formaient la vice-royauté de Bué–
nos-Ayres, et 700,000 pour Quito, on
ne trouvera en somme que 3,300,000
individus pour toutes ces contrées
réunies; sur ce nombre les Indiens
figuraient pour plus des deux tiers,
c'cst-a-dire qu\ls étaient
2
millions et
dcmi , le reste se composant de sang–
melés
a
des degrés différents.
II
faut
dire que plusieurs autres causes de
dépopulation se sont ajoutées
a
celle
que nous avons signalée; ainSi l' sage
et l'abus des liqueurs fortes qui, sui–
vant Ulloa, firent plus de mal aux
Péruviens dans une seule année que le
travail des mines pendant un qoart de
siecle; ainsi la petite véroJe, qui lit
des ravages effrayants parmi ces tri–
bus
infor~unées;
il faut aussi tenir
compte d'nne épidémie, qui, en 1750,
dépcupla des villages entiers. Mais la
conscription pour les mines n'en a
pas moins été le fléan le plus redou–
table et le plus destructeur dans la
vice-royauté dn Pérou; elle a été pom·
les malheureux habitants de cette con–
trée ce que les célebres
Mamelucoes
et
d'autres aventuriers ont été pour les
peuplades indigenes du Brésil, ce que
l'esclavage a été pour les Indiens des
Antilles
(**).
(•) La population to tale du Pérou, en
1796, s'éle,·ail , sui,·<inl le
Yiag-ero
uni–
Persal,
a
r,4f15,000
ames.
(..) "Ce n'est pas autant le travail que le
changement subit de climat, qui rend la
mita
si
pernicieuse pour la conservation des
Indiens. Celle race d'hommes n'a point la
flexihilitéd'orgaoisation qui distingue l'Eu·
Le
repartimiento
était un privilége
accordé dans !'origine aux corrégidors
ou gouverneurs de districts, et qui
investissait ces fonctionnaires du droit
de fournir aux Indiens' a des prix
raisonnables , tous les objets néces-'
saires
a
leur conso_mmation. Ce privi·
Iése, guoique réglé et limité par une
101,
degénera, comme on pouvait le
prévoir, en un moyen de tyrannie et
d'exactfon. Les indigenes furent ex–
ploités par les ,autorités locales, avec
une rapacité et un cynisme sans pa–
reils. Non - seulement on les.
for~:iit
d'acheter
a
des prix énormes des mules
moribondes , des marchandises ava–
riées, et d'autres artícles de commerce
sans valeur, mais encore, chose pres–
que incroyable , on faisait entrer·dans
les approvisionnements qu'ils étaient
contraints d'acquérir au poids de l'or,
des rasoirs, des bas de soie, des lu–
nettes et des articles de luxe, alors
que les Espagnols savaient fort bien
gue les lndiens n'ont pas ou presque
p,as de barbe, qn'ils vont toujours
nu-pieds, qu'ils ont la vue excellente,
et que le luxe leur est étranger. La
perception du tribut royal offrait aux
corrégidors un a,utre prétexte
a
des
exactions odieuses ; et Les pretres , a
qui le salut des Indiens était confié,
leur enlevaient le peu que leur laissait
l'insatiable cupidité des gouverneurs.
Cet.t~_ conduite
d.esvainqueurs
a
l'é–
gard des Péruviens n'était pas seule–
ment criminelle aux yeux de
fa
morale,
elle était encore éminemment mala–
droite et impolitique; car
la
pátience
des peuples a des bornes, et les tyrans
payent cber quelquefois leurs caprices
despotiques.
Ici
se place le récit"de l'é–
vénement dont nous avons
parlé. En
ropéen. La santé de l'hon)me cuivré souffre
infiniment lorsqu'on le transporte d'un cli–
ma! chaud dans un climat froid , surtout
lorsqu'on le force de de<cendre du haut de
la Cordillere dans ces vallons étroits et hu–
mides
oii
parai_ssent se déposer tous les
mia
m~,s
des régions voisines. ,, (Humboldt,
Essai politiquc
sur
le 1·11yaume
de
la 1Vo11-
Yelle-Espague,
t.
1
1
p.
338 de
l'édition
de
1825.)
"·