PÉROU ET BOLIVIE.
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continent de crier, et firent un si grand
silence, qu'il semblait n'y avoir per–
sonne cJans toute la ville. Les Espa–
gnols et le vice-roí qui étaient
a
une
fenetre pour voir cette exécution, en
furent tout
étonné~.
et ad111irere11t
I'ol1éissance que l1•s Indiens rendaient
a
leur JJrÍllCe, merne au derniel'
lllO–
ment
e sa vie. On lui coupa la tete
aussitot, ce qu 'il souffrit avec une
grandeurde courage su rprenante; mais
cette con tance
e
t ordinaire aux In cas
et
a
tous 'les gentilshommes indien
'
qui ne s'P.pouvantent jamais, quelque
mal et quelque inhumanité qu'on leur
fasse
(*). "
Ainsi périt le d
ernierhéritie1·
légi–
tinw du tróne des
lnr.as,victime d'une
politique aussi inepte qu 'i nffüne. La
mort d'Ata hualpa avait trou vé son
pendant , a·vec rette ílifférenr.e, toute–
fois, que lorsque Pizarre sllcrifi:1 le
frere de Huascar, il était au début de
son reuvre de conquete, Pt pouvait se
retrancher derriere rexcuse de Ja rai–
son d'État; tandis que ríen ue j11stit:¡a
suffisamment le meurtre de Tupac
Amaru. La lache cruauté de Fn1ncois
de Tolede fut hliimée par le plus gra nd
nombre des F:spagnols résidant aa Pé–
rou.
J
,e vi ·e-roi lui-mcme dut se re–
pentir b•ent6t apres de ce crime inu–
til r , car il ne lui rapporta ríen; et les
trésors qu'avait revés sa cupidité s'en
allerent en fumée.
Lesdeux filset la filie deTupacAmaru
furent r.onduits en exil
a
Lima. Telle
fut l'action de la misere, du chagrín
et du climat sur les déportés, que, ·sur
. trente-six, il en mourut tre11te-ci11q
dans "l'espace de deux ans; les dPuX
jeunes princes furent de ce nombre.
11
ne resta plus, des lors , d'héritier
direct de la couronne: et la descen–
dance 111ascutine de l\lanco Capac se
trouva, par l'ette double mort , com–
plétement éteinte.
Fran~ois
de Tolede
exer~a
encore
longtemps ses fonctions de vice·roi .
.Apres seíze ans de regne
(C)f OU
peut
se servir ·de ce mot), il retourna en
(') Garcilasso de la Véga,
Histoire de,
guerres cipi/es des Espag11ols da11s les Indes.
Espagne, chargé d'or et de richesses
de toute nature.
11
se flattait que le
roí son maltre, appréciant le srrvice
gu'il luí avait rendu en extirpant sa ns
retour la race des Incas, le rrcompen–
serait dignement et le comblerait de
ses foveurs. Mais Philippe
11
n'avait
ni ordonné, ni ronseillé
H!
crime; et,
bien qu'il en düt profiter' il jugea
a
·propos de désavouer l'homme qui avait
été au-devant de ses soulwits. Lors–
que Fran<(ois
1
g.e Tolede se prése11ta
deva nt luí, íl luí dít sechement: (( Je
ne vous ai pas envoyé au Pérou pour
tuPr les rois, mais pour
les servi r.
Vous pouvez vous retirer. " Quelque
trmps apres, convaincu de conr.uss1on
dan> l'exercice de son pouvoir et de
détournement de sommes considéra–
Lles au détriment de la
couronne,
l'ex-vicc roí,
il
la veille d'etre arreté,
mour ut de honte et de chagrín. Le
chatiment rtaít un peu tnrdif; seize
ans d'indulgrnce
!
c'étaít plus qu' il n'en
fallaít po r faire croire au 111eurtriet'
du dernier
~nea
q1,ie la cour de l\ladrid
avait approuvé son sanglnnt coup d'E–
tat. s ·¡¡ était retourné moins riche en
Espa
11
ne , peut- etre lui etlt·on par–
donné.
A partir de cette IÍpoque, le Pérou
ne fut plus troublé que par des dP>or–
dres sans importanr.e, et qui 11e méri–
tent pas q,u'on en fasse une mention
spéciale. Un seul évé1wmrnt vraimrnt
mémorable marqua les dern ieres an–
nées du d¡x-huitiéme síecle : ce
fut
une révolte des l ndiens, ré1 olte for–
midable, et qui faillit foire perdre
a
l'Espagne toute la partie
monta~n ruse
du Pérou,
a
la meme époqu e ou
I'
An–
gleterre perdai t presque toutes ses
colonies de l'Amériq11 e continentale.
Avant de raco11ter crt évént'ment . si
célebre dans les annales de la nation
péru viP11 ne,
il
faut que nous jetions un
coup d'rei l sur la situatíon faite par les
Espagnols aux habítants indigenes de
ce rnalheureux pays.
Le travail sur Je Mrxique , du
a
M. La Rrnau diere, et notre notice sur
le Guatemala , ont donné au lecteur
une idée du régime gouveraemental
et admínístratif sous Jeque!
le nou-