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L'UNIVERS.
veau monde a gémi pendant trois
siecles; tout ce que l'on sait sur le des–
potisme des vainqueurs
il
l'égard des_
nations indigenes, sur leur barbarier¡
·leur cupidité et Jeur politique inepte
autant que coupable, peut s'appliquer
a l'empire péruvien. Ce serait done
fa1re un inutile double emploi que de
retracer en détail les miseres des peu–
ples du Pérou sous la domination espa-.
gnole. Toutefois, la tyrannie des mai–
tres de cette contrée s'étant particulie–
rement distinguée par quelques moyens
extraordinaires et mémorables, nous ne
pouvons passer sous silence ce trait
caractéristique. Ces deux moyens de.
despotisme étaient le
mita
et le
repar–
timiento.
Le
mita
était une conscrip·
tion civile , c'est. il -dire l'obliaation
imposée a Ja population de c11aque
district de fournir tous les ans un
certaio nombre d'hommes pour le ser–
vice des propriétaires de terres ou de
mines. A la vérité, sous le gouverne–
ment des Incas, un certain nombre
d'indigcnes étaient réduits
a
l'état de
servitude le plus pénible ; l'hi toire
nou
apprend meme que, comme les
tamemes
du Mexique, les
11.anaconas
du Pérou étaient-employés a porter de
pesa nls fardeaux et a remplir toute
sorte de fooctions repoussantes. La
loi
esp~gnole
ne sortait done pas de la
tradition, et elle n'avait en elle-meme
rien qui pt1t etre considéré.par les .Tia·
turels comme un redoublement de
cruauté. ll'lais les reglements qui ser–
virent de commentaires a cette loi,
constituaient une véritable aggrava–
t.ion, et les effets du rrgime auquel on
soumit les
mitayos
dans les exploita–
tions de mines' furent rminemment
désastreux. Tout Indien,
a
partir
ele
18
ans jusqu'a
50
ans, était forcé
de travniller aux mines. A cet effet,
on formait des listes sous sept rubri–
ques différentes; les individus dont le
nom
y
figurait, devaient servir pendant
six mois ' , et
a
tour de role' de sorte
que chaque
indi~é_ne
voyait on tour
arriver npres tro1s ans et demi. L'In–
dien appelé aux mines, quittait sa
ta–
mille, abanelonnait ses intérets de toate
nature, et devait se rendre au lieu
d'exil qui luí était assigné; il follait
quelquefois parcourir, pour atteindre
l'endroit des tr<waux, un espace de plu–
sieurs centaines de milles. Quelques–
uns obtenaient la permission d'emme–
ner leurs familles aveceux, etrecevaient
meme une légere somme pour frais de
voyage. Le prix du travail était fixé
a
un demÍ-doll ar par jour
(*).
Dans les
conditions de régime les plus favora–
bles'
il
survivait
a
peine un homme
sur cinq durant la premiere année de
ces travimx reeloutab!es; et ceux qui
résistaient étaient ordinairement rete·
nus sous le prétexte de quelques elettcs,
le plus souvent im·aginaires, contrac–
tées cnvers leurs patrons. Plus ele
12,000
Indiens étaient annuellement
soumis
a
ceite horrible conscription
clans le sen! district de Potosi; et l'on
a calculé que plus de
'8
milliqns d'hom–
mes avaient péri dans les mines de
tout le royaume
(*').
Il y a sans doute
quelque exauération dans ce chiffre.
Quoi qu'il en soit, il est positif que
les nations indigenrs présentent, de–
puis· la conquéte, une dirninution de
nombre vraiment effrayante. Le pre–
mier recensement, fait en
1551 ,
fixa
a
8,255,000
le nombre des Indi ens du
Pérou et de
la Nouvelle-Grenade;
(*)
Mercurio p eruria110.
(') Mémoires de Mi ller, I, p.
5.
Dans
un mémoire présenlé
a
Philippe III, en
1609, le capitaine Juan Gonzales de Aze–
' 'edo affirme que, dans chaque district pé–
ruvien, ou les naturels étaient conlraints
de travailler aux mines, la population a été
diminuée de moitié, el dans qnelques en–
droits des deux tiers. Roberlson cite une
autre autorité espagnole ponr prouver que
dans toutes les localit és dont les richesses
minérales étaienl exploitées, le nombre des
Indiens décroissait rapidement; tandis que,
dans la provincc de Campeche,
oi1
il n'existe .
pas de mines , la population indigene a
augmenté de plus d'nn tiers depuis la con–
c¡uete, bien que le sol ni le climat de celle
province ne soienl aussi favorables que le
dimat et le sol du-Pérou. Nous pourrions
aussi renvoyer le lecleur
il
d'autres écrivains
qui confirment, de la maniere la plus po–
sitive et la plus autheotique, l'asserlion
que nous avons émise.