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L'UNIVÉRS.
l'Espagne, ont apporté de
change~ent
dans les bases du commerce europeen,
dans la situation politique de l'ancien
monde, et meme dans l'avenir de nos
vieilles sociétés, est,
a
proprernent
parler, incalculable. Les révolutions
des deux Amériques furent done un
événement considérable, et si l'on
examine par quels instruments et par
quels moyens elles se sont accomplies,
on restera surpris que des causes si
minimes aient
~nfanté
un résultat
aussi -formidable.
L'Europe a été presque aussi facile–
ment vaincue par l'Amérique, que l'
A–
mérique l'avait été, autrefois, par l'Eu–
rope. Une poignéc d'aventuriers avait
conquis toute cette immense co11trée
que bai gnent les deux océans et qui
avo[sine les
de.uxpilles; une poignée
d'insurgés a chassé les rnaitres de
cette terre prornise, si aisément sub–
Juguée; éloquentes représail les dans
lesquelles se montre le doigt dela Pro–
videncc, et qui ont vengéles opprimés,
e1i
meme tei11ps qu'elles punissaient
les coupables folies des oppresseurs.
C'est l'irnportance du foit définitif
de l'indépendance américaine qui nous
engage
a
foi re le récit de la révolu–
tion du Pérou. Isol és du résultat, les
incidents de la lutte mériteraient
a
peine de lixer notre attention. Toute–
fois
il
va sans dire que nous signale–
rons seulement les phases principales
de ce dramc
hi~torique.
Si le Mexique,
~ar
le prix que la métropole atta–
chait
a
sa possession, exigeait que sa
révolution ft1t racontée en détail, le
·Pérou, moins précieux
a
l'Espagne,
sous certains rapports, peut etre traité
avec moins de
fa~on.
Tout le monde sait que l'invasion de
l'Espagne par Napoléon fut le signal
de l'émancipatioµ de l'Amériqueespa–
gnole. Il est étrange que le premier
mouvement révolutionnaire du Pérou
tire son origine de la fidélité enthou–
siaste des habitants
a
l'irnbécile Fer–
dinand, et de la résolution prise par
eux de résister
a
l'ordre expédié de
Bayonne, de preter serment d'allé–
geance au frere de l'empereurdes Fran–
~ais,
intronisé par la victoire
a
la
pla~e
des descendants de Louis XIV. Le
15
juillet
1808 ,
la population de Caracas
prit l'initiative .en proclamant Ferdi–
nand VII; le_capitainc général et l'au–
dience furent contraints de céder
a
la
"\'Olonté des habitants, et de recevoir
leserment d'obéissance preté par accla–
mation au monarque légitime. Un dé-
. cret de Charles-Quint
(1530),
confirmé
par Philippe U, en
1563,
autorisait,
da ns le cas d'urgence, la convocation
des cortes ou de juntes générales, dans
les clifféren\s royaumes de
r
Amérique
espagnole . La situation Ges affaires,
dans ce moment .de crise, sembiait
présenter un d·e ces cas de pressantené- •
cessité prévus par l'ordonnance royale.
· L'autorité de la couronne était sus–
pendue par l'emprisónnement du sou–
verain, et le seul moyen de préserver
les colonies du joug de la Fra11ce, était
l'exercice du droit légalement et cons-·
titutionnellement conféré aux juntes;
néanmoins, cette mesure, la seule
propre
il
mainteni1· la tranquillité dan5
les domaines transatlantique·s de l'Es·
pagne, signala le commehcement d'une
guerre sanglante et d'une révolution
décisive.
Les m.emes sentiments de fidélité
qui avaient amené la démonstration de
Caracas, se manifesterent presque si–
multanément sur tous les points d·es
colonies éspagrrnles; et ici ,
il
est né··
cessaire, pour bien faire comprendre
les événements qui survinrent dans le
Pérou, de rappeler succinctement ceux:
dont les f:tats voisins furent le théiltre.
A i\lexico, le vice-roi Iturrigaray,
appuyé par le
cabildo,
propasa de
convoquer une junte; mais les Euro–
péens qui , dans la capitale, formaient
Je parti le plus inOuent, firent arreter le
vieux vice-roi et l'envoyerent prison–
nier en Espagne. Le projet de convo-.
cation fut aiosi anéanti; mais bientot
le sentimeot qu'on avait un moment
réussi
a
étouffer, lit explosion' et
amena une insurrection populaire. A
Caracas, la junte supreme s'assembla
le
19
avril
1809,
et un de ses premiers
actes fut de bannir le capitaine gé–
néral et les membres de l'audience.
Les juntes furent convoguées
a
La Paz