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L'UNIVERS.
le terrain perdu et repousser l'ennerni
hors des murs. Jean Pizarre, celui
des quntre freres qui était le plus aimé
de ses compagnons, perdit la vie daos
un des combats les plus acharnés. En–
fin, épuisés de lassitude, manquant de
vivres, et découragés par la persévé–
rance d'un ennemi dont les rangs gros–
sissaient cbaque jour, les soldats es–
pagnols se disposaient
a
abandonner
Cuzco et
a
se diriger vers la rner, lors–
qu'un incident d'une haute gravité viilt
faire diversion a leurs projets et attié–
dir l'ardeur de leurs adversaires.
Informé de ce qui se passait au Pé–
rou , Almagro sentit tout d'abord la
nécessité de secourir ses compatriotes.
Ce fut la son premier mouvement;
mais sa seconde pensée füt une pensée
d'égo·isme et d'ambition. Sachant, par
une communicat ion officielle, que le
roi
d'E~pagne
l'avait nommé adelan–
tade, et lui ava it accordé deux cents
lieues de territoire au sud des domai–
nes de Pizarre, le nouveau gouver–
neur du Chili reprit on projet contre
Cuzco et ses plans hostiles contre son
associé. Pizarre 1' vait ttompé; il se
crqyait, par cela seu l , autorisé
a
en
agir de mene enve rs lui. 11 repassa
done au Pérou avec des intentions d'oli
ne pouvait sortir que la guerre ci.vile.
Au moment ou il parut devant la ca–
pitale rrssiégée, les défenseurs de la
place étaient assez instruits de ses des–
sein's pour qu'ils hésitassent
a
l'ac–
cueillir comme un libérateur. Alma–
gro, par la lenteur étrange avec laq uelle
il avancait vers la ville menacée, don–
nait crédit
a
l'opjnion qu'on avait con–
cue de lui et de sa conduite. De leur
coté, les Indi ens, assez intell igents
pour deviner ce qui se passait entre
les deux partís, chercherent a profiter
de cette division si favorable
a
leurs
vues. L'Inca entama une négociation,
et fit preuve daos tous les pourparlers
qui eurent li eu, d' une rare sagacité;
mais s'apercevant que, si Alma¡¡;ro con–
sentait jamais
a
lui preter ass1stance,
ce serai t dans le but de le sacrifier
¡ilus tard, il reprit les armes et tomba
a l'imprnviste sur les Espagnols. Ial·
gré
le nombre des Indiens , Ja,valeur
et la discipline triompherent; Manco
Capac fut complétement battu; la dis–
persion de la plu grande partie de ses
troupes livra au chef européen les ave–
nues de Cuzco.
Les deux partís étaient done en
présence. Les Pizarre voulaient inter–
dire l'entrée de la vi lle a leur rival;
mais cornment risquer une lutte
a
force ouverte sans se compromettre
vis-a-vis des· Péruviens , qui épiaient
toutes les fautes des E pagnols pour
en tirer avantage? Tandis qu'on tem–
porisait et qu'on proposait de part et
d'autre des accomrnodements inaccep–
tables, Almagro faisait une adroite
propagande dans les rangs meme de la
garnison, et attirait par ses mani eres
bienveillantes ceux des combattants
subalternes dont la rudesse des Pi–
zarre ava it blessé la susceptibilité. Une
nuit, Almaaro s'avance silencieuse–
men t vers la place, dé arme
les
sen–
tinell es , entre, investit la demeure
des deux freres, et apres une résis–
tance des plus énergiques' les force
a
capituler.
Le Rubjcon était done franchi, et
la question entre Almagro et
Fran~ois
Pizarre ne pou vait plus l!tre tran–
Ghfle que par 11épée.
Pizarre accepta le défi, mais
il
fut
d'abord pris au dépourvu, car un cer–
tain temps s'écoula avant qu'il appr1t
ce qui s'était passé
a
Cuzco, et avant
qu'il put faire les préparatifs d'une
attaque sérieuse. La guerre contre les
Indiens continuait, et Pizarre, ayant
irn prudemment partagé ses forces en
petits détachements isolés, eut la dou–
leur de voir ses compai:;nons massa–
crés dans vingt end roits différents.
En fin, Alpbonse d'Alva rado (qu'il ne
faut pas coufondre avec Pédro d'Al–
varado , conquérant du Guatemala),
ayant eu quelques succes contre les
Péruviens , et ayant réuoi un assez
bon nombre de soldats sous son com–
mandement, fu t chargé par le gouver–
neur d'aller porter secours a ses freres,
qu'il supposait toujours bloqués par
les Ind iens dans la capitale. Ah
1
arado,
au lieu de rencontrer des Péruviens,
vi t,
a
sa grande surprise, qu'il avait