PEROU ET BOLIVIE;
4417
et condamner
a
mort, pour crime de
trahison , le rival de son frere,
il
ne
fit
que suivre les instructions de Fran–
cois Pizarre; car il serait difficile de
concevoir qu'il et1t accepté la respon–
sabilité d'un te! acte, s'il ne s'était
pas assuré l'acq.uiescement du gou–
verneur.
Les historiens espagnols disent qu'a–
pres avoir entendu la
fa
tale sentence,
Almagro sentit faillir ce courage intré–
pide qui avait si souvent bravé le dan–
ger sur les cbamps de bataille. Il sup–
plia Pizarre de lui laisser la vie, et lit
valoir' a l'appui de ses prieres' des
considérations qui , certes, auraient
dll etre t.outes-puissantes sur un en–
nemi moins impitoyable que Fernand.
" JI
représenta que lui et son frere
Fran~ois
lui étaient en quelque sorte
redevables de la grandeur et de l'élé–
vation auxquelles ils étaient parvenus,
car il était celui des trois associés qui
avait fourni la plus forte part des dé–
penses nécessaires pour la découverte
du Pérou, dont ils etaient maintenant
les maítres; il rappela a Fernand que
lorsqu'il était lui-meme prisonniel' ,
lui, Almagro, l'avait remis gratuite–
ment en liberté, sans voulotr suivre
le conseil et les sollicitatjons de ses ca–
pitaines qui
l'engageaient a le faire
mourir.
Il
ajouta que si Fernand avait
subi quelques mauvais
traitements
dans sa pnson, ce n'avait été ni par
son ordre ni méme avec son assenti–
ment; enfin,
il
lit
observer que son
grand age le conduirait bientdt natu–
rellement au tombeau, et que, des
lor ,
il
était inutile d'abréger ses jours
par une mort flétrissante
(*). "
Le
condamné aurait pu dire aussi que
Fran~ois
Pizarrelui avait donné l'exem–
ple de la trabison en oubliant les clau–
ses de leur association et en usurpant
a ses dépens un titre et une autorité
qui auraient dt1 étre partagés. Mais
Fernand ne l'écoutait qu'avec impa–
tience, et les prieres du vaincu étaient
paroles perdues. Almagro fut étranglé,
puis décapité en place publique. Il était
(") Aug. de
Zara
te, t. 1, p.
230
de
la
trad. fraoir , in-12.
.
- alors dans sa soixante·quinziemeannée.
Son tils, prisonnier a Lima, avait été
désigné par lui pour lui succéder duns
-son gouvernement.
Les Pizarre, espérant que la guerre
civile ne se rallumerait pas, s'occu–
perent plus activement que jamais de
Jeurs projets de. découvertes et de con·
quetes. C'était le meilleur moyen d'em–
ployer l'inquiéte activitéde leurs subor–
donnés. Entre autres déterminations
qui méritent d'etre rappelées, le mestre
de camp Pedro de Valdivia fut envoyé
au Chili, que don Diego d'Almagro
ª"ait découvert, et qui, jusqu'a ce mo–
ment, s'était soustrait a la domination
des Européens. Le Pérou se trouvant
dans un état de tranquillité assez sa–
tisfaisant, Fernand Pizarre jugea né–
-cessaire de partir pour l'Espagne, afin
d'aller rendre compte au roi de tout ce
qui s'était passé entre son frere et
Al–
magro.
De tous les vorages de découvertes
qui eurent lieu a cette époque, sous
forme d'expéditions militaires, celui
dont nous allons parler est le plus ex–
trao~dinaire
et le plus mémorable. Gon–
zale Pizarre av.ait été nommé gouver–
neur de la province de Quito , en
remplacement de Benalcazar, conqué–
rant de ce royaume. Informé qu'a l'est
de son territoire, et au dela de la Cor–
dillere, il existait un pays aussi riche
en produclions végétales qu'en miné–
raux, Gonzale forma le projet d'explo·
rer etde soumettre cette contrée encore
inconnue. Son frere Franqois lui en
ayant donné l'autorisation ' il partit a
la téte de trois cent quarante hommes,
dont la moitié environ de cavalerie, et
avec une escorte dequatre mili eIndiens,
chargés du bagage et de la conduite des
bétes de somme. Pour
pén~trer
daos
le
PªfS
qu'on voulait conquérir,
il
fal–
lait s ouvrir une route périlleuse
a
tra–
vers les montagnes. Daos cette partie
du trajet, les Indiens qui accompa–
gnaíent la petite armée périrent pres–
que tous de froid et de fatigue. Quant
aux Espagnols, quoique plus robustes,
et plus habitués aux variations de la
température, ils souffrirent cruelle–
ment de la marche sur les plateaux