PÉROU ET BOLIVIE.
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affaire a ses propres compatriotes. Les
tentatives d' Almagro pour le gagner
a
sa cause ayant échoué contre sa loyau–
té,
il
fut snrpris pendant Ja nuit et fait.
prisonnier. Pizarre lui-meme quitta
Los Reyes (Lima), a la tete de 700
.hommes, et marcha sur Cuzco, tou–
jours dans la plus complete ignorance
de l'usurpation d' Almagro. 11 paralt
qu'il n fut instruit de la situation des
choses qu'a vingt-cinq li eues de Los
R¡iyes. Considérant que la situation
était grave et méritait de 1m1res ré–
flexions, il retourna sur ses pas, afin
de se donner le temps d'aviser. Si son
adversaire avait protité du moment ou
il ne savait rien encore, pour le sur–
prendre et l'envoyer dans la meme
prison que ses freres, la guerre civile
aurait eté indubitab lement terminée
d' un seul coup. Mais Almagro résista
aux conseils d'Or¡wgnos, qui était d'a–
vis que l'on tentat ce coup de rnain.
L'homme qui n'avait pas reculé devant
la violation d'un engagement solennel
et avait porté une maio audacieuse sur
les freres de Pizarre , reclila etfrayé
·devant la responsabi lité d' une telle
agression. 11 voulut éparcrner son ri–
val et tui laisser l'initi9tiv..e. Ce fut une
faute que le trouble de .sa conscience
peut seul expliquer.
Quoique Pizarre etlt sous ses ordres
une armée relativement nombreuse,
et que la fuite des Indiens qui blo–
quai ent Los Reyes le laissá t libre de
dis¡ioser de toutes ses forces , néan–
moins, il jugea prudent de ne rien ten–
ter de décisif avant l'arrivée des ren–
forts qu' il attendai t de l'Amérique
centrale. Pour gagner du temps, il en–
tama des négociations avec Almagro.
Celui-ci ne voulut entendre a aucun
accommodement, et se porta
a
Ja ren–
contre de son rival.
11
laissait Gon–
zale Pizarre et Alphonse d'Alvarado
a
Cuzco; mais
il
emmen:iit avec lui ,
sous bonne garde, Fernand Pizarre,
dont
il
redoutait sans doute davantage
les entreprises. 11
s'avan~a
ainsi jus–
qu 'a la province de Chinch:i, située
a vingt Jieues de Los Reyes; mais au
lieu de continuer sa route, il s'arreta
brusquement, et , d'aprés un historien
..
espagnol
(*),
il s'amusa
a
fonder des
colonies dans le territoire appartenant
a
son adversaire.
CP.pendant Pizarre cherchait tou–
jours
a
entrer en arrangement; son
but était de se donner Je temps de clé–
Jivrer ses freres et d'orga niser une
armée supérieure en nombre
a
celle
d'Almagro. Celui-ci preta une oreille
plus complaisante aux propositions de
son antagoniste, ne se doutant pas
qu'il n'y avait rien de
since.redans ces
négociations. Pendant ces pourparlers,
Gonzale Pizarre et Alphonse d'Alva–
rado parvinrent
á
s'échapper de pri- .
son et rejoignirent le gouverneur avec
70
soldats d'Almagro qu'ils avaient dé–
terminés
a
déserter. La nouvelle de
cette défection, ·et de l'évasion des
deux captifs , affecta don Diego au
point de lui faire désirer un rappro–
cbement avec Pizarre; il alla meme
jusqu'a proposer une entrevue
a
son
ennemi. Les deux parties ayant pris
pour arbitre Francois de Bovadilla,
provincial de l'ordre de la M!Írci, ce
religieux ménagea une conférence en–
tre les deux compétiteurs. Cette con–
férence eut lieu' et malgré le zele
compr"omettant de Gonzale , qui
fit
soup~onne,r
a
Almagro une manreuvre
déloya le, un traité provisoire fut le ré–
sultat de J'entretien des deux géné–
raux. Don Diegue , ne se doutant pas
du pi ége que lui tendait FranQois Pi–
zarre, con entit a soumettre la que–
relle
á
la décision du roi d'Espagne.
Fer·nand Pizarre, rendu
a
la liberté,
fut désigné pour aller porter au tri–
bunal du monarque les griefs et les
prétentions des deux partis.
Désormais Almagro était en quel–
que sorte i111puissant contre son rival,
car il n'avait plus
a
sa disposition la
vie des deux otages qui, jusque·la, lui
avaient servi de garantie. Le gou–
verneur, ouhliant la parole donnée,
comme don Diegue lui-m8me avait vio–
lé son serment, en revenant du Chili,
sortit pour la seconde fois de Los
Reyes et se mit en campagne. Un or–
dre arrivé de Madrid, et qui enjoignait
(") Aug. de Zarate,