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448

L'UNIVERS.

élevés, oü la ral'éfaction de l'air éprouve

les poitrines les plus solides. l\lais,

quand l'expédition eut atteint la région

des plaines, nos aventuriers eurent a

endurer des miseres encore plus poi–

gnantes. Une pluie torrentielle, qui

dura deux mois sans interruption ,

compromit leur

sant~,

et leur causa

tous les maux physiques qui résultent

de l'action d'une excessive humidité.

Les vastes espaces de terrain qu'ils

paréouraient, complétement déserts,

ou babi tés par des peuples barbares,

ne pouvaient leur fournir assez de

vivres . A chaque instant, arretés par

des marais profonds ou par des forets

vierges, ils étaient obligés de marcber

dans l'eau ou de se frayer un chemin

en abattant les arbres qui leur faisaient

obstacle. Les travaux étaient done

sans fin, et les fatigues

saps

relilche.

Mai"s les E pagnols s'étaient fait une

si séduisante idée des pays Yers les–

quels i)s s'avancaient, que leur cou–

rage résistait

iJ

toutes les épreuves, et .

qu'ils persistaient énerg iquement a

cbe1·che1· cette té11re puo

11ise,

but de

tant d'héro!qqes

effor~s.

lis arriverent

enfin sur les bords du Coca ou

apo,

un des plus 11,rands affiuents du Mara–

gnon. La,

ÍI

construí irent nn petit

b1\timent, ou plu vrai emblableinent

une bargue, dont Hs espéraient tire.r

un grand avantage. Augustio de Za–

rate nous a transmis, sur la construc–

tion de cette embarcation, des détails

qui donnent une id ée exaote des diffi–

cultés immenses qu 'il fallut vaincre

pour venir a bout de ce trayail. ccll

leur fallut, dit !'historien espagnol,

.bllti1· des fournaises pour y faire chauf–

fer le fer dont ils avaient besoin, afin

de le mettre en rouvre. lis se serv1rent

des fers des chevaux morts, parce

qu'ils n'en avaient point d'autre, et

ils furent aussi obligés d'accomrnoder

des fourneaux pour y faire du char–

bon. Gonzale Pizarre obligrait tout

son monde, sans aucunc distinction,

a travDiJler; et, pOUI' donner exe111ple

et courage aux autres,

il

travai ll nit

aussi lui-meme et de la hache et du

marteau. Au lieu de poix et de gou–

droo, ils se servirent d'une gomme

qui distillait de quelqnes arbres; et,

au li eu d'étoupes et de filasse, ils em–

ployerent_ les vieilles mantes des In–

diens, et les chemises usées et pourries

des Espagnols, chacun contribuant de

tout son pouvoir a avancer l'ouvrage. .,

L'embarcation terminée, on y placa

cinquante soldats sous le commande–

ment de Francois Orellana. Bientot

J?izarre perdit de vue le biltiment, car

l'irrésistible impétuosité du courant

l'emportait avec une effrayante rapi–

dité. Des ce moment, Orellana se con–

sidéra commc indépendant, par cela

seul qu'il 11'était plus ·sous les regards

de son supérieur. Oubliant l'ordre qu'il

avait

re~u

d'aller attendre ses compa–

gnons au confiuent du

apo ou de

l'Amazooe,

il

résolut de suivre le

cours de ce dernier fleuve ju qu'a son

embouchure dans l'Océan. Ce fut de

sa part une faute grave, presq11'un

crime, car son éloignement allait pri–

ver ses camarades de la

préci~u

e em–

barcation' et les plonger peut- etre

dans le dé e poir, en agrrravant leu1·

situation deja

i pén ible. Mais l'his–

toine a oublié les torts d'Orellana pour

ne sr souvenir que de sa merveill eu e

entreprise; et certes, ten ter un voyage

ele di)l-huit cents li eues,

a

travers un

pays inconnu et au milieu de nations .

barbares, sur un batiment construit

a

la hate avec du bois vert, sans bous–

s'ole; sans provisions, saos guide,

c' était, apres tout, mériter d'avance

le pardon des contemporains et de la

po térité.

En suivant le cours du Napo, Orel–

lana arriva dans les caux du fl euve des

Amazones, sur lequel il s'aventura au–

dacieusemen t, malgré les dangers pro–

pres

il

la naviaatiou de cette grande

artere de

I'

A

mérique méridionale. Cha–

que jonr, il était obligé de descendre

sur les bords, soit pour acheter des

i1Jdigenes les provisionsdont l'équi page

de la barque avait besoin, soit pour

obtenir des vivres de vive force, quand

les lndiens lui en refusaient. Apres

des fa tigues inouies et une suite de pé–

rils qui au raient épouvanté un esprit

moiu

intrépide, Orellana entra dans

l'Océan, ou

il

eut encore·a surmonler