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L'UNIVERS.
élevés, oü la ral'éfaction de l'air éprouve
les poitrines les plus solides. l\lais,
quand l'expédition eut atteint la région
des plaines, nos aventuriers eurent a
endurer des miseres encore plus poi–
gnantes. Une pluie torrentielle, qui
dura deux mois sans interruption ,
compromit leur
sant~,
et leur causa
tous les maux physiques qui résultent
de l'action d'une excessive humidité.
Les vastes espaces de terrain qu'ils
paréouraient, complétement déserts,
ou babi tés par des peuples barbares,
ne pouvaient leur fournir assez de
vivres . A chaque instant, arretés par
des marais profonds ou par des forets
vierges, ils étaient obligés de marcber
dans l'eau ou de se frayer un chemin
en abattant les arbres qui leur faisaient
obstacle. Les travaux étaient done
sans fin, et les fatigues
saps
relilche.
Mai"s les E pagnols s'étaient fait une
si séduisante idée des pays Yers les–
quels i)s s'avancaient, que leur cou–
rage résistait
iJ
toutes les épreuves, et .
qu'ils persistaient énerg iquement a
cbe1·che1· cette té11re puo
11ise,
but de
tant d'héro!qqes
effor~s.
lis arriverent
enfin sur les bords du Coca ou
apo,
un des plus 11,rands affiuents du Mara–
gnon. La,
ÍI
construí irent nn petit
b1\timent, ou plu vrai emblableinent
une bargue, dont Hs espéraient tire.r
un grand avantage. Augustio de Za–
rate nous a transmis, sur la construc–
tion de cette embarcation, des détails
qui donnent une id ée exaote des diffi–
cultés immenses qu 'il fallut vaincre
pour venir a bout de ce trayail. ccll
leur fallut, dit !'historien espagnol,
.bllti1· des fournaises pour y faire chauf–
fer le fer dont ils avaient besoin, afin
de le mettre en rouvre. lis se serv1rent
des fers des chevaux morts, parce
qu'ils n'en avaient point d'autre, et
ils furent aussi obligés d'accomrnoder
des fourneaux pour y faire du char–
bon. Gonzale Pizarre obligrait tout
son monde, sans aucunc distinction,
a travDiJler; et, pOUI' donner exe111ple
et courage aux autres,
il
travai ll nit
aussi lui-meme et de la hache et du
marteau. Au lieu de poix et de gou–
droo, ils se servirent d'une gomme
qui distillait de quelqnes arbres; et,
au li eu d'étoupes et de filasse, ils em–
ployerent_ les vieilles mantes des In–
diens, et les chemises usées et pourries
des Espagnols, chacun contribuant de
tout son pouvoir a avancer l'ouvrage. .,
L'embarcation terminée, on y placa
cinquante soldats sous le commande–
ment de Francois Orellana. Bientot
J?izarre perdit de vue le biltiment, car
l'irrésistible impétuosité du courant
l'emportait avec une effrayante rapi–
dité. Des ce moment, Orellana se con–
sidéra commc indépendant, par cela
seul qu'il 11'était plus ·sous les regards
de son supérieur. Oubliant l'ordre qu'il
avait
re~u
d'aller attendre ses compa–
gnons au confiuent du
apo ou de
l'Amazooe,
il
résolut de suivre le
cours de ce dernier fleuve ju qu'a son
embouchure dans l'Océan. Ce fut de
sa part une faute grave, presq11'un
crime, car son éloignement allait pri–
ver ses camarades de la
préci~u
e em–
barcation' et les plonger peut- etre
dans le dé e poir, en agrrravant leu1·
situation deja
i pén ible. Mais l'his–
toine a oublié les torts d'Orellana pour
ne sr souvenir que de sa merveill eu e
entreprise; et certes, ten ter un voyage
ele di)l-huit cents li eues,
a
travers un
pays inconnu et au milieu de nations .
barbares, sur un batiment construit
a
la hate avec du bois vert, sans bous–
s'ole; sans provisions, saos guide,
c' était, apres tout, mériter d'avance
le pardon des contemporains et de la
po térité.
En suivant le cours du Napo, Orel–
lana arriva dans les caux du fl euve des
Amazones, sur lequel il s'aventura au–
dacieusemen t, malgré les dangers pro–
pres
il
la naviaatiou de cette grande
artere de
I'
A
mérique méridionale. Cha–
que jonr, il était obligé de descendre
sur les bords, soit pour acheter des
i1Jdigenes les provisionsdont l'équi page
de la barque avait besoin, soit pour
obtenir des vivres de vive force, quand
les lndiens lui en refusaient. Apres
des fa tigues inouies et une suite de pé–
rils qui au raient épouvanté un esprit
moiu
intrépide, Orellana entra dans
l'Océan, ou
il
eut encore·a surmonler