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P:f:ROU

ET

BOLIVIE.

439

somme distribuée, étaient tous mé–

contents. lis craignaient que, tant que

l'lnca serait prisonnier, les soldats

de Pízarre ne regardassent les tréso rs

qu'on pourrait amasser par Ja suite

comme le supplément de ce qui man–

quait

a

la ran<;on du prince' et que'

sous ce prétex te, ils ne voulussent

se le approprier en totalité. lis de–

mand a,ient done la mort d'Atahualpa,

afin que tou s ils fussent désormais

sur le meme pied, et eussent les mi!–

mes droits

{*). "

La cupidité, et ce qu e les hommes

politiques appellent la raison d'État,

tels fu rent le priocipaux, et probable–

ment les uniques motifs de la ré olu–

tion de Pizarre. Quant aux prétendues

apprélrnnsions que fui inspiraient, sui–

vant certains hi toriens, les rassemble–

ments de troupes indigene

secrete–

ment ordonnés par l'lnca, il ne nous

parait pas possible d'y croire

sérieuse~

ment. Ce n'était évidemment qu' un

prétexte, et malheureusement la four–

berie du gouverneur trouvait dans un

des gardiens d'Atahualpa un atlxiliaire

auss1 habile qu·empres

é.

Cet homme

était un Indien engagé comme ínter·

prete au service de Pizarre, et que les

E

pagnol apµ elaieht Philippillo.Chargé

de la ur eillance sprclale de l'Inca, et,

par cela meme' au torisé

a

pénétrer

a

tout in tant dans l'a ppartement qui tui

servait de pri on, il s'était épris d'une

des femmes du prince, et avait résol u,

pour la posséder, de perdre son royal

époux. Ainsi tout con pirait contre

l'infortuné captif. L'inffüne Philippillo

affirmait que l'Inca méditait l'extermi–

nation des Espagnols , et organisait

contre eux un vasle plan d'attaque. Ces

prétendu es révélations venaient mer–

veilleusement

a

l'appui des intentions

de Pizarre, et donnaient aux

soup~ons

qu'il prétendait avoir

con~u

, une ap–

parence de

fond~ment.

ussi le gou–

verneur s'affermissait-ild plus en plus

dan · son sinistre de ein. Quelque cir–

con tances, qu'on pourrait croire in–

signiliantes, mai qui, suivant toutes

(•) Robert on,

d'npre

Herrnra,

Zarate et

Garcilas o de

la

Vé¡;a.

probabilité , furent décisives, acheve–

rent de fai re pencher la balance. Charmé

des égards que lui témoi gnaient Fer–

nand Pizarre et Fernand de Soto, offi–

ciers distingués, et supérieurs

a

leur

chef par l'éducation, Atahualpa ava1t

une prédilection marquée pour ces deme

li euteoants du gouverneur; autant

il

était timide et réservé en présence de

Fran~ois

Pizarre, autant il e montrait

expansif et confiant envers son frere.

Le général n'avait pas tardé

a

s'aperce–

voir de cette préférence, et il en a1•ait

con<;u quelque dépit. Bientot le pri–

sonnier, qui déja détestait Pizarre, en

1•int

a

le mé.priser. Parmi les connais–

sa nces des Européens, l'art de lire et

d'écrire excitait surtout l'admiration

du prince américain. Était-ce chez les

étrangers un don spéci

al de

la nature

ou un talent acquis

?

Gel.te

question

préoccupait Atahualpa, et pour éclair–

cir se doutes , il pria un des soldats

qui le gard aient de tracer sur l'ongle

de son1Jouce le mot

Dieu.

Tous les of–

ficiers

a

qui il montra le mot écrit' le

lurent sans hésiter. Un seul fut forcé

cl e

e

nfes er son i$norance : c'était

Fran<¡ois Pizane. L'tmpression quecet

aveu

!it

sur !'Inca o'échappa point au

~énéral

; du reste, le captif ne prit pas

Ja peine de dégui er

le

peu de cas qu'i l

faisait d'un chef moins instruit que ses

subordonnés. Pizarre fut vivP.ment

blessé de mépris de son pr isonnier ;

un ressentiment véritable s'ajouta dnns

son cren r aux pensées homieides qu' il

y

rachait depuis le jour de sa victoi1·e.

Des ce moment,

il

mit de coté tou t

scrupule et tout respect huma in;

A

ta–

hualpa ne

fut

plus pour lui qu'un coo–

damné qui attendait le suppl ic.e

(*).

Toutefois, pour ne pas assumer sur

tui seul la responsabilité d'u n acte aussi

crimine!, Pizarre voulut foire juger le

pri onnier suivant le

fo rmes usitées

en

E

pagne. Lui-meme el Almaaro,

avec deux consei llers, constituerent le

tribunal qui devait prononcer ur le

sort de l'lnca. Tout e passa

ui 1•ant

les regles et les usages

j

ud iciai res ,

(•) Herrera,

Dccad.

Garcilasso de

la

Vé¡;a.