P:f:ROU
ET
BOLIVIE.
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somme distribuée, étaient tous mé–
contents. lis craignaient que, tant que
l'lnca serait prisonnier, les soldats
de Pízarre ne regardassent les tréso rs
qu'on pourrait amasser par Ja suite
comme le supplément de ce qui man–
quait
a
la ran<;on du prince' et que'
sous ce prétex te, ils ne voulussent
se le approprier en totalité. lis de–
mand a,ient done la mort d'Atahualpa,
afin que tou s ils fussent désormais
sur le meme pied, et eussent les mi!–
mes droits
{*). "
La cupidité, et ce qu e les hommes
politiques appellent la raison d'État,
tels fu rent le priocipaux, et probable–
ment les uniques motifs de la ré olu–
tion de Pizarre. Quant aux prétendues
apprélrnnsions que fui inspiraient, sui–
vant certains hi toriens, les rassemble–
ments de troupes indigene
secrete–
ment ordonnés par l'lnca, il ne nous
parait pas possible d'y croire
sérieuse~
ment. Ce n'était évidemment qu' un
prétexte, et malheureusement la four–
berie du gouverneur trouvait dans un
des gardiens d'Atahualpa un atlxiliaire
auss1 habile qu·empres
é.
Cet homme
était un Indien engagé comme ínter·
prete au service de Pizarre, et que les
E
pagnol apµ elaieht Philippillo.Chargé
de la ur eillance sprclale de l'Inca, et,
par cela meme' au torisé
a
pénétrer
a
tout in tant dans l'a ppartement qui tui
servait de pri on, il s'était épris d'une
des femmes du prince, et avait résol u,
pour la posséder, de perdre son royal
époux. Ainsi tout con pirait contre
l'infortuné captif. L'inffüne Philippillo
affirmait que l'Inca méditait l'extermi–
nation des Espagnols , et organisait
contre eux un vasle plan d'attaque. Ces
prétendu es révélations venaient mer–
veilleusement
a
l'appui des intentions
de Pizarre, et donnaient aux
soup~ons
qu'il prétendait avoir
con~u
, une ap–
parence de
fond~ment.
ussi le gou–
verneur s'affermissait-ild plus en plus
dan · son sinistre de ein. Quelque cir–
con tances, qu'on pourrait croire in–
signiliantes, mai qui, suivant toutes
(•) Robert on,
d'npre
Herrnra,
Zarate et
Garcilas o de
la
Vé¡;a.
probabilité , furent décisives, acheve–
rent de fai re pencher la balance. Charmé
des égards que lui témoi gnaient Fer–
nand Pizarre et Fernand de Soto, offi–
ciers distingués, et supérieurs
a
leur
chef par l'éducation, Atahualpa ava1t
une prédilection marquée pour ces deme
li euteoants du gouverneur; autant
il
était timide et réservé en présence de
Fran~ois
Pizarre, autant il e montrait
expansif et confiant envers son frere.
Le général n'avait pas tardé
a
s'aperce–
voir de cette préférence, et il en a1•ait
con<;u quelque dépit. Bientot le pri–
sonnier, qui déja détestait Pizarre, en
1•int
a
le mé.priser. Parmi les connais–
sa nces des Européens, l'art de lire et
d'écrire excitait surtout l'admiration
du prince américain. Était-ce chez les
étrangers un don spéci
al dela nature
ou un talent acquis
?
Gel.tequestion
préoccupait Atahualpa, et pour éclair–
cir se doutes , il pria un des soldats
qui le gard aient de tracer sur l'ongle
de son1Jouce le mot
Dieu.
Tous les of–
ficiers
a
qui il montra le mot écrit' le
lurent sans hésiter. Un seul fut forcé
cl e
e
nfes er son i$norance : c'était
Fran<¡ois Pizane. L'tmpression quecet
aveu
!it
sur !'Inca o'échappa point au
~énéral
; du reste, le captif ne prit pas
Ja peine de dégui er
le
peu de cas qu'i l
faisait d'un chef moins instruit que ses
subordonnés. Pizarre fut vivP.ment
blessé de mépris de son pr isonnier ;
un ressentiment véritable s'ajouta dnns
son cren r aux pensées homieides qu' il
y
rachait depuis le jour de sa victoi1·e.
Des ce moment,
il
mit de coté tou t
scrupule et tout respect huma in;
A
ta–
hualpa ne
fut
plus pour lui qu'un coo–
damné qui attendait le suppl ic.e
(*).
Toutefois, pour ne pas assumer sur
tui seul la responsabilité d'u n acte aussi
crimine!, Pizarre voulut foire juger le
pri onnier suivant le
fo rmes usitées
en
E
pagne. Lui-meme el Almaaro,
avec deux consei llers, constituerent le
tribunal qui devait prononcer ur le
sort de l'lnca. Tout e passa
ui 1•ant
les regles et les usages
j
ud iciai res ,
(•) Herrera,
Dccad.
Garcilasso de
la
Vé¡;a.