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L'UNIVERS.
comrne un ftls et placé dans un poste
Jucratif, il semble que l'ambition de
Cortes devait etre sati faite; mais les
génies de cette trernpe ont leur place
marquée par la Providcnce Jans les
affaires du monde, et rien ne peut
déranger Jeur missioo. Cortes se trou–
vait mal
a
l'aise dans un repos sans
gloire ; il saisit la premiere occasion
d'en sortir.
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se
fit
ioscrire sur la
liste des hardis aventuriers qui de–
vaient accompagner Ojeda, et
il
allait
partir pour la désastreuse expédition
de Darien. lorsqu'une maladie, qui
sem)llait encore une nouvelle favenr
de 1a fortune, le ·retint-
a
Santo-Do–
mingo.
11
n'en sortit que pour ·accom–
pagner, en
1511 ,
Diego Velasquez
dans son expédition ele Cuba. Il s'y
di stingua tellement que, malgré quet–
ques di sputes violentes avec ce chef,
il en obtint une ample concession de
terres et d'Indiens, sorte de récom–
pense, i!omme le remarque Gomara,
qu'on accordait volontiers aux aven–
turiers du nouveau monde, qui s'étaient
distingués par des a tions d'éclat. Cor–
t"es avait épousé la s ur d'ul) genti l–
homme de Cuba nommée Oatherine
Suarez, qu'il aimait éperdument; il en
avait un fils ilont
· ela quez fut le
parrai n. Coxtes reQut en ore
a
cette
occasion de nouvelles gr5ces du gou–
vern eur. Il serait meme devenu tres–
riche sans son goút pour Ja dépense ,
pour le luxe, ' pour Ja représentation,
gout que sa femme partageait avec lui .
11
ex1;r~ait
la cbarge d'alcade dans la
capitale de l'ile , lorsque ses amis pro–
poserent de le mettre
a
la tete de l'ex–
pédition.
Bien qu'il n'eut point encore com–
mandé en chef,
"ª
réputation de brave
entre les braves' de politique adroit'
d'administrateur habite, toutes qua–
lités .dont il avait fait preuve en di–
verses oocasions, donnaieut les plus
grandes espérances. On le rega rdait
comme un homme capable de grandes
choses. Cette fougue d.e jeunesse qui
l'avait tant de fois entralné Jans de
p.érilleux écarts n'était plus qu'une
rn fatigab le activité dirigée vers d'utiles
occupations. L'impétuosité de son ca-
ractere s'était changée dans Ja mfüe
franchise d'un soldat; il savait J'art
de rallier toutes
les volontés
a
Ja
sienne, de. conqnérir le suffrage de es
rivaux, de gagnér la confiance et
~e
gouverner ]'esprit des hommes. La
nature ne lui avait rien 1·efusé de ce
qui les séduit : des dispositions géné–
reuses , une libéra lité ¡i;1·ande et calcu–
lée, une discrétion a toute. épreuve'
une conversation toujours mesurée, et
jamais offen ante, une parole prornpte,
rapide ,
électrique ,
une
tournure
agréable, une taille élégante, des ma–
nieres distinguées, un re¡i;nrd vif et
brillant, une adre se extraordinaire
dans les exercices militaires, avec une
constitution capable de
~outenir
les
plus grandes fatigl}es .
Toutes ces brillantes qualités sédui–
sirent ·moins Velasqnez que l'idée qu'il
se faisait de la position de Cortes; il
crut qu 'elles ne luj permettraient ja–
mais d'aspirer a l'indrpendancll, ce
qui fait supposer que Cortes po sédait,
au nombre de ses talents politiques,
l'art de di
imu ler
a
tous les yeux son
exce
i1•e ambition et ses grands pro–
jets de conquete.
A peine sa nomination fut-elle con–
nue, que les mécontent mirent tout
en reuvre pour la faire rapporter. Un
ceitain Cervantes, au servicé de Velas–
quez , espece de fou ou de bouffon;
fut d'abord
l'instrument qu'ils em–
ployerent. On dit qu'un jour de récep–
tion, le gouverneur ayant mis Cortés
asa droite, le bouffon s'écria : " Grande
joie pour mon maítre Diego. Ah ! le
beau capitnine que voila! comme il
perdra sa flotte. " Une autre fois, le
meme fou, voyant Vela quez et Cortes
se promcner ensemble ·, revint encore
sur Ja meme id ée, et se mit
a
dire
tout haut:
«
Notre gouverneur a vrai–
ment fait un beuu choix. Il luí faudra
bientot une autre Ootte pour courir
aprés ·cell e-ci. "
«
Entendez-vous cet
l1ornme? demanda Velasquez. - C'e t
un fou, répondi t Cortes, laissons-le
parler. ,, La prédiction du fou s'accom–
plit de point en point.
Cependant Cortes 11e perdait pas un
moment ; il ne fut pas plutot com-