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L'UNIVERS.
Tous se surveillaient réciproquement.
C'est ainsi que la mere patrir. croyait
s'assurer cohtre toute entreprise d'in–
dépendance; mais elle oubliait que
l'indépendance d'une colonie ne fut
jamais l'reuvre des agents salariés
du gouvernement, mais des popula–
tions opprimées et de la marche du
temps.
Je n'ai point encore parlé du pou–
voir populaire, de ces corporations mu–
nicipales, seul élément démocratique
qui se rencontrilt au Mexique. Ces as–
~emblées
conserverent longtemps quel–
ques vestiges de leur origine, et cet
esprit de liberté que Charles V, a peine
l>Ur le trohe, anéantit si parfaitement
en Espagne. Les regidores et les alcades,
composantlesayuntamientos
ou muni–
cipalités, nommés d'abord au Mexique
par les habitants de chaque vil le, étaient
aimésdu peuple qui les rega rd aitcomme
ses protecteurs naturels. Des liens
nombreux , soit alliances de famille,
soitcommunauté d'intérets, uni ssaient
l'indigene aux magistrats de la cité,
tandis qu'entre l'fodigene et
I'
Européen
aucun point de contact, aucun rapport
intime, nucune parenté. Au cornmen–
cement de la révolutíon les membres
. du cabildo devinrent, ur presque tous
les points, les oTganes du peuple. lis
se firent les chauds avocats du gou–
vernement provisoire en l'absence du
roí , et se poserent en ennemis vjs-a–
vis des audiencias dévouées aux inté–
rets de la vieille monarchie. Ainsi
commen~a
Ja lutte entre les peaux:
rouges et la race blanche. Cctte posi–
tion des cabildos et du peuple a toutes
les époques, est un fait tres-extraor–
dinaire, car il faut bien noter que de–
puis longtemps les prerniers étaient
a
peu pres choisis par la couronne, et
que jusqu'en
18 12 ,
lors de l'établi sse–
ment de la constitution en Espagne,
le privilége de l'élcction étnit purement
nominal. Bien_plus, on chercha
a
la
fin du siecle dernier
il
dénaturer com–
pléternent cette institution en lui don-
11ant une couleur militaire; on essaya
dans les provinces internes de faire, du
capitaine et des lieutenants de milice
de chaque localité, un alcade et des re-
gidores
a
vie. Cette innovation fut de
courte durée; le ridicule en
lit
jus–
tice.
Le code qui régissait le Mexiqne,
etd'apres lequel les tribunaux devaient
prononcer, portait le litre de
Recopi–
lacion de las leyes de las Indias.
C'é–
tait une másse hétérogene de statuts,
de décrets, d'ordonnances, rendus de–
puis trois siecles
§Ur
différents sujets
touchant l'Amérique espagnole, par le
conseil des Indes et les rois d'Espagne.
C'était un bizarre assemblage de dis–
positions incohérentes, souvent meme
contradictoires, et qui n'avaient de
cornmun entre elles que d'etre réunies
et reliées en quatre gros volurnes
in-folio. Nulle part l'arbitraire n'était
plus
a
l'aise que dans ce chaos oli
toutes les opinions pouvaient trouver
un texte favorable. Aussi, et comme
úne conséquence de cette facilité, nulle
part la justice n'était moins pu re, la
corruption plus génfrale et moins dé–
guisée : l'absence dr toute publicité la
servait
a
merveille. A cette mauvaise
légis) ation venait se joindre encore
une détestable procédure, résultat rl' in–
nombrable priviléges (fu eros). Chaque
profession ou corporation avait les
siens; le clergé possédait les plus éten–
dus. Puis venaient ceux du corps en–
seignant, des marchands, de la mil ice,
de la marine, etc. Chnque privilégié
pouvait choisi r, tant au civil qu'au
crimine! , le tribunal spécial du corps
dont
il
faisait partie. Dans tout ceci
il n'y avait que les indigenes qui eus–
sent a souffrir; il leur était
a
peu pres
imposs1ble d'obtenir raison d'un Eu- -
ropéen, qui déclinait toujours la con)–
pétence de l'ordina,ire, et ne préten–
dait plaider que devant les juges d'ex–
ception.
A ne considérer que la lettre de la
Joi ,
il
y avaít parfaite égalité entre les
Américains et les Espagnols; les pre–
miers comme les seconds étaient ad–
missibles aux ernplois
publi.cs: ce droit
est cent fois exprimé dans
les
Recopi·
luciones . On trouve dans le meme re–
cuei l de sages dispositions sur la ré–
partition et la perception des impóts ;
mais ces théories de justice et d'équité