LETTRES
pu manger en quatre jours. C'est la manie11e
des1
·Arahes; ils prétendent par la faire connoitre qu'ils
sont libéraux' et que l'abondnnce regne che:i eux.
V
ol.1s allez voir qu'un peu plus de goút et de propreté
ne
gate1~it
rien. Chacun prit sa place autour dupa.-
.nier; ou servit en meroe temps trois plats de terreen
forme de coupcs. Le premier étoit rempli de
Eiz
si
mal assaisunné,
qu'il
n'y a que les Arahes qui en
puissent manger; dans le second étoit une espece de
vin cuit, qui a assez de rapport avec le miel; et dans
le troisicme , il
y
avoit quantité de morceaux de fro–
mage qui nageoient dans de l'huile: un
Fran~ais
déli–
cat auroitété emharrassé de choisir.Toutcela futservi
sans nappes, sans assiettes, sans cuilliers, sans four–
chettes. Pour boisson, nous avions de l'eau dans un
grand vase de Lerre , ou tout le monde buvoit. Voila
le repas de réception et le plus grand régal qne nous
fimes pendant
la
mission; car les Arahes q,ui se con.–
tentent de pcu , ne font guete de plus grands
e~traordinaires. Comparez cette vie avec celle de nos
missionnaires de France , quelque dure , quelque
mortifiée qu'elle soit
p
et vous en sentirez aisément
la difterence.
11
est vrai qu'apres le repas on apporta
une pipe de tahac; le maitre de la maison l'alluma,
et nous la présenla pour fumer. Nous nous en
ex.cu- ,
sumes le mieux qu'il nous
fut
possihle ; no
us lui
fimes entendre que ce n'étoit point la coutume de
notre pays. Il parut satisfait de nos excuses , et il
les acccpta.
Tandis qu'on fumoit , il nons faisoit_mille ques–
tions sur la France , dont il avoit oul racontet
hcaucoup de merveilles. Nous v1mes entrer une
troupe
<l<>
Chrétiens, qtli venoient nous t¿moigner
la joie qu'ils avoient de notre arrivée ; ils étoient
tous GrC'cs· et Suriens. Leurs démonstrati011s nous
firent d'autan
t
plus de plaisir, que nous n'espérions
pas d'ahord faire chez eux. de gnmds fruits,
a
cause