ÉDIFIANTES ET CURIEUSES.
I l
a
Constantinople , est le soin des esclaves du bagne
du Grand·Seigneur. Le bague , ainsi appelé du mot
italien
bagno,
a
cause d'un bain qu'ont
fa
les Turcs,
est une vaste enceinte fermée de hautes et fortes mu–
railles, qui n'a qu'une seule entrée munie d'une
double porte , ou il
y
a toujours une garde armée.
Au milieu de cette grande , enceinte ou avant-cour
s'élevent deux gros patimens de figure presque car–
rée, mais de grandeur inégale. Le plus grand s'ap–
pelle le grand bagne, et le plus petit le petit hagne.
Ces deux hagnes ou prisons n'ont de jour que par la
porte , et par quelques fenetres fort hautes traversées
de gros harreaux de fer. C'est la qu'on loge les chré–
tiens pris en guerre , ou sur les armateurs ennemis
de la Porte. Les officiers ont de petites loges
a
de-ux
ou
a
trois. Les simples soldats sont
a
découvert sur
des estrades ou soupentes de hois qui regnent le long
des murailles, 'et
m\
chacun n'a guere de place que
celle que son corps peut occuper. Dans un quartier
de chaque bagne, on a pratiqué une douhle chapelle,
dont une portion est pour les esclaves du rit franc ,
et l'autre pour les esclaves du rit grec et moscovite.
Chaque chapelle a son autel et ses pauvres ornemens
a
part. Ces chapelles avoient e
n commun d'assez
honnes cloches.
11
y
a cinq ou six
ans.qu'on les leur
a
enlevées, parce que , disoient les Turcs , leur son
réveilloit les anges qui venoient dormir la nuit sur
I~
toit d'une mosquée Mtie depuis peu dans le voi.-.
srnage.
Assez pres du petit hagne, on a bati et orné des
aumones des
fid~les
' une petite église sous le titre
de saint Anloine , qui est assez bien fournie des
meuhles d'autel nécessaires' et meme de queique ar–
genterie. C'est
Ia
chapelle des officiers et des malades.
Les esclaves élisent tous les ans un écrivain ou pré–
fet du hagne ·, et sous lui un sacristain'
a
qui tout se
donne par compte ' pour le remettre dans le meme
état
a
ceux qui entrent ,en charge apres eux.