ÉDIFIANTES ET CURIEUSES.
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firent -une desceute dans un village éloigné de trois
lieues de celui ot\ nous étions , et oubliant qu'ils
étoient chrétiens , ils enleverent tout , jusqu'aux
. femmes et aux filles, qui furent déshonorées, et re–
tenues avec n1enaces de les emmener, si on ne leur
donnoit de l'argent. Cette triste-·aven'ture m'attira une
~épntation
des plus considérables habitans de notre
bourgade : ils crurent que mon caractere me donne–
roit de
l~autorité
,'et qu'en parlanl"a ces ravisseurs, je
retirerois de leurs mains ces femmes et ces tilles chré–
tienues. C'étoit une reuvre de charité · je m'y offris
de bon creur; mais je leur représent. · 1e la négo–
ciati.Qnétoit difficile , que je ne pouvofa ás lenr ré–
pondre du succes de mon ambassade et de mes re–
montrances ; que le capitaine étoit Italicn et moi
Franyais; que la plupart de ces aventuriers étoient
des Magnotes, méchans chrétiens de la Morée, dont
leur chef n'étoit
q¡'a
der~ii-ma1trc,
et que ne craignant
point Dieu, il n'y avoit guere d'apparence qu'ils
eussent heaucoup de considératio11 poltr son ministre;
ue cependant j'étois pret
a
partir; qu'il se pour–
roit faire qu'ils seroient plus traitables que je ne
pensois, et que peut-etre le Seigneur, qui tient les
creurs entre ses mains, donneroit sa bénédiction
a
mes paroles. Conteus de cette réponse , ils se reti–
rerent pour délibérer entr'eux sm ce qn'ils avoient
a
faire. Leur conseil étoit encore
a~semblé,
lors–
qu'ils apprirent que les
pirat~s
, apres avoir ruiné le
village, avoient rendu les femmes et les filles, et
qne ne trouvant plus ríen
a
piller' i]s étoient allés'
selon leur coutume, chercher
u
faire du mal aillenrs.
La retraite inopinée de ces h:mdits, en me déponi1-
lant du caractere d'ambassadeur, m'épargna une diE:–
gracieuse en ttevu e.
Peut-etre, mon révérend pere, etcs-vons curieux
ele 5avoir quelles furent mes occupations pendant les
deux., semaines que je demeurai"
da.nsce désagréahle