LETTRES
et le r<>medc réussit. La mere reconnoissante vint me
présenter des o:>ufs, je les refusai; elle fot surprise
d'apprendreque je n'en mangeois pas, et encorr plus
édiliée <le voir qne c'étoit par pure charité que je lui
avois rendu ce service. L'exemple du désintéresse–
ment fait toujours ici de fortes impressions, parce
qu'il
y
est toujonrs nouveau.
Cet acte prétendu héroi'qne me mit en honneur
dans le village' et l'on commen9oit
a
s'apprivoiser
_peu
a
peu av e moi; mais moi je commen9ois
a
m'en–
nuyer; j'aurois trouvé de quoi m'occuper, si j'avois
su assez de grec vulgaire pour faire quelqnes
~truc
tions' mais
a
peine pouvois-je en béga er trois ou
quatre mots de suite. C'est une grande peine, mon
révérend pere, d'avoir des oreilles et de ne ponvoir
cnteudre, de n'etrcpasmuet et de ne pouvoirparler:
je le sentí · hien alors par mon expérience. Je n'avois
de rcssource que dans mon caloyer, mais
il
passoit
ute la journée
a
son jardin. 11 est vrai que quand
il
étoit reven u de son travail , je me dédommageois de
mou mieux du silence forcé que j'avois gardé pen–
dant tout le juur, et que je lui faisois mille et mille
question . Je m'informai de lui si, lorsqu'il embrassa
le rit grec pour se marier, on luí avoit
fait
faire
quelque abjurat.ion de la doctrine de l'Eglise romaine,
et si on lui avoit parlé de le rebaptiser, ou de le con–
firmer une seconcle fois. 11 m'as ura qu'on ne lui en
avoit jamais fait la proposition, ni
a
Samos, quand
il se maria, ni au mont Athos, quand il
s~
fit
reli–
gieux; et
il
m'ajouta que jamais il
n'y
auroit consenti.
Je voulus auss1 savoir de lui des nouvelles du mont
Athos, que les Grecs appellent
Agíon oros,
c'est-a–
dire la sainte Montngne ; il satisfit parfaitement
roa
euriosité sur cet article. Je vous avoue qu'avant mon
départ j'en avois lu bien des relations, mais que je
n'ai rieu vn de si détaillé que ce qu'il m'en a ra–
fi:Onté, et il l'a fait d'un air si nai'f et si ingénu,
q~e
1e