ÉDIFIANTES ET CURIEUSES.
3o3
pour Alep. J'allai prendre congé de madame l'am–
bassadrice, qui me dit obligeamment que, comme
nos affaires ét0ient celles de Dieu, elle vonloit que
désormais elles fussent les siennes , et que je pou–
vois me reposer sur elle du soin de les poursuivre
et de les solliciter. A qui les aurois-je mieux cou–
fiées? Les remettre entre ses mains, e'étoit les re–
mettre entre les mains de la vertu meme et de la
piété. J'acceptai ces offres si gracieuses , je lni en
térnoignai toute ma reconnoissance, et je ne songeai
plus qu'a partir.
On peut se rendre de Constantinople
a
Alep par
terre ou par mer. Je
bahtn~ai
quclque temps sur la
route que je devois choisir. Je crains la mer; elle
me fatigue extraordinairement' et j'ai peine
a
la sou–
tenir; j'étOÍS presque résolu
a
faITe le voyage par
terre. Nous tonchions au printemps, et je croyois
trouver partout la saison aussi belle qu'a Constanti–
nople; mais je fus désahusé par des voyageurs nou–
vellement arrivés d'Alep, qui, quoique bien montés,
avoient eu beaucoup d e peine
a
se sauver des neiges
et du froid. Un autre voyageur qui avoit fait la
m~me
route, et qui les avoit précédés de quelques jours,
me dit qu'il avoit trouvé dans le chemin des hommes
et des animaux gelés et m orts de frnid. 11 n'en fallut
pas davantage pour me faire changer de résolntion.
Je ne me pique pas d'etre brave hors de saison :
malgré mes répugnanccs' je me déterminai
a
aller
par mer, et tout bien considéré, j'aimai mieux m'ex–
poser
~
souffrir qu'a périr.
On me proposa de me rendre
a
Scio , de Scio
a
. Rhodes , et de Rhodes en Chypre. On me
fit
en–
tendre que le séjour que je ferois
a
Rhodes ne
se~oit
pas inutile au bien des ames ; que dans cette lle il
y
avoit , sur les galeres du Grand-Seigneur, quantité
tl'esclaves chrétiens qui se trouvoient sans pretres;
que ces esclaves .avoient lem chapelle ,
ou
je ponr-