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fubalrernes,engraiífés du plus pur fang du peuple; en–
fin , le Danemarck eut un code; les riches concuf–
fionnaires tremblerent dans leuTs palais, comme les
voleurs obfcurs dans leurs retraites. Mais d'une
main il terraífoit les brigands, de l'autre
il
élevoit.les
pretres; illes déroba aux pourfuites du
1
hras fécuher,
ies admit dans le fénat, leur donna la préféancé fur
les autres fénateurs, en fit dans l'état un corps plus
puiífant que l'état meme'
&
les eftt raifaíiés de hiens
s'il n'avoient pas été infatiables.
Cette imprudente générofité fut la fource des
plus grands maux que le Danemarck ait eífttryés. Les
bienfaits des rois devinrent daos les mains des pre–
tres des armes contre fes rois memes. Fiers des
bontés de leur fouverain' ils voulurent etre fouve–
-rains a leur tour' compter les grands au nombre
de leurs créatures,
&
marcher les égaux des mo–
narques. Ceux-ci ne reconnurent leur faute que lorf–
qu'il n'étoit plus tems de la réparer.
Canut
en com–
m.itune plus dangereu{e encore ' en donnant a íon
frere Ollaüs le duché de Slefwick. Cet exemple
excita, daos la fuite, des guerres civiles,
&
n'apprend
que trop aux rois qu'ils doivent fe défier meme
de leurs vertus.
Canut
en fe livrant au penchant de
l'amitié, ne croyoit pas préparer dans l'avenir des
rnalheurs
a
fes peuples. Ceux-ci daos la fuite eurent
pour eJ?nemis
&
•les princes faits pour les rendre
heureux, & les minifires de la religion faits pour les
rendre meilleurs.
La manie des conquetes s'empara au:ffi de l'ame
du faint : il regardoit encore 1'Angleterre comrríe
{on patrimoine ,.
&
le droit de conquete étoit a fes
yeux un droit véritable. Secondé par Ollaüs le De–
bonnaire , roi de
N
orwege ,
&
par Robert, comte
de Flandres, fon beau-pere, il raífembla, en 1084,
la flotte la plus puiífante qui ef1t couvert les mers
du
N
ord,
&
fe prépara
a
chaífer Guillaume le Con–
quérant, qui régnoit alors en Angleterre; mais une
irruption des Vandales le fors:a de fu.fpendre cette
expédition. L'armée s'indigna de ce délai ,
&
ñt en.
tendre fes murmures jufqu'anx pieds du trone. Les
Vandales effrayés difparurent.
Canut
voulut alors
fe mettre-en mer. Mais fon armée qui craignoit fa
vengeance, s'enfuit a fon afpea,
&
Canut
demeura
en Juthland pour punir ceux des mutins qui ne lui
étoient pas échappés. Peu fatisfair de leur fupplice,
il voulut punir fur la nation entiere l'infolence de
fes foldats. Le
ch~himent
qu'illui impofa fut encore
plu.s ridicule, c'étoit d'accorder les décimes au cler–
gé, qui toujours intéreífé aux expiarions , s'enri–
chiifoit également
&
des crimes des rois & de ceux
des peuples. Le Juthland fe fouleva
&
refufa de
payer cet impot.
Canut
luí - meme vit fes jours
menacés,
&
chercha un afyle en Zélande. Mais trahi
par Asbiom,
rame.népar le perfide Blak, qui étoit
d'intelligence avec les mntins' il fe préfente
a
eux'
Blak alors leur donne le fignal du crime ,
Canut
fe
retire dans l'églife de S. Alban] a Odenfée, il
y
efi: maífacré avec Benoit, fon frere; ce fut le
10
Juillet
1
o86 que fe paífa cette fcene tragique. Le
dergé prétendit que
Canut
étoit martyr de la reli–
gion,
&
le peuple qu'il étoit martyr du clergé.
(M.
DE SACY.)
CANUT V, fi.trnomm,é
Magm~/fon.,
c'efi-a-dire ,
fils de Magnus,
(
HiJ!. de Danemarck.)
Eric l'Agneau
étant mort fans enfans,
&
l'ordre de la fucceffion
n'étant fixé par aucune loi fondamentale, on vit
na1tre les difcordes les plus funefies.
Eric
l'A–
gneau auroit pu les prévenir en nommant lui-meme
!on
f1.1Cceffeur .; mais quelque tems avant fa mort,
1l avo1t enfeveh daos un cloitre fes vertus
&
fa gloi–
re..Croya!l,t ne devoir plus penfer qu,a lui-meme, il
avo1t oublte fon peuple;
&
pour ohtenirun royau–
·me dans le
ci~l,
il abandonnoit aux plus affreux
CAN
ravages ce-1ui qu'il po.ífédoit fur la terre. L'ACTneau
mourut done. St1énon,
Canut
&
Valdemar a,joient
des prétentions au trone. Valclemar encore trop
jeune pour jouer un role dans cette querelle' fut
aifément écarté. Suénon, íils naturel d'Eric Emund,
&
Camtt
_,
nls de Magnus, s'emparerent de la fcene,
&
ne tarderent pasa l'enfanglanter. Le premier avoit
gagné les fuffrages des Scaniens
&
des Zélandois; les
J
urhlandois tenoient pour
Canut.
Les deux partís s'af–
femblerent chacun de leur coté ' tous deux prirent
le titre d'états-généraux,
($.{.
chacun des chefs
y
fut
couronné par fes amis. On ne fe fépara que pour
courir aux armes. Daos le premier choc, en
1
149,
Canut
fut vaincu,
&
s'enfuit avec les débris de fon
armée. Suénon enflé de ce fucces, mena<;a d'une
ruine foudaine quiconque de fes voifins ou de fes fu–
jets oferoit fe d clarer en faveur de fon rival; il ofa
meme braver l'égli(e' & faire enfermer le primat
partifan de
Canut,
qt
i
avoir éré pris les armes a la
ma1n dans un comhat. Le remords fuivit de pres ce
coup d'état. L'églife depuis long-teros avoir un re–
venu aifuré fur les fa utes des rois; Suénon, pour ex·
pier le íien, donna au clergé des champs vaftes
&
fertiles, l'ile
&
la ville de Boznholm ,
&
meme une
citadeJle des mieux fortifiées: encore guelques vio#
lences,
&
I'églife auroit poífédé tout le Dane–
marck.
Enfin les ordres du pape forcerent les deux con–
currens a réunir leurs forces contre les Vandales. On
fent qu'une armée divifée par deux intérets, con–
duite par deux chefs ennemis l'un de l'autre, devoit
etre taillée en
pieces;
.elle le hlt'
&
ne rapporta de
la Vandalie que la honte de fes défaites, & une nou–
velle fureur pour la guerre civile. Elle eft bientot
rallumée: on prélude aux batail!es par des aífa11i–
nats.
Canut
envoie un hérault aux habitans de Rof–
child; cenx-ci feo fai:fiífent de fa perfonne ,
&
Suénon
le fait égorger. Krantzius ne dit point
1i
l'églife tira
encore quelque fruit de ce crime , mais
Cama
fon–
gea
a
le venger. 11 inveflit Rofchild : ce fut moins
cependant un fiege qu,une furprife; il entra dans la
place , non pas triomphant, mais terrible
&
altéré
de fang.
n
n'en fortit que pour marcber
a
la rencon–
tre de Suénon. La batajlle fe donna vers l'an
1 1
54;
la viaoire vola long-tems d'un parti
a
l'autre; enfin
les troupes de Suénon plierent ; déja une partie
avoit abandonné le champ de bataille, lorfqne les
plus braves s'étant raífemblés, firent un dernier ef–
fort, enfoncerent les rangs de l'armée ennemie,
&
Canut
fut entrainé daos la déroute des fiens .
Le partí du vainqueur devint plus puiífant encore
par l'arrivée du jeune Valdemar, qui
7
{entant
fe~
forces croitre avec fon courage , réfolut de eom–
battre pour Suénon en attendant le moment de com·
battre pour lui-meme. Tous deux emrerent daos le
Juthland, afyle du malheureux
Camtt;
il vinta pied
au-devant de fes ennemis, fuivi d'une armée foible.
Pour mettre fes foldats daos la néceffité de vaincre
ou de mourir, il fit metrre pied
a
terre
e\
fa cavale–
rie,
&
renvoya. tousles chevaux, mais il monta fur
le fien;
&
fes foldats voyant qu'il ne partageoit pas
leurs périls, firent peu de réfiftance. Leur roí s'en–
fuit a toute br)de ' tandis qu 'exténués de fatigue' ils
faifoient
a
pied une retraire lente
&
dangereufe fous
les murs de Wibourg.
Canut
preífé par la frayeur
ou par ('la honre' ou par 1\me
&
l'autre a la fois,
erra longtems en Suede, en Saxe, en Rnffie, men–
diant par-tout avec baff, ífe des fecours qu'on lui re·
fufoit avec d1,1reté. Enfin l'archeveque d Hambourg
qui cherchoit
a
punir le refus que Suénon avoit fait
de reconnoitre
la
jurifditl:ion de fon églife, tendit att
prince opprimé un main généreufe par vengeance,
fouJeva le Jurhland en fa faveur,
&
Iui donna une ar–
mée avec laquelte il affiégea Suénon dans Wibourg.