CON
.ception d'une telle convenance ou difconvenancc il
n e fauroit y avoir aucune
connoij{ance.
Si elle
di
appen;ue par e11e-meme , c'efi une
connoiffance
in–
tuirive;
&
{i
elle ne l'efi pas , il faut que quelqu'au–
tre idée
n1oyenne
intervienne ponr fervir, en qua–
lité de mefure commune,
a
montrer leur convenan–
ce ou leur difconvenance ; d'ou il paroit évidem–
-ment, que dans le raifonnement chaque degré qui
produit de la
connoij{a.nce ,
a une certitude intuitive.
.Ainfi pour n'avoir aucun doute fur une démonfira–
~ion,
il efi néceífaire que l'efprit retienne exaéle–
ment cette perception intuitive de la convenance
ou difco nvenance des idées intermédiaires dans tous
les degrés par lefquels il s'avance. Mais paree que
la mémoi re dans la pllipart des hommes , fur - tout
<1uand il efi queilion d'une longue fu ite de preuves ,
n'efi pas fouple
&
docilc pour recevoir tant d'idées
dont elle efi comme furchargéc , il arrive que cette
.connoij{ance ,
qu'enfan te la démon.firation, eíl: tou–
jours couverte de quelques nuages , qui empechent
qu'elle ne foi t au!!i claire
&
aulli parfaite que la
con–
noif{ance
intuitive. D e-la les erreurs que les hommes
prennent fouvent de la meilleure foi du monde pour
aurant de vérités.
Voila done les deux degrés de notre
connoif{ance,
l'inmition
&
la démonfirarion. Mais a ces deux de–
~rés
on peut en ajoCner encorc deux autrts , qui vont
¡ufqu'a la plus parfaite certitude , je veux dire le rap–
port uniforme de nos fens,
&
les évenemens con–
.nus , incontefiables
&
authentiques. Ces deux
con–
n oijfances
embraífent la Phyfique , le Commerce ,
tous les Arts , I' Hifioire & la Religion. D ans ce que
nous apprenons par le rapport de nos {ens, comme
dans ce que nous connoiífons au- dedans de nous–
.memes ' l'objet peut etre tres-obfcur : mais le motif
<¡UÍ
nous détermine
it
en porter quelque jugement
peut etre clair
&
difiinél. Ce motif, c'cfi le rapport
réitéré de nos fens; c'efi l'expérience qui nous afilt–
re la réalité
&
l'ufaae de chaque chofe. Rien n'em–
peche
que
nous ne
donnions
le
non1
d'
évidence
á
tout
ce qui nous efi attefié par les fens & par
le
témoi–
gnage des hommes: il n'y a meme rien qui nous ton–
che davantage que ce qui nous efi évident eñ cene
Jnaniere ' ou ce qui vient
a
notre
connoif!ance
par le
témoignage des fens:
&
il efi aifé de voir que c'efi
pour fuppléer a !'embarras
&
a
l'incertitude des rai–
fonnemens , que Dieu nous rappelle par - tout a la
.fimplicité de la preuve tefiimoniale
&
fenflble. Elle
fixe tour dans la fociété , dans la Phyíique , dans la
regle de la foi,
&
dans la regle des mceurs.
Nous avons done quatre fortes de
connoiffances
~
dont nous acc¡uérons les unes par la fimple intuirion
de nos idées , les autres par le raifonnement pur ,
les troiíiemes par le rapport uniforme de nos lens ,
&
les dernieres enfin par des témoignages mrs
&
in–
contefiables. La premiere s'appelle
connoij{ance in–
tuitive ,
la fcconde
démo1zjlrative
~
la
troiúeme
jtnji–
tive
~
&
la quatricme
tejlimoniale.
Apres avoir fixé les dilférens degrés par lefc¡uels
nous pouvons nous élever
it
la vériré , il efi necef–
faire de nous aífurer jufqu'oü nous pouvons étendre
nos
connoijfances ,
&
que!les font les bornes infur–
montables qui nous arrerent.
1°.
La
connoif!ance
confillant , cornme nous l'a–
vons déja dit , dans la perception de la convenance
ou difconvenancc de nos idées , il s'enfuit de-la,
t
0
.
Q ue nous ne devons avoir aucune
connoiffan–
ce
oll nous n'avons aucune idée.
2
°.
Que nous ne faurions avoir de
connoiffance ,
qu'autant que nous appercevons cettc convcna nce
ou cette difconvcnance; ce qui fe fait
1°.
o u par in–
tuition , en comparant imméd.iatement deux idées ;
.2°.
ou par raifon , en examinant la convenance ou
la difconvenance de detLX idées, par l'intervem.ioa
e o
N
893'
de _quelques awres
idée~·
moyennes ; 3°. par fen..:
fauon , en appercevant 1extfience des chofes pani–
~ulieres
; 4°. ou enfin par des évenemens co nnus
,
mcomefiables & authentiques.
.
3
~
·.
Que
~o~~s
ne
faurions avoir
une
connoij{ance
llltlUUVe qm
S
etende
a
toutes nos idées, paree que
~ous
ne _pouvons pas appercevoir toures les rela–
tlons qm fe trouvem entr'elles, en les comparant
immédiatemem les unes avec les autres · par exem–
ple, íi j'ai des idées de deux trianales l';m oxygone
&
l'autre amblygone ,
tracé~
fur"un: bafe égale
&
entre deux hgnes .earalleles , ¡e puis appercevoir par
une fim ple
connoiJJance
de vlie que !'un n'efi pas l'au-·
rre : mais je ne faurois connoitre par ce moyen
ú
ces deux.triangles for:t égaux ou non , paree qu'o n
ne faur01t ap
percevotr leur égalit.! ou inégalité en
les comparam
immédiatement.La différence de leurs.
figures rend leurs parties incapables d'erre exaéle–
ment
&
immédiatement appliquées !'une fur l'autre,
c'efi pourquoi il efi nécelfaire de faire intervenir
une atttre quantité pour les mefurer, ce qui efi
di–
rnontrer
ou
connoltr'e
par
raifon.
4°.
Que
notre
connoij{ance
raifonnée ne peut point
embraífer toute l'étendue de nos idées , paree que
nous manquons d'idées intermédiaires que nous puif–
fions lier Pune
a
l'autre par une
connoij{ance
intuiti–
ve dans toutcs les partíes de la déduélion;
&
par–
tout
0~1
cela nous manque , la
connoiffance
&
la dé–
mo'\firation nous
man~uent
au!!i.
'
Nous avons obferve que la convenance ou dif–
convenance de nos idées confifioit,
rP
dans leur
idcmiré ou diyerfité;
2
°
dans leur relation; 3
°
dans
leur co-ex1fience; 4
°
dans leur exilience réelle.
1°.
A l'égard de l'identité
&
de la diverfiré de
nos idées , notre
connoiffance
intuitive
cfl auffi
éten–
due que nos idées memes; car l'efprit ne peut avoir
aucune idée qu'il ne voye aul!i-tot par une
connoif–
f ance
fimple de vue , qu'elle efi ce qu'elle efi ,
&.
qu'elle efi dif!"érente de toute autre.
2°.
Quant a
la connoijfance
que nous avons de la
convenance, ou de la difconvenance de nos idées ,
par rapport
it
leur coexifience; il n'efi pas
{i
aifé de
déterminer quelle efi fon étendue. Ce qu'il y a de
certain,
1°.
c"efi que dans les recherches que nous
faifons fur la narure des corps , notre
cormoijfance
ne
s'étend point au-delá de notre expérience. La
con–
noif!ance intuitive
de
leur
natu
re efi refufée
a
notre in–
telligence. Ce degré de lumiere qqi nous manque , a
été remplacé par les témoignages de nos fens , qui
nous apprennent de tous les objets ce que nous avons
befoin d'en favoir. Nous ne comprenons ríen ;\ la
nature ' ou
a
l'opération de l'aima n'
qui
nous indi–
que le pole dans le tems le plus ténébreux. Nous n'a–
vons aucune idée de la frruélure du foleil , cet afire
qui nous procure la chaleur, les couleurs
&
la vfte
de l'univers ; mais une expérience fen fi ble nous force
i\
convenir de fon utíliré.
2
°.
Les idées complexes
que nous avons des (ubRances fe bornent
a
un cer–
tain nombre d 'idées limpies, qu'une expérience fui vie
&
conliante nous fa it appers:evoir réunies
&
coexif–
tantes dans un meme fujet. 3o. Les qualités (enfibles ,
autrement dites les fecondcs qualités , font prefque
feules route la
connoij{ance
que nous avons des fubf–
tances. Or comme nous ignorons la liaifon , ou l'in–
compatibilité c¡ui fe trouve entre ces fecon des qua–
Jités , attendu que nous ne connoiífons pas
la
fource
d'o1• elles découlent , je veux dire , la groífeur , la
figure
&
la comexture des partics infenfibles d'ou
elles dépendeot; il efi impoflible que nous puiflions
connoitre quelles autres qualités procedent de la
meme conilitution de ces parries ialeníibles' ou font
incompatibles avec cel"les que nous connoiifons dé–
ja.
J
0
•
La liaifon, qui fe trouve entre les fecondes
qualités des ' orps , fe dérobe enticrement
a
nos re-;