CON
gards : deforte que nous ne f<;aurions nous alTurer
G
-ces qualités
,
que nous v oy ons coexiíl:er dans un
meme fujet, ne pourroientpas ex:iíl:er ifolées les unes
des autres ' ou fi elles doivent roujours s'accompa–
:gner. Par exemple, toutes les qualit és dont nous
.avons formé l'idée complexe de l'or, fs;avoir , la
couleur jaune, la pefanteur, la malléabilité , la fu íi–
.b ilité , la fixité ,
&
la capacité d'etre difious dans
!'eau régale ; toutes ces qualités, dis-je , font-elles
tellement liées
&
unies enfemble, qu'elles foient in–
f éparables" ou bien ne le font-elles pas
?
M. Locke
prétend que nous ne pouvons le favoir ;
&
que par
conféquent, nous ne pouvons nous aífurer qu'elles
font raiTemblées
&
réunies dans plufieurs fubfiances
femblables , fi ce n'eíl: par l'expérience que nous fe–
rons fur chacune d'elles en particulier. Ainfi v oi!a
deux pieces d'or; je ne puis connoitre fi elles o nt
toutes deux tom es les qualités que no us renfermons
dans l'idée complexe de l'or ,
a
moins que nous ne
t entions des expériences fur chacune d'elles. Ava nt
l'expérience, nous ne connoiífo ns qu'elles ont tou–
t es.les qualités de l'or ' que d'une maniere
a
la véri–
ié fort probable, mais qui pourtant neva pas jufqu'a
la certitude; ainíi penfe M. Locke. 4°. Quo ique nous
n'ayons qu'Lme
connoiffance
fort imparfa ite
&
fort
d éfeaueufe des prenú eres qualités des corps; il en
efi ce,l!endant quelqu es-unes do nt nous connoiífons
la liaifon int ime ,
connoif!ance
qui nous eíl: abfolu–
ment interdite par rapport aux feco ndes qualités ,
dont aucune ne nous paro1t fuppofer l'autre. Ainfi la
figure fuppo fe
néceí_fair~ment
l'étendue;
&
la récep–
.tion o u la commumcat!On de mouvement par voye
d'impulfion fu ppofe la folidité; ainíi la diviíibilité
découle néceífairement de la multiplicité de parties
fu bfiantielles. 5°. La
connoijfance
de l'incompatibi–
lité des idées dans un meme fujet , s'étend plus loin
'}ue celle de leur coex:illence. Par exemple , une
etendue particuliere , u ne certaine figure , un cer–
ta.innombre de parties , un mouvement particuJier
exclut toute autre étendue, toute autre figure , tout
autre mouvement
&
nombre de parties.
Jl
en eíl: cer–
tainement de meme de toutes les idées feníibles par –
t:iculieres a chaque fens ; car toute idée de chaque
forre qui eíl: préfente dans un fujet , exclut toute
autre de cette efpece. Par cxemplc, aucun fujet ne
peut avoir deux odeurs , ou deux couleurs dans
un
meme tems ,
&
par rapport " la meme perfonne.
6 °. L'expérience feule peut nousf ournir des
connoij:
fonces
mres
&
infaillibles , fur les puiffances tant
aaives que paílives des co rps; c'eíl:-la le feul fond
ou la Phyfique puife fes
connoijjances.
Ces chafes ainft fuppofées , on peut en quelque
fa s;on déterminer quelle efi l'étendue de nos
connoi.f
fances
par rapport aux fubfiances corporelles. Ce
qui contribue a les étendre beaucoup plus que !}e fe
l'efi imaginé M. Locke, c'eíl: que nous avons , pour
connoitre les corps, outre les fens , le témoignage
des hommes av ec qui nous vivons,
&
l'analogie :
rnoy ens que le philofophe Anglois n'a point fai t en–
trer dans les fecours que nous fournit l'auteur de
notre erre, pour perfethon ner nos
connoif!ances.
Les
fens, le témoignage
&
l'analogie ; v oila les trois fon–
demens de l'évidence morale que nous avons des
corps. Anctm de ces moyens n'eíl: par lui-meme ,
c'efi-a-dir e , par fa nature , la marque caraa érillique
de la vérité ; mais rétmis enfemble, ils forment une
perfuaíion convaincante, qui entraine tous les ef–
prits.
Yoye{
A
ALOGIE.
•
L'l!tre fouverainement bon , dit M. s'Gravefande,
a a ccordé une grande abonda nce de biens aux hom–
mes, dont il a v oulu qu'iJs fiff"ent ufage durant leur
fo
jour fur la terre ; mais
fi
les hommcs n'a voient
point les fens
1
il leur fcroit impoffible d'avolr la
mol.Ildre
connoiffance
de
~es
avantages; &
ils
feroient
CON
privés des
co,~modit~s
que
l't~fage
leur en peut pro.l
curcr ; par ouJ! paroJt qtJe D 1eu a donné aux hom–
mes les fens , pour s'en fervi r dans !'examen de ces
chafes ,
&
pour
y
ajot1rer foi .
La fageíre fupreme tomberoit en contradiaion
avee elle-meme , fi apres avoir accordé tant de biens
aux hommes,
&
leur avoir donné les moyens de les
co nnoltre , ces moycns memes
induifoienc
en erreur
ceux
a
qni ces bienfaits ont été accor dés. Ainfi, les
fens conduifent
a
la
connoif[ance
de la vérit.f paree–
q ue D ieu l'a vonJu ainíi ;
&
la perfuafion de '¡a con–
formité des idées , que nous acquérons dans l'ordre
naturel par les fens , avec les chafes qn'elles rcpré–
fenteht , eíl: compl ete.
·
C ependant la maniere do nt les fens nous menent
a la
connoif!ance
des chafes , n'efi pas évidente par
elle-meme. Un long ufage
&
une longue expérien–
ce font oéceffaires pour cela.
Yoye{ l'art. des
SENS ,
oh nous expliquons , comment dans chaque circonf–
t ance nous pouvons déterminer exaa ement ce que
nous pouvons déduire de nos fenfations, d'une ma–
niere qui ne nous laiíle pas le moindre dome.
Les fens feuls ne fuffifent pas , pour pouvoir ac–
quérir une
connoiffance
des corps conforme a notre
fituation. Il n'y pointd'homme au monde , qui puiíre
examiner par lui-meme toutes les chafes qui lui font
néceffaires
a
la vie; dans un nombre inlini d'occa–
fions ¡¡ doir erre infiruit par d'autres ,
&
s'il n'ajoute
pas foi a leur témoignage, ¡¡ ne pourra rirer a ucune
utilité de la plupart des chofes que D ieu luí a accor–
dées;
&
ilfe trouvera réduit a mener fur la rerre une
vie courte
&
malheureufe.
D 'ou nous concluons , que Dieu a v oulu '}"e le
témoignage fíh auffi une marque de la vérire; il a
d'ailleurs donné aux h ommes la faculté de déternú–
ne!· les
qu~Ii,rés q~e
doit avoiJ: un rérnoignage , pour
qu on
y
a¡oure f01.
Les ¡ugemens, qui ont pour fondement l'analogie;
nous conduifent auffi a la
connoiflance
des chofes;
&
la julleíre des concluíions , que nous tirons de l'ana–
logie , fe déduit du meme príncipe; c'efi-a-dire , de
la volonté de D ieu, dontla providencea placé l'hom–
me dans des circoníl:ances, qui lui impofent la né–
ceffiré de vivre peu
&
miférablement , s'il refufe d'at–
tribuer aux cha fes , qu'il n'a point examinées , les
propriérés qu'il a trouvées
il
d'autres chofes fembla–
bles , en les examinant.
Qui pourroit fans le fecours de l'analogie, difiin–
gu er du poifon de ce qui peur erre uti!e a la fanté
?
Qui oferoit quirter le heu qu'iloccupe ? Que! moyen
y
auroit-il d'éviter
Ltn
nombre infini de périls ?
3
°.
Pour ce qui eíl: de la troiíieme efpece de
con–
noif!ance,
qui eílla convenance ou la difconvenance
de quelqu'une de nos idées, confidérées dans quel–
que atttre rapport que ce foi t ; comme c'efi-la le plus
vafre champ de nos
connoijjiuzces,
il efi bien difficile
de déterminer jufqu'otJil peur s'étendre. Comme les
proares qu'on peut faire dans cette partie de norre
con::oijfance,
dépendenr de notre fagacité
a
u ouver
des idées intermédiaires , qui puiírent faire voir les
rapports des idées dont on ne coníidere pas la coe–
xifiencc ; iJ efi difficil e de dire, quand nous fommes
au bour de ces forres de découverres.
C eux qni ignorent
l'.Algebre,
ne fs;auroient fe
ligu-·
rer les chafes étonnantes qn'on peut faire en ce genre
par le moyen de cette fcience. 11 n'efi pas pofftb!e de
déterminer quels nouveatLY moyens de pcrfeél:ionner
les autres parties de nos
connoif!ances ,
penvcn_t eu:_e
enca re inventés par un efprit pénérrant. _Quot qu'tl
en foir, l'on peut affurer que les idées qw regardent
les nombres
&
l'érendue
ne fonr pas les feules
capables de démonllration : mais qu'il y en a d'aurres
qui fon t peut - erre la plus
import~nte
de nos fpécu–
lations , d'ot. l'on pourroit dédwre des
connoijfan-