Table of Contents Table of Contents
Previous Page  922 / 940 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 922 / 940 Next Page
Page Background

CON

connoijfiznce

n'eft réelle , qu'autant qu'ü y a de la con–

formité entre nos1dées

&

la réaliré des cho fcs. Mais

que! fera ici '!lotre

criterion?

comment l'efprit, qui

n'appen;oit rien que fes pro-,>res idées,

connoirra-~ü

qu'elles conviennent avec les chafes memes?QuOI–

<¡Ue cela ne femb le pas exempt de difficulté, on peut

pOlrrtant alrurer avec toute la certitude po!Iible,

qu'il y a dumoins deux

Cortes

d'idées , qui

font

con•

formes aux chafes.

Les premieres font les idées íimples; car puifque

!'efprit ne fauroit en aucune

fa~on

fe les former

a

fui-meme, il faut nécelrairement qu'elles foient pro–

duites par des chafes qui agilrent narurellement fur

l'efprit,

&

y font naitre les perceptions auxi¡úelles

elles font proportio nnées par la fagelre de celui qui

nous a faits. Il s'enfuit de-la que les idées íimples ne

font pas des fiétions de notre propre imaginario n ,

mais des produél:ions nanrrelles & régulieres de. cho–

fcs exifiantes hors de nous , qui operent réellement

fur Aous ;

&

qu'ainíi elles ont toute la conformité a

quoi elles font defiinées , ou que notre -état exige

~

car elles oous repréfentent les <:hofes fous les appa–

r ences que les chafes font capables de produire en

no us ; par ou nous deveno ns capables nous-memes

de diilinguer les eípeces des,.ubfiances particulie–

res, de difcerner l'étar ou elles fe rrouvent,

&

par

ce moyen de les appliquer a norre túage. Ainíi l'i–

dée de blancheur ou d'amertume , telle qu'elle efl:

d ans l'efpri t , étant exaél:ement conforme a la puif–

fa nce qui efi dans un corps . d'y produire une telle

idée ,

"a

toute la conformité réelle qu'elle peut ou

doit avoir avec les chafes qui exifient hors de nous;

&

cene conformité qui fe trou ve entre nos idées íim–

ples

&

l'exiftence des chafes, fuffit pour nous don–

ner une

connoij{ancc

réelle.

En fecond lieu , to utes nos lqées complexes, ex–

cepté celles des fubfiances, étant des archetypes

que l'efprir a formés luí- meme' qu'il n'a pas defii–

nés a erre des copies de quoi que ce foit' ni rappor–

tés a l'exifience d'aucunes chofes comme a leurs ori–

ginaux, elles ne peuvent manquer d'avoir toute la

co nformité néceífaire

a

une

connoiffance

réelle : car

ce qui n'efi pas deíl:iné a repréfenrer atare chofe que

foi-meme, ne peut erre capable d'une fau lre repré–

fentarion. Or excepré les idées des fubfiances, tel–

les font toutes nos idées complexes , qui font des

combinaifons d'idées, que l'efprit joint enfemble par

un libre choix, fans examiner íi elles ont aucune

liaifon dans la nature. D e-la vient que toutes les

idées de cet ordre font elles- t;nemes conlidérées

comme des archerypes ,

&

les chofes ne font con–

íidérées qu'en rant qu'elles y font confo rmes. Par

conféquent route norre

connoiffance

touchant ces

idées ell réelle ,

&

s'étend aux chofes memes; par–

ce que dans toutes nos penfées, dans rous nos rai–

fonnemens , & dans tous nos difcours ftrr ces Cortes

d'idées , nous n 'avons defiein de confidérer les che –

fes qu'autant qu'el!es font conformes

a

nos idées ;

& par co nféquent nous ne pouvons manquer d'ac–

quérir fur ce fu jet une réalité certaine

&

indttbita–

ble.

Quoique toute notre

connoilfance,

en fait de Ma–

~hématiques

, roule uniquement fur nos propres

1dées , on peut dire cependant qu'elle ell réelle,

&

que ce nc fon t poinr de íimples viíions ,

&

des chi–

meres d''!" cerveau fertile en imaginations &ivoles.

L,e

Mathema t~cien

examine la vérité

&

les proprié–

tes qut apparttennent

a

un reél:angle o u

a

un cercle

a les conlidérer feulement tels qu'ils font en

idé~

dans fon c::fpnr; car peut-íhre n'a-t-il jamais trou–

v é en fa vte aucune de ces ·figures qui foient mathé–

matiquement, c'ell-a-dire, précifément

&

exaél:e–

ment véritables: ce qu.i n'empcche pourtant pas que

la

co!lnm[{ance

qu't! a de quelquc vérité ou de que!-

CON

que

proptiét~

que ce foir, qtú appartieñt au cercle

~u

a route

aut~e

ligur; mathématique, ne foit

vé~

ntable

&

~ertamc,

meme a l'égard des chafes réel·

lement extílantes ; paree que les chafes réelles n'en–

trent daos ces Cortes de propofitio ns

&

n'y font con–

íidérées , qu'autant qu'elles conviennent réellement

av~c l~s

_archetypes ,

~ui f~nt

dans l'efprit duMa–

the~atlcien . E~-1!

v,rai de l1dée du triangle que fes

trOIS angles fotent egaux

a

deux droits? La meme

chofe .efi

~uffi

yéritable d 'un triangle, en que!que

endrolt qu il ex1íte réellement.

Mais

que toute autre

figure aél:uellement exiílante ne foit pas exaaement

co nforme a l'idée du

trian~le

qu'il a dans l'efprit

elle n'a abfolumem rien a demeler avee cette propo:

íitwn: & par conféquent le mathématicien voit cer–

tainement que toute fa

connoilfance

touchant ces Cor–

tes d'idées eíl réelle; paree que ne coniidérant les

chofes qn'autant qu'elles conviennent avec ces idées

qu'il a da os l'efprit, il efi aíffiré que tout ce qu'il fait :

!u~

ces figures,

lor~qu'elles

n'ont qu'une exillence

1deaJe dans fon efpnt

>

fe trouvera auffi véritable

a

l'égard de ces memes figures,

íi

elles viennent

a

exif–

ter réellement dans la matiere: fes réflexions ne rom–

bem que fur ces figures' t¡ui font les memes foit qu'-

elles ·exiíl:ent ou qu'elles n'exifient pas.

'

Il s'enftút

d~a,

que

la connoiffancedes

vérités mo–

rales eíl au!Ii_f';'fceptib!e d'';'ne certitude réelle, que

celle des v éraes mathemauques. Comme nos idées

mora

le~

font elles-rnemes des archerypes, au

!Ji

bien

que les tdées mathématiques,

&

qu'ainíi ce fom des

idées completes, toute la convenance ou

la

difcon–

venance que nous découvrirons entre elles, produi- ·

ra une

connoilfance

réelle, auffi bien que dans les fi–

gures mathématiques.

Pom parvenir a·la

connoiffance

&

a

la •certitude, il

ell nécemlire que nous ayons des idées déterminées ;

&

pour faire que notre

connoilfance

foit réelle,

il

faut que nos idées répondent a leurs archerypes

1

au

reíle l'on ne doit pas trouver étrange, qu'on place

la réalité de notre

connoilfance

dans la confidération

de nos idées , fans fe mettre forr en peine de l'exif–

tence ,réelle des chofes; puifqu'apres y avoir bien

penfé , l'on trouvera, íi je ne me trompe, que la

plftpart des difcours ftrr lefquels roulent les penfées

&

les difputes, ne font effeél:ivement que des propo–

fttions générales

&

des notions, auxquelles l'exif–

tence n'a aucune part. T ous les difcours des Mathé–

maticiens fur la quadrature du cercle, fur les fefrions

coniques, ou fttr toute autre parrie des mathémati–

ques , ne regardent point du tout l'exiílence d'aucu–

ne de ces figures. Les démonfuations qu'ils font fur

cela,

&

qui dépenclent des idées qu'ils ont dans l'ef–

prir , font les memes, foit qu'iJ y ait

llll

quarré

Oll

un cercle aél:uellement exifiant dans le monde, ou

qu'il n'y en ait point. De meme, la vérité des dif–

cours de morale eíl confidérée inclépendamment de

la vie des hommes,

&

de l'exiílence aél:uelle de ces

vertus;

&

les offices de Cicéron ne font pas moins

conformes a la vérité , paree qu'il n'y a perfonne qui

en pratique exaél:ement les ma.ximes,

&

qui regle fa

vie fur le modele d'un homme de bien, te! que

Ci–

céron nous ['a dépeint dans cet

ouvra~e ,

&

qui n'e–

xilloit qu'en idée lo rfqu'il l'écrivoit. S'il ell vrai daos

la fpéculation , c'ell-a-dire en idée, que le meurtre

mérite

la

mort, il le fera au!Ii

a

l'égard de toute

ac–

tion réelle qui eíl cc;>nforme

a

cette idée de meurtre.

Quant aux autres aél:.ions, la vérité de cene propo–

íition ne les touche en aucune maniere.

JI

en el! de

meme de toutes les autres efpeces

~e

chofes qtt!

n'ont point d'aurre elrence que les idees mémes qu1

font dans l'efprit de l'bomme.

En rroilieme lieu , il y a une autre forte d'idées:

complexes , qui fe rapportant a des archf:!tY,pes qut

exiíl:ent hors de nous' peuvent en erre clifférentes;

-

&