CON
connoijfiznce
n'eft réelle , qu'autant qu'ü y a de la con–
formité entre nos1dées
&
la réaliré des cho fcs. Mais
que! fera ici '!lotre
criterion?
comment l'efprit, qui
n'appen;oit rien que fes pro-,>res idées,
connoirra-~ü
qu'elles conviennent avec les chafes memes?QuOI–
<¡Ue cela ne femb le pas exempt de difficulté, on peut
pOlrrtant alrurer avec toute la certitude po!Iible,
qu'il y a dumoins deux
Cortes
d'idées , qui
font
con•
formes aux chafes.
Les premieres font les idées íimples; car puifque
!'efprit ne fauroit en aucune
fa~on
fe les former
a
fui-meme, il faut nécelrairement qu'elles foient pro–
duites par des chafes qui agilrent narurellement fur
l'efprit,
&
y font naitre les perceptions auxi¡úelles
elles font proportio nnées par la fagelre de celui qui
nous a faits. Il s'enfuit de-la que les idées íimples ne
font pas des fiétions de notre propre imaginario n ,
mais des produél:ions nanrrelles & régulieres de. cho–
fcs exifiantes hors de nous , qui operent réellement
fur Aous ;
&
qu'ainíi elles ont toute la conformité a
quoi elles font defiinées , ou que notre -état exige
~
car elles oous repréfentent les <:hofes fous les appa–
r ences que les chafes font capables de produire en
no us ; par ou nous deveno ns capables nous-memes
de diilinguer les eípeces des,.ubfiances particulie–
res, de difcerner l'étar ou elles fe rrouvent,
&
par
ce moyen de les appliquer a norre túage. Ainíi l'i–
dée de blancheur ou d'amertume , telle qu'elle efl:
d ans l'efpri t , étant exaél:ement conforme a la puif–
fa nce qui efi dans un corps . d'y produire une telle
idée ,
"a
toute la conformité réelle qu'elle peut ou
doit avoir avec les chafes qui exifient hors de nous;
&
cene conformité qui fe trou ve entre nos idées íim–
ples
&
l'exiftence des chafes, fuffit pour nous don–
ner une
connoij{ancc
réelle.
En fecond lieu , to utes nos lqées complexes, ex–
cepté celles des fubfiances, étant des archetypes
que l'efprir a formés luí- meme' qu'il n'a pas defii–
nés a erre des copies de quoi que ce foit' ni rappor–
tés a l'exifience d'aucunes chofes comme a leurs ori–
ginaux, elles ne peuvent manquer d'avoir toute la
co nformité néceífaire
a
une
connoiffance
réelle : car
ce qui n'efi pas deíl:iné a repréfenrer atare chofe que
foi-meme, ne peut erre capable d'une fau lre repré–
fentarion. Or excepré les idées des fubfiances, tel–
les font toutes nos idées complexes , qui font des
combinaifons d'idées, que l'efprit joint enfemble par
un libre choix, fans examiner íi elles ont aucune
liaifon dans la nature. D e-la vient que toutes les
idées de cet ordre font elles- t;nemes conlidérées
comme des archerypes ,
&
les chofes ne font con–
íidérées qu'en rant qu'elles y font confo rmes. Par
conféquent route norre
connoiffance
touchant ces
idées ell réelle ,
&
s'étend aux chofes memes; par–
ce que dans toutes nos penfées, dans rous nos rai–
fonnemens , & dans tous nos difcours ftrr ces Cortes
d'idées , nous n 'avons defiein de confidérer les che –
fes qu'autant qu'el!es font conformes
a
nos idées ;
& par co nféquent nous ne pouvons manquer d'ac–
quérir fur ce fu jet une réalité certaine
&
indttbita–
ble.
Quoique toute notre
connoilfance,
en fait de Ma–
~hématiques
, roule uniquement fur nos propres
1dées , on peut dire cependant qu'elle ell réelle,
&
que ce nc fon t poinr de íimples viíions ,
&
des chi–
meres d''!" cerveau fertile en imaginations &ivoles.
L,e
Mathema t~cien
examine la vérité
&
les proprié–
tes qut apparttennent
a
un reél:angle o u
a
un cercle
a les conlidérer feulement tels qu'ils font en
idé~
dans fon c::fpnr; car peut-íhre n'a-t-il jamais trou–
v é en fa vte aucune de ces ·figures qui foient mathé–
matiquement, c'ell-a-dire, précifément
&
exaél:e–
ment véritables: ce qu.i n'empcche pourtant pas que
la
co!lnm[{ance
qu't! a de quelquc vérité ou de que!-
CON
que
proptiét~
que ce foir, qtú appartieñt au cercle
~u
a route
aut~e
ligur; mathématique, ne foit
vé~
ntable
&
~ertamc,
meme a l'égard des chafes réel·
lement extílantes ; paree que les chafes réelles n'en–
trent daos ces Cortes de propofitio ns
&
n'y font con–
íidérées , qu'autant qu'elles conviennent réellement
av~c l~s
_archetypes ,
~ui f~nt
dans l'efprit duMa–
the~atlcien . E~-1!
v,rai de l1dée du triangle que fes
trOIS angles fotent egaux
a
deux droits? La meme
chofe .efi
~uffi
yéritable d 'un triangle, en que!que
endrolt qu il ex1íte réellement.
Mais
que toute autre
figure aél:uellement exiílante ne foit pas exaaement
co nforme a l'idée du
trian~le
qu'il a dans l'efprit
elle n'a abfolumem rien a demeler avee cette propo:
íitwn: & par conféquent le mathématicien voit cer–
tainement que toute fa
connoilfance
touchant ces Cor–
tes d'idées eíl réelle; paree que ne coniidérant les
chofes qn'autant qu'elles conviennent avec ces idées
qu'il a da os l'efprit, il efi aíffiré que tout ce qu'il fait :
!u~
ces figures,
lor~qu'elles
n'ont qu'une exillence
1deaJe dans fon efpnt
>
fe trouvera auffi véritable
a
l'égard de ces memes figures,
íi
elles viennent
a
exif–
ter réellement dans la matiere: fes réflexions ne rom–
bem que fur ces figures' t¡ui font les memes foit qu'-
elles ·exiíl:ent ou qu'elles n'exifient pas.
'
Il s'enftút
d~a,
que
la connoiffancedes
vérités mo–
rales eíl au!Ii_f';'fceptib!e d'';'ne certitude réelle, que
celle des v éraes mathemauques. Comme nos idées
mora
le~
font elles-rnemes des archerypes, au
!Ji
bien
que les tdées mathématiques,
&
qu'ainíi ce fom des
idées completes, toute la convenance ou
la
difcon–
venance que nous découvrirons entre elles, produi- ·
ra une
connoilfance
réelle, auffi bien que dans les fi–
gures mathématiques.
Pom parvenir a·la
connoiffance
&
a
la •certitude, il
ell nécemlire que nous ayons des idées déterminées ;
&
pour faire que notre
connoilfance
foit réelle,
il
faut que nos idées répondent a leurs archerypes
1
au
reíle l'on ne doit pas trouver étrange, qu'on place
la réalité de notre
connoilfance
dans la confidération
de nos idées , fans fe mettre forr en peine de l'exif–
tence ,réelle des chofes; puifqu'apres y avoir bien
penfé , l'on trouvera, íi je ne me trompe, que la
plftpart des difcours ftrr lefquels roulent les penfées
&
les difputes, ne font effeél:ivement que des propo–
fttions générales
&
des notions, auxquelles l'exif–
tence n'a aucune part. T ous les difcours des Mathé–
maticiens fur la quadrature du cercle, fur les fefrions
coniques, ou fttr toute autre parrie des mathémati–
ques , ne regardent point du tout l'exiílence d'aucu–
ne de ces figures. Les démonfuations qu'ils font fur
cela,
&
qui dépenclent des idées qu'ils ont dans l'ef–
prir , font les memes, foit qu'iJ y ait
llll
quarré
Oll
un cercle aél:uellement exifiant dans le monde, ou
qu'il n'y en ait point. De meme, la vérité des dif–
cours de morale eíl confidérée inclépendamment de
la vie des hommes,
&
de l'exiílence aél:uelle de ces
vertus;
&
les offices de Cicéron ne font pas moins
conformes a la vérité , paree qu'il n'y a perfonne qui
en pratique exaél:ement les ma.ximes,
&
qui regle fa
vie fur le modele d'un homme de bien, te! que
Ci–
céron nous ['a dépeint dans cet
ouvra~e ,
&
qui n'e–
xilloit qu'en idée lo rfqu'il l'écrivoit. S'il ell vrai daos
la fpéculation , c'ell-a-dire en idée, que le meurtre
mérite
la
mort, il le fera au!Ii
a
l'égard de toute
ac–
tion réelle qui eíl cc;>nforme
a
cette idée de meurtre.
Quant aux autres aél:.ions, la vérité de cene propo–
íition ne les touche en aucune maniere.
JI
en el! de
meme de toutes les autres efpeces
~e
chofes qtt!
n'ont point d'aurre elrence que les idees mémes qu1
font dans l'efprit de l'bomme.
En rroilieme lieu , il y a une autre forte d'idées:
complexes , qui fe rapportant a des archf:!tY,pes qut
exiíl:ent hors de nous' peuvent en erre clifférentes;
-
&